Sara Alonso Gomez présente le début de sa traduction du livre de Sianne Ngai sur les catégories esthétiques. Trois nouvelles catégories semblent nécessaires à côté du sublime et du beau, pour rendre compte de la manière dont les expériences privées façonnent les discours esthétiques : le mignon qui renvoie à Adorno et à la consommation, le zinzin qui renvoie à Nietzsche et à la production, l'intéressant qui renvoie à Frédéric Schlegel et à la circulation.
En Chine, comme dans de nombreux autres pays, l'urbanisme est considéré comme une fonction gouvernementale distincte, qui consiste à élaborer des plans stratégiques et d'aménagement du territoire pour le développement urbain. Au cours des dernières décennies, le processus d'urbanisation s'est intensifié, notamment dans les pays densément peuplés d'Asie. Les centres urbains se sont souvent développés plus vite que n'auraient jamais pu l'imaginer les urbanistes, ce qui a engendré une quantité énorme de problèmes urbains, tels que la congestion, les embouteillages, le manque d'infrastructures, les désagréments causés par les services et la pollution. En examinant la dynamique entre les modèles d'urbanisme et les questions et priorités de la politique d'aménagement urbain à Beijing, la méga-capitale chinoise, cet article démontre l'importance de considérer l'urbanisme comme une composante essentielle des politiques publiques et l'importance de s'efforcer de mieux intégrer l'aménagement et la gouvernance urbaine. La profession d'urbaniste elle-même doit également être revue afin de permettre l'apprentissage national et international, d'accueillir des planificateurs issus de disciplines différentes et d'utiliser des méthodes d'aménagement nouvelles et ouvertes. Ce n'est qu'ainsi que l'aménagement peut véritablement déboucher sur une formation urbaine d'une utilité durable, d'une beauté esthétique et d'une justice spatiale, capable d'offrir une expérience urbaine constamment renouvelée.
Autant qu'une expérience esthétique, nous cherchons aujourd'hui dans la littérature des ressources pour comprendre le monde contemporain, voire le transformer. En témoigne l'importance prise par les enjeux d'écologie, de féminisme ou de dénonciation des inégalités dans la littérature de ce début du xxi e siècle, qui prend des formes renouvelées : le témoignage ou l'enquête, qui réinventent la littérature comme forme politique.
How and why do some contemporary body practices that take place at the crossroads of aesthetics and politics give to the critics of the sexual order a dimension that is both experiential and experimental? How do they produce meaning and effects that are susceptible of questioning the dominant rational order? These are the questions that guide the present research work. To answer them, I focus on a specific practice that operates as a tool to the feminist struggle: the drag king workshops. I propose here to analyze them at the light of a decentered reading of Antonin Artaud's theater of cruelty. This reading relates the artaudian notion of cruelty to the notions of performance and performativity to highlight the creative and potentially subversive dimension of a corporal and collective practice. By relating aesthetic transformation and political engagement, this work on a "political travestying practice" explores the critical dimension of a kind of questioning our own corporal positions reflecting the scale of privileges and oppressions constituted by the dominant régime of rationality.My approach to these questions is also a situated approach, hence the autobiographic dimension of the process I propose here. Artaud has been a harsh critic of the logical and aesthetical forms of "western" rationality. That is why his reading can be useful to think the western closure. In fact, from my own position as a sudaka, a Colombian migrant, taken within a complex colonial history, I articulate, through my reading of Artaud's thought and itinerary the critic of the sexual order and the critic of a dominant rationality. Faithful to a conception of the consubstantial connections between aesthetics and politics, as well as between practice and theory, I put on stage my encounter with Artaud and his own encounter with Mexico, a double encounter that informs my reading and my experience in the drag king workshops. ; Comment et pourquoi certaines pratiques contemporaines du corps, qui se déroulent au carrefour de l'esthétique et du politique, donnent-elles à la critique de l'ordre sexuel une dimension à la fois vécue et expérimentale ? Comment produisent-elles un sens et des effets susceptibles de mettre en question l'ordre rationnel dominant ? Telles sont les questions qui guident ce travail de recherche. Pour y répondre, je me centre sur une pratique spécifique qui sert d'outil de lutte féministe : les ateliers drag king. Je propose de les analyser à la lumière d'une lecture décentrée du théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud : il s'agit d'une lecture qui relie la notion artaudienne de cruauté à celles de performance et de performativité, afin