Open Access BASE2016

Système dynamique de gestion des risques et droits subjectifs

Abstract

La question qui nous animait au départ était de savoir si notre droit faisait sienne l'utopie d'un monde du travail où règnerait le bien-être, en toutes circonstances. Que peut-on en dire désormais ? Sur le plan des principes, il est indéniable que le législateur, depuis la loi du 4 août 1996, s'inscrit dans cette idée. Son parti pris est clair : le risque n'est pas une fatalité. L'analyse des principes régissant le « système dynamique de gestion des risques » en atteste clairement . Ce n'est donc pas le fruit du hasard si la loi consacre, de manière expresse, la primauté des mesures de prévention qui éliminent les risques (à la source) sur celles qui ne peuvent qu'éviter ou limiter les dommages. D'autres principes, encore, participent de cette idée que tout risque doit être chassé du monde du travail. On pense, ainsi, à l'obligation de réaliser des analyses de risques à tous les niveaux (global, groupes de postes, individuel), à celle d'anticiper les nouveaux risques qui pourraient être créés par des mesures de prévention (et d'en prendre des nouvelles, en conséquence) ou encore à l'exigence de plans de prévention qui permettent de réfléchir la politique préventive tant à long terme qu'à plus court terme. Il faut souligner, en outre, l'importance cruciale du principe de dynamisme applicable à la politique de prévention: il signifie que rien n'est jamais acquis. Autrement dit, l'analyse des risques à un moment « t » (et la prise de mesures de prévention qui s'en suit) n'empêchent en rien qu'au moment « t+1 », de nouveaux dangers soient détectables. Les travailleurs étant en première ligne face aux risques, on comprend évidement toute l'importance qu'il faut accorder à leurs observations. Pour parvenir à concrétiser le bien-être au travail, l'employeur n'est pas seul. Certes, c'est à lui que revient le pouvoir (et même devoir) d'initier le SYDYGRI, mais toute sa mise en œuvre procède, quant à elle, d'une logique fondamentalement collective. L'employeur garde le pouvoir de décision, mais ce sont tous les autres acteurs (travailleurs, CPPT, ligne hiérarchique, services de prévention) qui sont les garants de la qualité des différentes analyses de risques et des mesures de prévention prises en conséquence. Une bonne gestion des flux d'information sera donc primordiale pour assurer un bon fonctionnement du STDYGRI, et ce, au-delà du simple respect des procédures de concertation et d'avis préalables prévues par les dispositions « bien-être ». Cela nous amène à faire une remarque importante. Une véritable politique de prévention ne peut être conçue dans une optique purement légaliste . Si le législateur a fixé les buts à atteindre, et posé certaines balises contraignantes, il n'en reste pas moins que le contenu concret de la politique de gestion des risques dépendra de l'énergie que l'entreprise sera prête à investir à cet égard. Nous utilisons le terme « investir » à dessein. Il est en effet important de sensibiliser le monde de l'entreprise au fait que le coût que peuvent représenter les mesures de prévention (voire de promotion) pour le bien-être au travail ne constitue jamais une perte sèche. Au contraire, il est un fait avéré que le bien-être des travailleurs rapporte pour l'entreprise par le biais de différents phénomènes tels qu'une diminution des jours de maladie et d'absence, une meilleure productivité, une motivation accrue ou encore un renforcement de la créativité . Pour autant, il ne faudrait pas déduire des marges de manœuvre ainsi laissées à l'employeur que le droit du bien-être n'aurait (plus) rien de contraignant. D'une part, il y a le fait que le changement d'approche vers une prévention globale ne doit pas faire perdre de vue qu'il existe toujours de nombreux régimes de prescriptions détaillées et techniques . D'autre part, et c'est un point crucial de notre travail, nous avons pu constater que les obligations en matière de prévention, sont à considérer, pour une partie d'entre elles, comme de véritables obligations de résultat. Ainsi en va-t-il, sans être exhaustif, des obligations telles que : disposer d'analyses de risques tant au niveau global qu'à celui des groupes de postes (et même au niveau individuel ), initier le système dynamique de gestion des risques et édicter les plans de prévention, respecter la hiérarchie des mesures de prévention ou encore informer ses travailleurs sur les risques résiduels liés à son activité et les mesures qui ont été prises à cet égard. En sus de celles-ci, nous avons également mis en évidence qu'il existait une obligation de moyens transversales qui s'appliquait à tous les endroits où une marge de manœuvre est laissée à l'employeur. Cette approche casuistique – pour laquelle nous plaidons afin d'éviter l'incertitude du débat relatif à la nature de l'obligation « générale » de sécurité de l'employeur – présente l'avantage, en isolant ainsi toute une série d'obligations de résultat, de permettre un allègement de la charge de la preuve devant le juge lorsqu'il y a lieu de prouver une faute (tant civile que pénale). Mais en outre, grâce à cette grille de lectures , il parait tout de suite plus facile d'imaginer mobiliser l'exception d'inexécution ou d'autres actions plus « préventives » comme une action en exécution en nature de l'obligation de résultat, le cas échéant en référé sous astreinte. Cette dernière situation ne doit cependant pas faire penser que la voie judiciaire est à privilégier. En effet, il va de soi que la priorité doit