De l'origine et de la variété des entités morales
In: Raisons politiques: études de pensée politique, Band 66, Heft 2, S. 187-209
Abstract
Pufendorf ouvre son maître ouvrage par chapitre sur la nature des entités morales, auxquelles il confère le statut ontologique de modes. Ces derniers se distinguent des modes naturels par le fait qu'ils ont été surajoutés aux êtres naturels par un acte intellectuel d'imposition, de nature divine ou humaine, et sont donc de nature fondamentalement conventionnels. C'est par un tel acte de volonté qu'une entité naturelle reçoit une dimension normative (dotation de droits et devoirs entre autres) dont elle est intrinsèquement dépourvue. Et c'est aussi par un tel acte qu'elle cesse d'exister sans que pour autant ne soit affectée par cette disparition l'entité naturelle qui la portait jusque là. Pufendorf divise les entités morales en quatre catégories : les états (status) (principaux, comme l'état de nature, ou accessoires, le fait d'être marié), les analogues des substances (dont les personnes), les modes en un sens plus strict que sont d'une part les les qualités morales (pouvoir, droit, obligation) et d'autre part les quantités morales (prix, estime). C'est dans les sections 12 et 13 de ce premier chapitre que Pufendorf propose de multiples définitions de la personnalité morale. Elles se distinguent parmi les êtres moraux par le fait que, quoique n'étant pas des substances, on les conçoit comme analogues à des substances, c'est-à-dire comme capables d'action et de passion. Les personnes morales sont simples (magistrats, officiers, etc.) ou composées (Eglise, Sénat, République, etc.), publiques ou privées, supérieures et inférieures. Il est manifeste que Pufendorf se démarque de tous ceux qui voudraient opposer personne naturelle individuelle et personne collective fictive, car réductible aux individus naturels qui les composent. Les personnes simples, même en dehors de tout lien de représentation, sont elles aussi produit d'une imposition et donc d'ordre institutionnel. Ces personnes morales définissent largement ce que l'on pourrait appeler aujourd'hui des « statuts ». Notons que Pufendorf estime que la conventionnalité dans l'attribution de statuts (au sens contemporain) ne semble pas absolue, puisqu'il fait remarquer que l'entité qui en sera revêtue doit posséder certaines qualités naturelles (de sorte que Caligula « délirait » en faisant de son cheval un chef de famille) pour que l'attribution soit possible.
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