de souligner la dimension créative et potentiellement subversive d'une pratique corporelle et collective. Ce travail sur un « travestissement politique » explore la dimension critique d'un certain questionnement de nos positions corporelles, là où celles-ci reflètent l'échelle des privilèges et des oppressions constituées par le régime de rationalité dominant.Mon approche de ces questions est une approche située, d'où la dimension autobiographique du parcours que je propose. Artaud a été un grand pourfendeur des formes logiques et esthétiques de la rationalité « occidentale ». C'est pourquoi il me semble que son expérience peut être utile pour penser la clôture occidentale. En effet, sa pensée et son itinéraire me permettent d'articuler ensemble critique de l'ordre du sexe et critique de la rationalité dominante, à partir de ma position de migrante sudaka, prise dans une histoire coloniale complexe. Fidèle à une conception du rapport consubstantiel entre esthétique et politique comme entre pratique et théorie, je mets en scène ma rencontre d'Artaud et sa propre rencontre avec le Mexique : double rencontre qui informe ma lecture et mon expérience des ateliers drag kings.
How and why do some contemporary body practices that take place at the crossroads of aesthetics and politics give to the critics of the sexual order a dimension that is both experiential and experimental? How do they produce meaning and effects that are susceptible of questioning the dominant rational order? These are the questions that guide the present research work. To answer them, I focus on a specific practice that operates as a tool to the feminist struggle: the drag king workshops. I propose here to analyze them at the light of a decentered reading of Antonin Artaud's theater of cruelty. This reading relates the artaudian notion of cruelty to the notions of performance and performativity to highlight the creative and potentially subversive dimension of a corporal and collective practice. By relating aesthetic transformation and political engagement, this work on a "political travestying practice" explores the critical dimension of a kind of questioning our own corporal positions reflecting the scale of privileges and oppressions constituted by the dominant régime of rationality.My approach to these questions is also a situated approach, hence the autobiographic dimension of the process I propose here. Artaud has been a harsh critic of the logical and aesthetical forms of "western" rationality. That is why his reading can be useful to think the western closure. In fact, from my own position as a sudaka, a Colombian migrant, taken within a complex colonial history, I articulate, through my reading of Artaud's thought and itinerary the critic of the sexual order and the critic of a dominant rationality. Faithful to a conception of the consubstantial connections between aesthetics and politics, as well as between practice and theory, I put on stage my encounter with Artaud and his own encounter with Mexico, a double encounter that informs my reading and my experience in the drag king workshops. ; Comment et pourquoi certaines pratiques contemporaines du corps, qui se déroulent au carrefour de l'esthétique et du politique, donnent-elles à la critique de l'ordre sexuel une dimension à la fois vécue et expérimentale ? Comment produisent-elles un sens et des effets susceptibles de mettre en question l'ordre rationnel dominant ? Telles sont les questions qui guident ce travail de recherche. Pour y répondre, je me centre sur une pratique spécifique qui sert d'outil de lutte féministe : les ateliers drag king. Je propose de les analyser à la lumière d'une lecture décentrée du théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud : il s'agit d'une lecture qui relie la notion artaudienne de cruauté à celles de performance et de performativité, afin de souligner la dimension créative et potentiellement subversive d'une pratique corporelle et collective. Ce travail sur un « travestissement politique » explore la dimension critique d'un certain questionnement de nos positions corporelles, là où celles-ci reflètent l'échelle des privilèges et des oppressions constituées par le régime de rationalité dominant.Mon approche de ces questions est une approche située, d'où la dimension autobiographique du parcours que je propose. Artaud a été un grand pourfendeur des formes logiques et esthétiques de la rationalité « occidentale ». C'est pourquoi il me semble que son expérience peut être utile pour penser la clôture occidentale. En effet, sa pensée et son itinéraire me permettent d'articuler ensemble critique de l'ordre du sexe et critique de la rationalité dominante, à partir de ma position de migrante sudaka, prise dans une histoire coloniale complexe. Fidèle à une conception du rapport consubstantiel entre esthétique et politique comme entre pratique et théorie, je mets en scène ma rencontre d'Artaud et sa propre rencontre avec le Mexique : double rencontre qui informe ma lecture et mon expérience des ateliers drag kings.
