Résumé Pendant toute la période coloniale, les usagers algériens sont largement absents des archives de l'administration des PTT (postes, télégraphes et téléphones). Si la conquête française ne marque pas l'« entrée en communication » des populations colonisées, dont les pratiques scripturaires sont anciennes, faut-il voir dans cette absence le refus motivé d'un progrès colonisateur ? L'entre-deux-guerres marque de ce point de vue un tournant : la pression des élus locaux et l'affluence des pétitions de villageois non citoyens reconfigurent un service public jusque-là accaparé par les usagers européens. Tardivement et toujours à moindres frais, l'administration favorise alors la desserte postale de régions enclavées. Observant la situation coloniale dans ses manifestations les plus locales et les plus quotidiennes, l'article éclaire la question des écrits ordinaires et restitue l'épaisseur des usages d'un service de proximité. À condition de ne pas limiter l'étude à la présence française en Algérie et de pousser la documentation coloniale à révéler les rouages de la société algérienne et les réorganisations suscitées par la rencontre coloniale. Plaintes et pétitions disent ainsi quelque chose du rapport de populations non citoyennes, rurales et majoritairement illettrées à l'état colonial. L'utilisation inattendue de la poste et sa revendication subversive conduisent les colonisés à bricoler une identité politique qui emprunte certaines des pratiques des citoyens actifs et pousse les autorités franêaises à proposer des ajustements inédits.
Résumé Cet article étudie la diversité et les modes d'expression des cultures politiques des communautés grecques à l'époque archaïque (650–450 av. J.-C.), à la lumiére de travaux récents sur les biens publics et sur la notion même de « public » auxquels il I I fait partiellement écho. Il s'agit également d'apporter une contribution fragmentaire à la longue histoire de la cité grecque. La dichotomie entre le modèle des « élites » ou de l'« aristocratie », d'une part, et celui des classes « moyennes » ou « populaires », d'autre part, se révèle être un ensemble de comportements relevant d'une mise en scène politique, fondés sur différentes institutions politiques et notamment sur l'accès aux biens publics. Le modèle des « classes moyennes » reflète paradoxalement un accès politique restreint, tandis que la compétition « aristocratique » est en fait une réponse à la tension et à l'incertitude résultant d'une large participation au corps civique. Le système de questions et de gestes relatifs à la distinction n'est donc pas socialement autonome, mais directement lié aux besoins politiques et aux pressions institutionnelles. Cet article cherche donc à démontrer que les biens publics jouent un rôle central dans la formation de la polis archaïque, mais qu'il faut également accorder une place essentielle dans ce processus à l'accès formel à la chose publique et aux droits afférents, c'est-à-dire à l'état et à son développement potentiel. La démarche consistant à replacer l'« état » dans l'histoire de la formation de la cité-état en Grèce n'est pas sans risque (notamment celui de céder à la tentation téléologique), mais elle a le mérite de ne pas tomber dans les mêmes travers que certaines études récentes qui minimisent l'importance de l'état (quand elles ne l'évacuent pas complètement) et réduisent la polis à un simple phénomène de constitution des élites et d'accaparement des biens publics par ces dernières.