L'article interroge l'influence de l'environnement numérique sur notre expérience des œuvres d'art. Il s'agit d'identifier certains traits saillants des modifications structurelles de notre rapport aux œuvres, en mettant en dialogue le paradigme de l'expérience esthétique tel qu'il est défini par Jean-Marie Schaeffer, et le paradigme de l'attention post-numérique pensé par Katherine Hayles et Yves Citton. Cette réflexion, portant sur l'effet de l'environnement numérique sur nos comportements cognitifs, affectifs, sensoriels, ne se limite donc pas à l'étude d'œuvres d'art utilisant un medium numérique.
Cet article s'interroge sur la relation entre l'expérience esthétique qu'offre le musée et la transformation de soi au contact d'œuvres qui bouleversent notre regard sur le monde. Une thérapie reposant sur des émotions esthétiques peut-elle contribuer au soin ou au rétablissement d'une personne, en associant l'expérience de l'art à une démarche de guérison ou d'intégration sociale ? Le musée peut-il soigner et devenir thérapeute ? Sa visite permet-elle d'engager un travail sur soi et contribuer à un bien-être personnel ? Une approche compréhensive biographique en sciences de l'éducation et une expérience d'engagement lors de l'exposition « Art brut du Japon, un autre regard » au musée de Lausanne (2018-2019) permettent d'appréhender les œuvres d'artistes autodidactes. La visite construit, forme autant qu'elle surprend, dérange nos savoirs communs par l'ingéniosité des supports employés à des fins de rétablissement personnel. Autant d'occasions d'ouvrir les voies d'une recherche sur la pratique du soin au musée et le rapport à soi et au monde qui s'y institue.
Résumé Qu'est-ce qu'une « expérience esthétique » dans le contexte de la maladie ? Comment comprendre et interpréter les gestes et conduites de ceux qui, au cours de leur expérience de la maladie, accrochent l'image de leur corps interne sur les murs de leur domicile ? Pour les patients concernés, il ne s'agit nullement de « fantaisies individuelles », mais d'une réarticulation des relations entre « corps » et identité dans le champ de la souffrance. Ainsi se met en place une reconstruction identitaire implicite passant par l'image radiographique. Celle-ci possède le pouvoir redoutable non seulement d'influer sur la manière de « penser », mais aussi de « ressentir » le rapport au corps et, par conséquent, à soi en s'immisçant par les sens, les perceptions et les émotions dans le monde vécu et intime des personnes.
A relatively recent movement (having gained momentum in the 2010s), temporary urbanism reveals a collective phenomenon of legal occupation of unoccupied urban wastelands. Always indefinite and evolving, it includes (although not exclusively) projects focused on redeveloping wasteland spaces into third places for general interest uses ranging from cultural, to business, to housing, to solidarity. Sometimes manifesting itself between the realms of art and urban planning, the immersive and resourceful practice of temorary urbanism bets on the value of exchange and sharing of knowledge, shared-use solutions, collaboration and solidarity within a formerly unoccupied evolving shared urban space. Practiced by ambianceurs ("ambiance creators"), aiming to serve the interests of the local community, temporary urbanism is known, for the purposes of this study, as artivistic. The following research project sought to describe the functioning of a sample of two third-place projects led by artivist urban planners, one in France (Les Grands Voisins in Paris, co- managed by the Yes We Camp collective) and one in England (Granby Four Streets in the suburbs of Liverpool, co-managed by the Assemble collective), and to analyze how these experiences can be conceived as transformative from an aesthetic point of view. This work sought to study the conditions and technique of "soft militancy", or artivism, an approach of ecosophical affinity (Guattari), consisting of two processes: an immersion on the part of urban planners and the design of ambiences (meaning physical spaces and social dynamics). This work approaches artivistic urbanism as an unfinished performance, a series of carefully planned structures intended to inspire the spontaneous and the unforeseen. They are intended as testing methods that could succeed in creating ideal symbolic anchors in the urban territory. The study observes the functioning of these stagings under the prism of aesthetic pragmatism as pertaining an ethical-aesthetic inflection which, according to Dewey, holds inevitable democratic possibilities. ; Mouvement collectif relativement récent (ayant pris de l'ampleur dans les années 2010), l'urbaniste temporaire occupe légalement et réaménage des friches urbaines inoccupées afin de les convertir en tiers-lieux à usages culturels, solidaires, logements, travail d'intérêt général. Selon une pratique d'ambianceurs, voulant se mettre au service d'une collectivité et qui se manifeste parfois dans l'entre-deux entre artistique et urbanistique, cet urbanisme débrouillard et d'immersion parie sur les valeurs d'échange et de partage de savoirs et d'usages, d'inclusion et de solidarité dans les espaces inoccupés en ville, une pratique que nous qualifions d'artiviste.Nous avons cherché à décrire le fonctionnement d'un échantillon de deux projets de tiers- lieux menés par des urbanistes artivistes – en France (Les Grands Voisins à Paris, cogéré par le collectif Yes We Camp) et en Angleterre (Granby Four Streets dans la banlieue de Liverpool, cogéré par le collectif Assemble) –, et à analyser en quoi ces expériences sont transformatrices d'un point de vue esthétique. Nous nous sommes intéressée aux conditions et à la technique de militance douce, une approche d'affinité écosophique (Guattari), caractérisée par une immersion de la part des urbanistes et le dessin d'ambiances malléables – c'est-à-dire, à des usages divers et adaptables à différents types de publics et d'usagers – et par la construction collaborative et interactionnelle, tout en laissant de la place au spontané et à l'imprévu.Ce travail aborde l'urbanisme artiviste comme une performance non finie, testant des méthodes qui pourraient réussir à créer des ancrages symboliques idéaux dans le territoire urbain. Nous observons le fonctionnement de cette mise en scène à inflexion esthético- engagée sous le prisme du pragmatisme esthétique qui, selon Dewey, a d'inévitables possibilités démocratiques.