En 2009 débute la publication de Homestuck , un webcomic créé par Andrew Hussie. Ce mémoire s'intéresse à cet étrange objet virtuel qui remet en question bon nombre de conventions pour construire une entreprise esthétique originale. L'enjeu de ces analyses est de comprendre comment et pourquoi Homestuck entreprend de déconstruire la légitimité de certaines notions théoriques traditionnelles telles que l'auctorialité ou le canon, en retirant souvent à l'auteur son pouvoir sur l'œuvre pour le conférer au lecteur. Il analyse également la manière dont le format numérique du webcomic construit un propos nouveau, à la fois subversif et cohérent. Homestuck pourra alors être vu comme une oeuvre qui ne saurait être définie comme strictement littéraire, mais comme une expérience ou un moment, un engagement dans les guerres culturelles américaines d'un genre nouveau.
En 2009 débute la publication de Homestuck , un webcomic créé par Andrew Hussie. Ce mémoire s'intéresse à cet étrange objet virtuel qui remet en question bon nombre de conventions pour construire une entreprise esthétique originale. L'enjeu de ces analyses est de comprendre comment et pourquoi Homestuck entreprend de déconstruire la légitimité de certaines notions théoriques traditionnelles telles que l'auctorialité ou le canon, en retirant souvent à l'auteur son pouvoir sur l'œuvre pour le conférer au lecteur. Il analyse également la manière dont le format numérique du webcomic construit un propos nouveau, à la fois subversif et cohérent. Homestuck pourra alors être vu comme une oeuvre qui ne saurait être définie comme strictement littéraire, mais comme une expérience ou un moment, un engagement dans les guerres culturelles américaines d'un genre nouveau.
The photographic work of Richard Misrach (1949-.) explores the manners man and nature intertwine and collide in the American landscape. While producing highly aesthetic photographs through the development of colour photography and large-scale formats, Misrach is perceived as having politicised landscape photography. From bombing ranges to petrochemical pollution, he repeatedly captured occurrences of disasters. This dissertation is an attempt at analysing Misrach's landscape photography through the paradigm of disaster in its contemporary acceptation as being man-made and media-borne (Isak Holm). Misrach's multi-faceted approach provides peculiar transcriptions of disaster by standing aside, taking a step back, as opposed to traditional subject matters in landscape photography and instantaneous media coverage. His recreation and remediation of the experience of disaster unfolding through time, space and senses turn into an aesthetic and contemplative experience which allows for a reframing of disaster's representations and creates space for new disaster narratives. This study is centred on four series: Desert Cantos (1979-present), 1991: The Oakland-Berkeley Fire Aftermath (1991), Destroy this Memory (2005) and Petrochemical America (1998-2010). ; L'œuvre photographique de Richard Misrach (1949-. ) explore les relations complexes et protéiformes qui entremêlent l'homme et la nature à travers le paysage américain. Ses créations se situent à la frontière d'une esthétique travaillée — en contribuant au développement de la photographie en couleur comme forme artistique légitime et en s'inscrivant dans la tradition des chambres photographiques grand format — et d'une volonté de politiser la photographie de paysage. Misrach s'est principalement consacré à la capture de désastres, qu'il s'agisse de zones d'essais nucléaires dans le désert ou de la pollution pétrochimique en Louisiane. Cette étude tentera d'analyser la photographie de Richard Misrach à travers le paradigme du désastre comme étant simultanément un produit de l'homme et des médias (Isak Holm). La réinterprétation et la remédiation de l'expérience du désastre offertes par Misrach se déploient selon des problématiques temporelles, spatiales et esthétiques qui se réunissent en une expérience contemplative. Ces questionnements permettent un recadrage des représentations du désastre et ouvrent la possibilité de mener de nouvelles discussions autour des discours sur le désastre. Ce mémoire s'intéressa principalement à quatre séries photographiques, à savoir, Desert Cantos (1979-present), 1991 : The Oakland-Berkeley Fire Aftermath (1991), Destroy this Memory (2005) et Petrochemical America (1998-2010).
