Work and Freedom in Marcuse and Marx
In: Canadian journal of political science: CJPS = Revue canadienne de science politique, Band 3, Heft 2, S. 241-256
ISSN: 1744-9324
L'article examine le système de pensée que Marcuse appelle la « rationalité technologique ». Ce système assigne, comme fin à l'histoire, la domination de la nature par la maîtrise de ses forces, dans le monde extérieur comme dans la conscience humaine. D'après les tenants de ce système, les projets historiques alternatifs sont une perte de temps et d'efforts que les hommes rationnels doivent repousser.Marx n'a pas été un adepte de cette théorie, quoique certains éléments de sa pensée, adoptés par les Bolsheviks et Marcuse, y correspondent. Marx n'était pas d'accord avec l'idée défendue par Marcuse que le travail est le legs de la dépendance des hommes à l'endroit de la nature: d'après lui, le travail n'est pas seulement une conséquence fatale des exigences de la subsistance, mais aussi un besoin fondamental qui permet à l'homme de réaliser ses capacités par la production. Le « travail libre » n'y est donc pas une contradiction dans les termes comme chez Marcuse; c'est une possibilité dans la réalité et c'est une possibilité que la révolution socialiste pourrait réaliser.L'idée que le travail est mécanique et oppressif par nature a conduit Marcuse à reviser la théorie marxienne de façon substantielle. Il refuse l'interprétation matérialiste voulant que la modification des moyens et des rapports de production soient à la source des changements sociaux. Il ne croit pas que le contrôle du processus de la production par les travailleurs soient la base de leur émancipation: une production nécessaire est forcément répressive, non-libre, et la liberté n'est possible qu'au-delà de la contrainte production. Les changements techniques ne rendent pas le travail moins mécanique et la participation des travailleurs à la formation des politiques industrielles et aux moyens de les réaliser ne libèrent pas le travail. La liberté étant au-delà du processus de production, l'automation est la condition de la libération humaine. Cette automation sera réalisée le plus efficacement au moyen de la planification centrale et de l'orientation des forces productives existentes par une élite incontrôlée. Aussi une révolution dans la conscience des hommes, une révolution culturelle, est-elle nécessaire pour leur faire admettre le règne des technocrates « rationnels »?Marx n'était pas un adepte de la « rationalité technologique » parce que sa théorie tâchait d'abord de délimiter les conditions de la liberté et du développement de l'homme au sein du processus de la production, et non pas de le libérer de la servitude naturelle du travail. C'est dans l'adoption de la « rationalité technologique » qu'il faut voir, chez Marcuse, la source de son rejet du matérialisme marxien, sa justification de l'exploitation maximale des forces de l'homme et de la nature pour fins d'automation et ses tendances anti-démocratiques.