La transparence du politique et ses limites. Négociations d'intérêts et pluralisme « moral »
In: Politique et sociétés, Band 17, Heft 3, S. 37-58
Abstract
Il est courant aujourd'hui que des revendications politiques tirent argument de la pluralité et de l'irréductibilité des horizons moraux pour rejeter des modalités établies de gestion des conflits politiques. Postulant la possibilité du marchandage, celles-ci n'auraient aucune prise sur les logiques identitaires, ni aucune légitimité face à elles. La volonté de rendre compte de ces phénomènes a provoqué une réorientation majeure de la pensée théorique, où la notion de « pluralisme moral » occupe désormais une place centrale. Or, si des débats intenses tournent autour de la nature de la personnalité morale et les conséquences institutionnelles qu'il conviendrait d'en tirer, le pluralisme moral lui-même semble être passé dans le sens commun. Il est pourtant fragile, comme le montre son rapport avec le pluralisme classique des groupes d'intérêt. En dépit de son habillage « moral », la version contemporaine du pluralisme serait en fait impossible à distinguer, dans son fonctionnement politique effectif, du bon vieux pluralisme « polyarchique ». L'articulation théorique essentielle à cet égard est le jeu de la transparence et de l'opacité du conflit politique, ou encore la présence ou l'absence d'une norme d'interaction politique où les raisons d'une revendication sont un critère décisif de la légitimité de celle-ci. Or, de ce point de vue, le pluralisme « moral » est ambivalent, et finalement profondément contradictoire. À supposer que le défi du pluralisme des valeurs soit aussi important qu'on le prétend, la théorie politique du pluralisme moral n'y a pas vraiment répondu.
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