Open Access BASE2000

La parole pénombreuse des hommes voilés

Abstract

International audience ; Les Touaregs ne forment pas un ensemble politique unifié, mais ils savent que la langue au moins les rapproche, cette langue dont la beauté est pour beaucoup d'entre eux le seul bien qu'ils possèdent en ce monde. Dans certaines régions, ils se désignent comme les Kel-Temasheq, ou Kel-Temajeq, les « gens [qui parlent] la tamacheq (la langue touarègue) », locution dont la forme au singulier se traduirait littéralement par « fils de la tamacheq ». Il y a là davantage que le simple sentiment d'appartenir à une communauté linguistique. Eux qui s'appellent « les targophones » ont pour voisins des Arabes ou des Haoussas et non des arabophones ou des haoussaphones car ils ne disposent d'aucune locution comparable à « gens qui parlent la tamacheq » pour désigner les peuples qui les entourent : autrement dit, plus que la langue, ce qui les distingue des peuples voisins est le fait que celle-ci est ce par quoi ils choisissent de s'en distinguer. Voilà qui indique que la parole est pour eux un bien précieux, et j'en veux pour preuve supplémentaire l'appellation Kel-Awal, « gens de la parole », parfois utilisée en concurrence avec Kel-Temasheq. À quoi équivaut l'usage d'une telle appellation, sinon à s'affirmer comme des gens qui ont le souci de leur parole ? Cet article parle de ce souci, en invitant le lecteur à partager pour un moment l'univers langagier de ces hommes, à écouter quelques conversations dont l'auteur a été le témoin au cours de ses années passées au milieu d'eux. Publié en 2000 dans Pour une anthropologie de l'interlocution (sous la direction de B. Masquelier et J.-L. Siran), cet article est devenu sous une forme remaniée un chapitre de Gens de parole (Casajus, La Découverte, 2000).

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