aller au dialogue social. A défaut de pouvoir trouver une solution en interne, il sera alors temps de contacter l'inspection sociale, dont le rôle peut s'avérer extrêmement utile. En effet, nous avons vu que celle-ci disposait d'une large palette de moyens pour que les entreprises appliquent les dispositions en matière de prévention des risques. D'un pouvoir de conseil – qui mériterait d'être plus amplement exploité – à un pouvoir d'arrêt de l'activité total du travail en passant par l'imposition de mesures de prévention déterminées, l'inspection du travail possède généralement les outils pour résoudre les problèmes de prévention du bien-être au travail . Cependant, deux éléments empêchent de considérer l'inspection du travail comme le Messie du droit du bien-être. Le premier réside dans le fait que, comme beaucoup d'autres organes étatiques, on lui consacre trop de peu de moyens (notamment humains). Le second réside dans le fait que, de l'aveu même des inspecteurs, la surveillance des règles relatives au système de gestion des risques est difficile à mettre en œuvre, à tel point que certains inspecteurs s'interrogent « sur l'opportunité de dresser un procès-verbal de constat d'infraction étant donné que la chance de poursuite pénale parait très faible en cas d'absence d'analyse des risques » . Si nous espérons que notre travail contribuera modestement à rendre leur tâche plus facile, on ne saurait leur rappeler toute l'importance qu'il y a à dresser de tels procès-verbaux. En effet, nous avons vu que si les régimes assuranciels prévoyaient une immunité civile au profit de l'employeur, celle-ci tombait en cas de violation grave de la législation sur le bien-être constatée préalablement à l'accident par un procès-verbal . Si ce dernier a donc une utilité quant à l'étendue de la réparation que pourra obtenir un travailleur (ou ses ayants-droit) en aval d'un dommage, il y a fort à parier que celui-ci aura plus généralement un effet persuasif, et donc préventif. En effet, l'employeur, au vu de la menace de poursuites pénales et de la perte de son immunité civile, comprendra bien souvent tout l'intérêt, pour lui, de donner suite au procès-verbal. A propos de l'immunité civile de l'employeur, il faut d'ailleurs remarquer que celle-ci mériterait d'être repensée, tant les cas susceptibles de la faire tomber sont, mis à part les accidents sur le chemin du travail, de l'ordre du cas d'école . En opérant une réforme qui limiterait plus fortement l'immunité civile de l'employeur, on s'inscrirait d'ailleurs dans une perspective bien plus conforme au droit européen dont on sait qu'il exige que son respect soit assurée par des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées . Le fait de rabattre les cartes de la responsabilité civile de l'employeur permettrait ainsi d'augmenter sa vigilance, et, in fine, l'effectivité de l'ensemble des obligations de prévention . Cette question de l'immunité civile et de ses exceptions nous amène d'ailleurs à mettre en lumière le fait que les (trois) piliers du droit du travail ne sont pas hermétiques . Ainsi, à travers les questions relatives à la responsabilité civile de l'employeur, nous avons vu que la question du concours des responsabilités contractuelle et extracontractuelle pouvait être généralement résolue grâce au fait que les manquements à la loi du 4 août 1996 et ses arrêtés d'exécutions sont sanctionnés pénalement. Ainsi, grâce à cette règlementation d'ordre public, le recours en responsabilité aquilienne est largement ouvert et permettra ainsi à la victime de profiter de ses avantages par rapport à la voie contractuelle . De manière plus générale, on peut également souligner le fait que, pour réaliser le système dynamique de gestion des risques, nouveau phare du droit de la réglementation du travail, le législateur fait expressément appel aux « mécanismes propres aux relations collectives » . Le CPPT est ainsi un acteur clé de la politique de prévention. Pour parachever cette conclusion, nous pouvons dire que la marche vers l'utopie d'un monde du travail dénué de risques est lancée. Sur cette longue route, des balises sont posées, et nous avons démontré qu'elles comportaient, pour la plupart, un véritable pouvoir contraignant . Si le législateur a montré le chemin, il doit encore se donner les moyens d'assurer que chacun arrive à bon port. Aux côtés du manque de clarté terminologique et de l'absence de soutien véritable aux PME dans la mise en œuvre du SYDYGRI, l'un des reproches majeurs que l'on peut formuler au législateur réside dans le manque d'investissements dans les services de la DG Contrôle du bien-être. Sa double casquette de conseiller et de sanctionnateur fait de lui un maillon qui a tout le potentiel pour tendre vers un mieux-être au travail. Si les mécanismes répressifs resteront probablement toujours nécessaires, il ne faut en effet pas perdre de vue que les motivations qui poussent à respecter une norme ne procèdent pas toujours de la crainte de la sanction. En vue d'un changement de mentalités, qui serait salvateur à maints égards, la politique de la carotte doit dès lors être renforcée : d'une part, sensibiliser fortement le monde de l'entreprise (et académique ? ) aux avantages économiques d'une bonne gestion des risques (et, plus largement, d'une politique de promotion du bien-être ) et, d'autre part, encourager les entreprises en mettant en place plus d'initiatives pour récompenser les bonnes pratiques. ; Master [120] en droit, Université catholique de Louvain, 2016

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