« Un coworking sans communauté n'existe pas. » Qu'est-ce qui sépare les nous du tiers-lieu de ceux de la start-up (plus ou moins nationalisée) ? Qu'est-ce qui distingue les bretelles (d'un nous relativement dilaté, diffracté ou bifurquant) des autoroutes (du je au cœur du développement personnel comme du nous des team buildings et atelier de we design) ? L'auto-affectation d'un soi mis au pluriel tente, par un simple jeu pronominal, de cacher son intention de relier tout le monde. À travers les reflets de ces belles âmes dans leurs variations esthétiques, cet article se propose de penser les réactualisations de la standardisation psychique mondiale en montrant comme elles brouillent de quel entre-nous ça parle. On part d'une série de citations des stars de la république des lettres. Direct, on multiplie les formes de déterritorialisations énonciatives comme autant de traversées d'un nous attaché à son incertitude d'échelle et excité par ses anachronismes : expérience originelle de l'autre comme soi, atelier alter-constructiviste, méditation auto-décentrante, réunion anti-facilitatrice, contre-point sur la situation actuelle.
The study and compilation of heterogeneous sources – collections of artworks and books, publications of articles and monographs in Danish and French, travels, exhibitions – available on the work of the Danish artist Asger Jorn (1914-1973) reveal an ensemble of dynamics and stances taken by the artist – both in his avant-garde artistic initiatives and experiences and in his aesthetic, political and philosophical writings – which in their infinite multiplicity require adopting another perspective than that of classical art history or of a strictly biographical method. Taking a sociological approach inspired by the Actor Network Theory, that is to say without presupposing any group or movement before studying the facts, we focus on the temporal, spacial and theoretical group strategies, and the resulting controversies. Those synergies show themselves to be so significant in Asger Jorn's work that the latter takes the form of endlessly evolving group networks. Closely adhering to the creations and thinking of the Danish artist himself, this view draws a portrait which brings out the full potency and coherence of this œuvre that evades all fixed categorization. ; L'étude et la compilation des sources hétérogènes – collections d'œuvres et de livres, publications d'articles et de monographies en danois et en français, voyages, expositions – disponibles sur l'œuvre de l'artiste danois Asger Jorn (1914-1973) mettent au jour un ensemble de dynamiques et de positions prises par l'artiste – à la fois dans ses initiatives et expériences artistiques dans l'avant-garde et dans ses écrits esthétiques, politiques et philosophiques – qui par leur infinie multiplicité demande de prendre une perspective différente de celle proposée par l'histoire de l'art classique ou l'approche strictement biographique. En nous inspirant de réflexions sociologiques proches de celle des acteurs-réseaux, c'est-à-dire en ne présupposant aucun groupe ou mouvement avant d'étudier les faits, nous nous intéressons aux stratégies de groupes temporelles, ...
Hannah Arendt's claim that thinking is the last defense against the moral outrages of criminal political regimes sets the problematic of good and evil in relief. Human freedom, Paul Ricœur reminds us, is responsible for evil. The avowal of the evil of violence is thus the condition of our consciousness of the freedom to act anew.Aesthetic experience's lateral transposition onto the planes of ethics and politics highlights our capacity to respond to exigencies in apposite ways. Exemplary representations of the good, the right, and the justexpress a desire for being. Eros is accordingly the law of every work, word, deed, or act that answers to a difficulty, challenge, or crisis. Bound to living experiences, thought attains its true height through interrogating, demystifying, and vacating frozen norms, standards, and mores. Judgment actualizes thought's liberating effects in answer to the demands of the situations in which we find ourselves. ; L'affirmation d'Hannah Arendt selon laquelle la pensée est la dernière défense contre les outrages moraux des régimes politiques criminels met en relief la problématique du bien et du mal. La liberté humaine, nous rappelle Paul Ricœur, est responsable du mal. L'aveu du mal causé par la violence est donc la condition de la prise de conscience de notre liberté d'agir à nouveau.La transposition latérale de l'expérience esthétique sur les plans de l'éthique et de la politique met en évidence notre capacité à répondre aux exigences de manière appropriée. Les représentations exemplaires du bien, du droit et du juste expriment un désir d'être. Eros est donc la loi de toute œuvre, parole, action ou acte qui répond à une difficulté, un défi ou une crise. Liée aux expériences vécues, la pensée atteint sa véritable hauteur en interrogeant, démystifiant et rejetant les normes, les standards et les mœurs figés. Le jugement actualise les effets libérateurs de la pensée en réponse aux exigences des situations dans lesquelles nous nous trouvons.