artists - designers - cultural production - recycling - aesthetic experience - De nos jours, artistes et créateurs de toutes orientations, et dans différents champs de production culturelle, ont de plus en plus recours à des procédés impliquant le traitement de matériaux qui sont déjà disponibles dans l'espace culturel : ils créent en recyclant. Grâce aux nouvelles technologies de reproduction des œuvres et de traitement de données, cette modalité de production s'affirme comme une dominante de la culture contemporaine. Comment en rendre compte esthétiquement ? Quel est son impact sur notre expérience esthétique ? En quoi nous oblige-t-elle à repenser concepts et compréhension dans le domaine de l'esthétique. Dans ce livre, un groupe international de dix-huit chercheurs se penche sur cette interface entre esthétique et recyclage culturel et propose des éléments de réponse à ces questions. Ce livre est issu d'un colloque international qui eut lieu en 2001 à Montréal.
Comédienne et metteuse en scène, Marion Coutarel livre ses réflexions sur le théâtre, conçu comme un lieu d'expériences. Elle rend compte de la manière dont ces expériences – esthétiques et sensibles – se partagent entre les acteur·ices, dans un langage commun qui s'invente au fur et à mesure des répétitions. Première artiste associée à l'ESAT artistique La Bulle Bleue, Marion Coutarel présente des moments marquants de son travail de création. « Faire (du) théâtre avec des acteur·rices dit singulier·e·s, écrit-elle, c'est être aux sources de ce pourquoi j'ai choisi de faire ce métier de metteuse en scène et d'actrice ». Cet article témoigne de son travail de recherche théâtrale « au plus près de l'humain ». Des extraits du Journal de bord de la création de Marion Coutarel sont aussi publiés dans ce numéro.
Ce texte tente de montrer en quoi la notion de médiation esthétique, qui articule la question du commun et de la communauté à celle de l'adresse et de la réception, rencontre l'objectif de conserver à la notion de médiation une dimension critique et politique. Je m'y réfère à un modèle fondé sur la mise en lien entre l'expérience esthétique et la possibilité d'une communauté ; ce modèle, théorisé par Kant, est très longuement commenté et interrogé par Arendt, en particulier dans La Crise de la culture et dans Juger. Sur la philosophie politique de Kant. Ces références s'inscrivent également dans le cadre théorique dessiné par les notions de malentendu et de mésentente telles qu'elles sont problématisés respectivement par Derrida et Rancière. ; Ce texte tente de montrer en quoi la notion de médiation esthétique, qui articule la question du commun et de la communauté à celle de l'adresse et de la réception, rencontre l'objectif de conserver à la notion de médiation une dimension critique et politique. Je m'y réfère à un modèle fondé sur la mise en lien entre l'expérience esthétique et la possibilité d'une communauté ; ce modèle, théorisé par Kant, est très longuement commenté et interrogé par Arendt, en particulier dans La Crise de la culture et dans Juger. Sur la philosophie politique de Kant. Ces références s'inscrivent également dans le cadre théorique dessiné par les notions de malentendu et de mésentente telles qu'elles sont problématisés respectivement par Derrida et Rancière.
