Adaptabilité versus inaliénabilité Les dérogations des fidéicommis dans la Venise du XVIIIe siècle
In: Annales: histoire, sciences sociales, Band 70, Heft 4, S. 849-878
Abstract
Résumé
À la différence d'autres États italiens, Venise n'a jamais cherché à réformer les fidéicommis, ces fondations testamentaires qui empêchaient l'aliénation des biens et définissaient in perpetuum la ligne de succession. Avec des hésitations, l'État patricien a cependant légiféré sur les fidéicommis à mesure qu'ils entraient en contradiction avec d'autres institutions (dot, fisc) et d'autres systèmes de normes (crédit). Au nom de leur intérêt, il a aussi défini les conditions de levée de l'inaliénabilité des biens, dépassant la contradiction entre la conservation à l'identique et des accommodements avec le principe de prohibition. Comment s'opérait le passage entre l'indisponible et le disponible ? Tel est l'objet de cet article quimet en évidence la différence de traitement des biens immeubles et des capitaux sujets à fidéicommis. À partir du XVIe siècle, la levée de l'inaliénabilité des biens immeubles étaitune prérogative du Grand Conseil, l'organe souverain, à l'issue d'une lourde procédure qui impliquait plusieurs magistratures. L'octroi des dérogations par la grâce fut cependant parcimonieux à cause des conditions très restrictives d'acceptabilité des requêtes. L'image des biens immeubles qui ne sortaient qu'exceptionnellement des fidéicommis contraste avec celle des capitaux assujettis – rentes publiques ou prêts aux particuliers – qui étaient appelés à circuler à la faveur de remboursements et qu'il fallait réemployer au bénéfice du fidéicommis. Les juges du Procurator avaient le contrôle sur la procédure de levée de dépôt destinée à ce que le représentant du fidéicommis n'ait jamais les capitaux entre les mains. Garants de l'intégrité des fidéicommis, les juges étaient placés dans une position ambivalente à l'égard des ayants droit dont ils devaient surveiller les actes et dont ils étaient aussi les auxiliaires. Pour les requérants, ce dispositif s'avérait d'une grande plasticité puisqu'il I I permettait de remodeler le contenu du fidéicommis sans changer le périmètre de sa valeur.
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