The study and compilation of heterogeneous sources – collections of artworks and books, publications of articles and monographs in Danish and French, travels, exhibitions – available on the work of the Danish artist Asger Jorn (1914-1973) reveal an ensemble of dynamics and stances taken by the artist – both in his avant-garde artistic initiatives and experiences and in his aesthetic, political and philosophical writings – which in their infinite multiplicity require adopting another perspective than that of classical art history or of a strictly biographical method. Taking a sociological approach inspired by the Actor Network Theory, that is to say without presupposing any group or movement before studying the facts, we focus on the temporal, spacial and theoretical group strategies, and the resulting controversies. Those synergies show themselves to be so significant in Asger Jorn's work that the latter takes the form of endlessly evolving group networks. Closely adhering to the creations and thinking of the Danish artist himself, this view draws a portrait which brings out the full potency and coherence of this œuvre that evades all fixed categorization. ; L'étude et la compilation des sources hétérogènes – collections d'œuvres et de livres, publications d'articles et de monographies en danois et en français, voyages, expositions – disponibles sur l'œuvre de l'artiste danois Asger Jorn (1914-1973) mettent au jour un ensemble de dynamiques et de positions prises par l'artiste – à la fois dans ses initiatives et expériences artistiques dans l'avant-garde et dans ses écrits esthétiques, politiques et philosophiques – qui par leur infinie multiplicité demande de prendre une perspective différente de celle proposée par l'histoire de l'art classique ou l'approche strictement biographique. En nous inspirant de réflexions sociologiques proches de celle des acteurs-réseaux, c'est-à-dire en ne présupposant aucun groupe ou mouvement avant d'étudier les faits, nous nous intéressons aux stratégies de groupes temporelles, spatiales et théoriques et aux controverses qui en résultent. Ces synergies se révèlent si présentes dans l'œuvre d'Asger Jorn que cette dernière prend alors la forme de réseaux de groupes qui évoluent sans cesse. Une telle vision au plus près des créations et réflexions de l'artiste danois lui-même dresse un portrait qui fait ressortir toute la puissance et la cohérence de cette œuvre qui échappe à toute catégorisation figée.
