Open Access BASE2000

SOCIÉTE ET COMMÉMORATION À BARCELONE A LA MI-XIXe SIECLE

Abstract

International audience ; À partir des années 1860, une partie de la société catalane s'ordonne pour produire du souvenir collectif. Non seulement elle conforte une lecture propre et cohérente du passé de l'Espagne et de la Catalogne, mais elle s'efforce également d'en assurer l'efficacité sociale par la pratique du geste commémoratif. La politique de mémoire libéralo-provincialiste est née. L'expression de politique de mémoire libéralo-provincialiste peut prêter à confusion : contre toute apparence, elle ne désigne pas un programme préconçu de manipulation consciente des mémoires individuelles, façonné par un Etat centralisé qui s'efforcerait d'imposer une vision univoque du passé de l'Espagne à l'aide des instruments privilégiés que sont les noms de rue et les monuments commémoratifs. Deux raisons motivent la critique d´une telle conception instrumentaliste, si souvent invoquée par une certaine historiographie catalaniste : d'une part, l'État espagnol n'a pas au XIXe siècle la volonté et la capacité d'imposer aux Barcelonais une mémoire prêt-à-porter. Comme l'a souligné Borja de Riquer, c'est bien plutôt la relative indifférence de l'Etat ou son incapacité notoire à prendre en charge l'espagnolisation des Espagnols qui pose problème 1. L'apparition à Barcelone d'un souci de mémoire renvoie principalement à la conformation particulière de la société locale. D'autre part, la population barcelonaise n'est pas unie dans ses sentiments et ses aspirations, ni dotée par essence d'une mémoire collective qu'elle aurait pu afficher unanimement contre les menées de l'État central dans un geste héroïque de résistance. La société commémorante qui se charge de la gestion du souvenir à Barcelone ne se confond pas avec l'ensemble de la société : sa volonté de ranger tout le corps social à ses propres souvenirs se heurte à des résistances si bien que le conflit de mémoire recouvre toujours un conflit social. Par politique de mémoire, il faut bien plutôt entendre la délimitation d'un passé par et dans le conflit politique. Ainsi, le passé de la Catalogne peut bien être considéré comme une réalité objective faisant des Catalans un groupement humain dissemblable des autres : l'historiographie espagnole du XIXe siècle a amplement insisté sur ses caractéristiques. Mais l'important n'est pas ici tant de considérer ces différences objectives que de comprendre par quel processus cette différence est reconnue comme telle par la société, incorporée à une histoire et instaurée comme commune par des pratiques commémoratives mutuellement compréhensibles par tous les membres du groupe 2. 1 Borja de Riquer, «La faiblesse du processus de construction nationale en Espagne au XIXe siècle", in RHMC, 41-2, av-ju 1992, pp.353-366.

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