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Le travail d'inspection en abattoir demande une implication de tout le corps et une adaptation des gestes au rythme de la chaîne d'abattage. L'activité des agents chargés de l'inspection, dont les traits s'apparentent à une gestuelle ouvrière, contient cependant une forte dimension politique. Le geste, contraint par l'abattoir et ses caractéristiques, se trouve au cœur du pouvoir des agents publics et des possibilités de construction de leur identité professionnelle : l'inscription des corps de fonctionnaires sur les lignes d'abattage questionne ce qu'il reste de l'État. Cet article montre que le geste professionnel constitue une entrée de choix pour comprendre la signification que ces agents publics donnent à leur travail. En examinant les enjeux du geste et de ses adaptations aux contextes locaux dans le cadre d'une mission régalienne, il plaide en faveur d'une analyse multi-niveaux du geste professionnel.

La mise sur agenda des troubles musculo-squelettiques (TMS) des agents en abattoir est concomitante avec la réflexion sur la transformation de l'action publique. Cet article entend démontrer en quoi les problématiques de santé au travail sont des révélateurs de la mise en faillite de l'action étatique. Pour ce faire, il analyse les actions mises en œuvre aux niveaux local et national dans le contexte de la mise sur agenda de la santé au travail et entend montrer comment les régulations liées à la santé au travail des inspecteurs en abattoir sont intriquées dans la politique de la surveillance sanitaire des aliments (sa mise en œuvre, sa légitimité, son destin) et participent ce faisant à la redéfinition de la mission de service public. L'article montre à partir de quelles entrées, de quelles justifications, de quelles méthodes et de quels rapports de force s'opérationnalise le rétrécissement du périmètre d'intervention de l'État, ou tout au moins son déplacement.

Cet article interroge les spécificités d'un groupe professionnel, les agents de l'État en abattoir. Ces particularités soulèvent plusieurs tensions structurantes qui gagnent à être analysées en termes de socialisation. Les agents en abattoir sont en effet tiraillés entre leur appartenance à la fonction publique et l'ouvriérisation du travail, d'une part, et leur engagement au travail et une tentation démissionnaire, d'autre part. L'un des enjeux de cette étude consiste à montrer comment ce personnel négocie le travail « à-côté » afin de ménager des dispositions issues de leur trajectoire et de leurs appartenances sociales. Cette forme de « retrait » est parfois la conséquence d'un mal-être au sein de l'administration. Elle apparaît aussi comme l'affirmation et le pivot d'une culture rurale héritée et d'une culture ouvrière adoptée. C'est sur le temps de travail que se cristallisent les conflits et que portent les arrangements. Le temps de travail devient un réel enjeu politique en ce qu'il mobilise des représentations de ce que doit être le travail, de surcroît le travail dans le secteur public. Ce sont, in fine , les sens donnés au hors-travail qui sont questionnés, notamment dans la période contemporaine, à travers l'introduction récente des enjeux de santé au travail.