Colloques Fabula, , 21 septembre 2021 ; International audience ; Pratique tantôt sociale tantôt solitaire, la promenade génère également au « tournant des Lumières » une expérience d'écriture, en particulier à l'œuvre dans Les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau. Pas d'écriture vagabonde sans posture de l'écrivain-marcheur : l'ethos du déplacement dans l'espace influence tout à la fois le mode de pensée et d'écriture. La promenade n'est cependant pas univoque d'un siècle à l'autre. Pour Rousseau, elle doit être effectuée dans la nature, alors que la première moitié du XIXe siècle consacre la figure du flâneur urbain, qui deviendra plus tard le « rôdeur » baudelairien : « Si les promenades, rurales ou urbaines, diffèrent à ce point, tout se passe comme si le promeneur à la manière de Jean-Jacques se convertissait en flâneur-figure qui deviendra centrale […] : du promeneur au flâneur ». Employé dans sa forme pronominale (« se promener »), le verbe désigne, outre le déplacement qu'il implique, une « marche effectuée par plaisir ». Si l'on dispose du loisir et du temps pour se promener, la marche plaisante peut devenir flânerie, ce qui implique d'avancer lentement, sans avoir ni but précis à atteindre ni impératif temporel à respecter. Aussi la flânerie suppose-t-elle une forme de « farniente », justement décrite par Rousseau dans la cinquième promenade des Rêveries. Attesté par l'Académie à partir du siècle suivant, en 1808, « flâner » suppose en effet d'avoir le loisir de perdre son temps, tout au moins de pouvoir « avancer lentement, sans hâte, au hasard ». Dans les Petits poèmes en prose, Baudelaire, qui avait projeté pour titre « Le Rôdeur parisien », met en scène ce vagabond-criminel dont la présence est furtive mais obsédante, « […] qui […] rôde lâchement une heure devant sa porte […] ». D'allure suspecte, souvent repéré la nuit, le rôdeur a pour caractéristique d'être louche, doté d'intentions malveillantes ou hostiles qui ne sont pas sans rappeler « la morale désagréable » que revendique Baudelaire pour ses poèmes « inintelligibles et répulsifs ». La modification de la manière de se promener, des Rêveries de Rousseau au Spleen de Baudelaire, fait surgir des enjeux propres à cette période. Enjeu culturel avant tout, puisque la promenade suppose au niveau sociologique l'essor du loisir et du temps libre. Social : la solitude, revendiquée tant par Rousseau que par Baudelaire, fait du poète un être isolé, parfois exclu, dans tous les cas marginal. Esthétique et poétique : la modification de la promenade et du statut du poète génère l'essor d'une prose poétique libre, qui devient avec Baudelaire poésie en prose. Éthique et moral : cette transformation de la promenade innocente dans la nature en vagabondage du rôdeur urbain génère une poésie agressive et désagréable pour le lecteur. Politique enfin : cette promenade est érigée en « droit de s'en aller » par un poète dandy fondamentalement provocateur et révolté. Quelles sont par conséquent les changements induits par cette nouvelle expérience de la promenade littéraire de Rousseau à Baudelaire ?
Colloques Fabula, , 21 septembre 2021 ; International audience ; Pratique tantôt sociale tantôt solitaire, la promenade génère également au « tournant des Lumières » une expérience d'écriture, en particulier à l'œuvre dans Les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau. Pas d'écriture vagabonde sans posture de l'écrivain-marcheur : l'ethos du déplacement dans l'espace influence tout à la fois le mode de pensée et d'écriture. La promenade n'est cependant pas univoque d'un siècle à l'autre. Pour Rousseau, elle doit être effectuée dans la nature, alors que la première moitié du XIXe siècle consacre la figure du flâneur urbain, qui deviendra plus tard le « rôdeur » baudelairien : « Si les promenades, rurales ou urbaines, diffèrent à ce point, tout se passe comme si le promeneur à la manière de Jean-Jacques se convertissait en flâneur-figure qui deviendra centrale […] : du promeneur au flâneur ». Employé dans sa forme pronominale (« se promener »), le verbe désigne, outre le déplacement qu'il implique, une « marche effectuée par plaisir ». Si l'on dispose du loisir et du temps pour se promener, la marche plaisante peut devenir flânerie, ce qui implique d'avancer lentement, sans avoir ni but précis à atteindre ni impératif temporel à respecter. Aussi la flânerie suppose-t-elle une forme de « farniente », justement décrite par Rousseau dans la cinquième promenade des Rêveries. Attesté par l'Académie à partir du siècle suivant, en 1808, « flâner » suppose en effet d'avoir le loisir de perdre son temps, tout au moins de pouvoir « avancer lentement, sans hâte, au hasard ». Dans les Petits poèmes en prose, Baudelaire, qui avait projeté pour titre « Le Rôdeur parisien », met en scène ce vagabond-criminel dont la présence est furtive mais obsédante, « […] qui […] rôde lâchement une heure devant sa porte […] ». D'allure suspecte, souvent repéré la nuit, le rôdeur a pour caractéristique d'être louche, doté d'intentions malveillantes ou hostiles qui ne sont pas sans rappeler « la morale désagréable » que revendique Baudelaire pour ses poèmes « inintelligibles et répulsifs ». La modification de la manière de se promener, des Rêveries de Rousseau au Spleen de Baudelaire, fait surgir des enjeux propres à cette période. Enjeu culturel avant tout, puisque la promenade suppose au niveau sociologique l'essor du loisir et du temps libre. Social : la solitude, revendiquée tant par Rousseau que par Baudelaire, fait du poète un être isolé, parfois exclu, dans tous les cas marginal. Esthétique et poétique : la modification de la promenade et du statut du poète génère l'essor d'une prose poétique libre, qui devient avec Baudelaire poésie en prose. Éthique et moral : cette transformation de la promenade innocente dans la nature en vagabondage du rôdeur urbain génère une poésie agressive et désagréable pour le lecteur. Politique enfin : cette promenade est érigée en « droit de s'en aller » par un poète dandy fondamentalement provocateur et révolté. Quelles sont par conséquent les changements induits par cette nouvelle expérience de la promenade littéraire de Rousseau à Baudelaire ?
