Comment comprendre que soient tenues pour légitimes des pratiques extrêmes et déshumanisantes de la destruction d'autrui ? Une illimitation de la haine quand elle est érigée en droit ? La conversion du révolutionnarisme en un compassionnalisme complaisant ? Ou bien l'incapacité de retrouver la force de s'opposer à la violence ?
L'exercice, par l'État, de la violence symbolique est appréhendé ici à travers l'histoire des procédures d'identification. Ces procédures se découvrent dans les diverses mesures de police appliquées au monde populaire parisien du premier XIX e siècle : distribution de la population en catégories homogènes, détermination des identités par le croisement des catégories, écriture des identités, relais dans des pratiques de surveillance et de contrôle. La violence des mesures apparaît autant dans les résistances des classes populaires que dans les difficultés à édifier une machine administrative en adéquation avec le nouvel ordre symbolique.
Alors qu'au début de la modernité, les violences étaient assignées à des fins historiques, notre époque ne sait plus convertir des violences qui se perpétuent pour elles-mêmes, sans lien avec la politique. Pouvons-nous encore leur opposer l'exercice collectif et libre du pouvoir ? La technicisation de l'armement nous confronte à des violences intolérables, dépolitisées et interminables.
Quels sont les mécanismes de la violence institutionnelle ? Ce sujet ne consiste pas à justifier leurs émergences, quelles qu'en soient leurs formes, au sein des institutions médico-sociales, mais pose seulement l'hypothèse que la désinformation au sujet des pathologies accueillies et à l'égard de leurs équipes favorise leur apparition.
La représentation de violences exercées par des femmes s'est banalisée sur nos écrans. Ces figures féminines violentes font pendant à des héros masculins qui ne cachent plus leur vulnérabilité. Salutaire émancipation à l'égard de clichés éculés, elles témoignent surtout d'une période troublée.
Résumé Cet article évoque une affaire criminelle qui s'est déroulée au milieu du xviii e siècle, dans la ville de Laval en Mayenne, consécutive à des violences faites la nuit, par des jeunes gens en bande, que les documents judiciaires de l'époque appellent des « coureurs de nuit ». Ce fait divers permet de réfléchir sur les violences urbaines et leur signification. En étudiant les diverses pièces de procédure (la plainte, les rapports d'experts, surtout les témoignages), on peut suivre les différentes étapes d'un procès criminel mais on peut également établir les faits. Une « course nocturne », si elle se traduit inévitablement par une agression, respecte des règles (notamment faire le maximum de bruit pour effrayer les habitants), comme si les jeunes gens se pliaient à une sorte de rituel recommencé de génération en génération. La clémence des jugements rendus et les remarques faites par un magistrat sur les raisons de cette attitude confortent l'idée que cette violence est considérée comme faisant partie des débordements traditionnels de la jeunesse et ne remet pas en cause l'ordre social. Les jeunes gens violents d'une nuit prendront plus tard toute leur place dans la société.