Cet article s'intéresse au corps et à l'expérience esthétique dans le contexte de l'usage des réseaux sociaux, notamment Instagram et Facebook. Au centre des pratiques liées à la consommation, à l'apparence et au développement personnel de l'individu, le corps est prépondérant dans l'expérience esthétique, à travers différents moyens de communication, consommation et partage de contenu. Notre travail s'est ainsi orienté vers une présentation de certaines pratiques liées à la recherche d'esthétique corporelle et inscrites dans le contexte des réseaux sociaux. Après une partie théorique focalisée sur l'expérience, le corps et l'esthétique, l'étude de terrain expose certains aspects des relations entre construction d'une esthétique du corps et du quotidien, pratiques de communication sur les réseaux sociaux et expérience esthétique. La discussion propose des pistes de réflexion à partir des éléments issus du terrain, et les envisage sous l'angle des concepts théoriques évoqués dans la première partie.
The discursive transgression of street art can be expressed in various spaces. In the street for a first appearance, but the coverings on the social networks give new spatiality and temporality to a work, they now inscribe it in duration as well as in a new "effect of meaning". Moving from an urban wall to a sociodigital wall, subversion commits to the constitution of a community around a thematic or a more or less politicized center of interest. Egypt in 2010 sees street art suddenly appearing in its streets and spreading like wildfire on the sociodigital networks from the insurrectional uprising of January-February 2011.From this observation, it will be necessary to study the contribution of the social media mediation of street art, taken over by activist communities, to incite political collectives to an action. This work of thesis will try to verify to what extent these collectives are instituted in a political public demanding the fall of a political regime as well as the establishment of a civil and democratic power. A pragmatist approach will combine a deweyian "theory of action" with a Peircian semiotics in order to observe the actions of a political public. These are aroused by media devices, which include street artivist images in their speeches, generating victimary and martyrological mythographic narratives. ; La transgression discursive que constitue le street art peut s'exprimer dans divers espaces. Si les œuvres apparaissent tout d'abord dans la rue, leurs reprises sur les réseaux socionumériques leur octroient de nouvelles spatialité et temporalité ; elles sont alors non seulement inscrites dans la durée, mais également intégrées dans un nouvel « effet de sens ». Passant d'un mur urbain à un mur socionumérique, cet acte subversif engage à la constitution d'une communauté autour d'une thématique ou un centre d'intérêt plus ou moins politisé. L'Egypte voit le street art soudainement apparaître dans ses rues et se répandre comme une traînée de poudre sur les réseaux socionumériques dès le soulèvement insurrectionnel de janvier-février 2011. A partir de ce constat, il s'agit d'étudier la contribution de la médiation socionumérique du street art, prise en charge par des communautés activistes, à un agir des collectifs politiques. Ce travail de thèse a pour principal objectif de vérifier dans quelle mesure ces collectifs s'instituent en un public politique revendiquant la chute d'un régime ainsi que la mise en place d'un pouvoir civil et démocratique. Une approche pragmatiste, associant une « théorie de l'action » deweyienne à une sémiotique peircienne, est mise à l'œuvre afin d'observer les actions d'un public. Celles-ci sont suscitées par des dispositifs médiatiques, dont les auteurs insèrent dans leur discours des images street artivistes, générant des récits mythographiques victimaires et martyrologiques.
The discursive transgression of street art can be expressed in various spaces. In the street for a first appearance, but the coverings on the social networks give new spatiality and temporality to a work, they now inscribe it in duration as well as in a new "effect of meaning". Moving from an urban wall to a sociodigital wall, subversion commits to the constitution of a community around a thematic or a more or less politicized center of interest. Egypt in 2010 sees street art suddenly appearing in its streets and spreading like wildfire on the sociodigital networks from the insurrectional uprising of January-February 2011.From this observation, it will be necessary to study the contribution of the social media mediation of street art, taken over by activist communities, to incite political collectives to an action. This work of thesis will try to verify to what extent these collectives are instituted in a political public demanding the fall of a political regime as well as the establishment of a civil and democratic power. A pragmatist approach will combine a deweyian "theory of action" with a Peircian semiotics in order to observe the actions of a political public. These are aroused by media devices, which include street artivist images in their speeches, generating victimary and martyrological mythographic narratives. ; La transgression discursive que constitue le street art peut s'exprimer dans divers espaces. Si les œuvres apparaissent tout d'abord dans la rue, leurs reprises sur les réseaux socionumériques leur octroient de nouvelles spatialité et temporalité ; elles sont alors non seulement inscrites dans la durée, mais également intégrées dans un nouvel « effet de sens ». Passant d'un mur urbain à un mur socionumérique, cet acte subversif engage à la constitution d'une communauté autour d'une thématique ou un centre d'intérêt plus ou moins politisé. L'Egypte voit le street art soudainement apparaître dans ses rues et se répandre comme une traînée de poudre sur les réseaux socionumériques dès le ...