From the Kaohsiung scandal to the release of City of Sadness which filmed the Incident of February 28, 1947, the absolute taboo in Taiwanese modern history before the era of democracy, the Taiwanese society has come a long way. The 1980s were also a golden age for film adaptations dealing with "Taiwanese subjects". This concomitance most likely is not fortuitous. After setting the period of 1978-1989 in its historical and sociocultural context, we focus on the representation of Taiwan in the works of the corpus. This analysis allows us, while revealing a heterogeneous, hybrid and ever-evolving Taiwanese identity over time, to distinguish an authorial desire to indicate Taiwan as a place where the action of their works takes place and to have it recognized by Taiwanese readers or spectators. These efforts in making Taiwan recognizable or identifiable invoke the formation of a national imagination, which Benedict Anderson depicts in Imagined Communities. This thesis also shows that, although descriptions of Taiwan diverge from one film, adaptation or written text to another, these variations do not result from the authors' origins (from the mainland, Taiwan or otherwise), but rather from their aesthetic requirements, their different life experiences, or the policies of the nationalist government. We observe, moreover, that the representation of Taiwan changes over the decade with the gradual erasure of references to "China" and the reinforcement of references to "Taiwan", although this Taiwanese nationalism remains linked to Chinese identity. ; Depuis l'Affaire de Formosa jusqu'à la sortie du film La Cité des douleurs portant à l'écran l'Incident du 28 Février de 1947, le tabou absolu de l'histoire moderne de Taiwan avant l'ère démocratique, la société taïwanaise a parcouru un long chemin. Les années 1980 sont également un âge d'or pour les adaptations cinématographiques traitant de « sujets taïwanais ». Cette concomitance n'est sans doute pas fortuite. Après avoir situé la période de 1978 à 1989 dans son contexte historique et socioculturel, nous abordons la représentation de Taiwan dans les œuvres du corpus. Ce travail nous permet, tout en révélant une identité taïwanaise hétérogène, hybride et en constante évolution au fil du temps, de distinguer chez les auteurs une volonté de montrer Taiwan comme lieu de l'action et de le faire reconnaître par leurs lecteurs ou leurs spectateurs habitants de Taiwan. Ces efforts pour rendre Taiwan reconnaissable ou identifiable renvoient à la formation d'un imaginaire national telle que Benedict Anderson l'évoque dans Imagined Communities. Certes, il existe des divergences dans les descriptions de Taiwan entre les films, entre les textes écrits ainsi qu'entre les textes d'origine et leurs adaptations. Mais elles ne résultent pas de l'origine (continentale, taïwanaise ou autre) des auteurs, mais plutôt de leurs exigences esthétiques, de leurs différentes expériences de vie, ou de la politique du gouvernement nationaliste. Nous observons, par ailleurs, une évolution des représentations de Taiwan de 1978 à 1989 avec l'effacement progressif de la référence à « la Chine » et le renforcement de la référence à « Taiwan », bien que subsiste un nationalisme taïwanais qui n'est pas séparé de l'identité chinoise.