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La notion de vision n'est pas de celles qu'il est facile de cerner, et les chercheurs ont du mal à désigner par un terme univoque un domaine d'expériences qui peut, selon les contextes, recouvrir des significations et des usages sociaux très différents. Cet article analyse certains fragments d'un chant rituel enregistré près d'un village du haut-plateau dogon (Mali) au cours d'une thérapie effectuée par l'un des plus célèbres guérisseurs de la région. Il met en évidence la façon dont les toponymes, les métaphores et les synecdoques qui structurent le chant engendrent chez les participants une intense activité imaginative destinée à remémorer des événements passés et à élaborer des sentiments d'appartenance et de solidarité. En analysant les dimensions énonciatives et narratives du texte, il se propose de questionner la nature de l'efficacité symbolique à laquelle concourent des facteurs différents mais tous pareillement décisifs : l'évocation d'un paysage social et moral marqué par la crise, le « déclenchement de l'agressivité » (Favret-Saada), la forme même de l'énonciation rituelle (Severi), la « dé-historicisation institutionnelle » (de Martino), mais aussi la production d'une « contre-mémoire » et d'une forme particulière de conscience historique. Le rite pris en compte a d'autant plus de valeur qu'il est effectué dans un contexte de violence, au sein duquel le guérisseur perpétue la référence à des divinités ou le recours à des dispositifs de soins faisant l'objet d'une dure répression dans le contexte religieux actuel.

Ce qui résiste à l'analyse ethnographique des migrants, ce sont les politiques qui instituent l'illégalité des immigrés. Il y a pourtant dans les récits des demandeurs d'asile un appel à l'aide qui nous est adressé et qui forme une contre-histoire du présent.

This work aims to rethink the relationship between anthropology and cultural psychiatry from a historical perspective, through reflections on the dynamics of forgetting and remembering in the context of migration. While migrants' symptoms often bear cultural hallmarks of suffering, they also reveal images of a traumatic history, which resurface in moments of danger, uncertainty, and crisis. I claim these symptoms are allegories of a dispossessed past, and can be interpreted as counter-memories, as "palimpsests" of an eclipsed script. Trauma symptoms keep returning to a collective past, and thus can be considered a particular form of historical consciousness. Psychiatric diagnoses may obscure these counter-memories. In particular, the diagnostic category of posttraumatic stress disorder that is commonly attached to traumatic experiences in current clinical practice recognizes the truth of individual traumatic events, but at the same time contributes to concealing the political, racial, and historical roots of suffering.

Taking an anthropological approach, the author reflects on refugees and clandestine immigrants, and in particular on the fractured structure of their narratives. This attempt to grasp the sense of vagueness or silence we so often find in immigrants' stories is designed to draw attention to the psychological consequences of both traumatic past events and of the unpredictability and uncertainty often experienced in host countries. The author further argues that the attitudes of social workers involved in clandestine migration and refugee issues reveal unconscious attitudes characteristic of meeting with the Other which also convey the contradictions, racism, and hypocrisy of our policies and governments. The author finally discusses the scenarios of death, violence and apartheid that characterize the day-today life of many undocumented immigrants, and invites academic researchers not to take for granted such descriptive terms as `clandestine', `refugees', and so on.