Rituels et bouleversements dans la satire des guerres de Religion
International audience ; Dans le cas du Maheustre et du Manant comme dans celui de la Satyre ménippée, il s'agit donc de rejeter les legs féodaux au nom de traditions construites tout à fait inconciliables d'une théocratie populaire d'un côté et d'une monarchie absolue de l'autre. Il est intéressant de constater, pour terminer, que c'est en se référant à une sphère publique traditionnelle structurée par la représentation (celle qui est justement à l'œuvre dans les états généraux) que ces libelles produisent un discours de promotion de la théocratie ou de l'absolutisme et qu'ils le produisent pour agir sur les lecteurs dans le cadre d'une sphère publique moderne ou « bourgeoise » pour reprendre les distinctions d'Habermas : cet appel lancé aux individus pour qu'ils se fassent leur opinion dans les conflits de représentations qui accompagnent (ou structurent) les guerres civiles est sans doute le plus grand changement. Il est significatif de voir la situation, de ce point de vue, de toute une littérature militante « réactionnaire » ou de défense du système féodal, opposée à la fois au Maheustre et à la Satyre Menippee, structurée, en particulier dans le contexte des différentes assemblées d'états, autour du problème du favori. De nombreux pamphlets (en particulier autour de 1588 ou de 1614) ne participent pas seulement à un conflit civil ou religieux mais rendent compte d'une logique nouvelle qui est sociale, économique et politique, d'une façon de se réaliser dans et par l'argent et le pouvoir . Mieux, ils disent, à travers la guerre religieuse elle-même, la réalité des rapports économiques en devenir. Mais la position de ces libelles est tout à fait ambiguë vis-à-vis de l'émergence de cette forme d'individualité : ils condamnent le favori (bientôt le ministre) comme figure de réalisation de soi par soi ; mais en même temps, l'ensemble de ces écrits, comme accusations et réfutations successives tout à fait serrées montrant clairement la naissance d'une opinion, font appel dans ce nouvel espace public à un exercice individuel de la conscience et de la raison. C'est là le changement le plus radical et celui dont les libellistes de tous bords, quelles que soient leurs traditions véritablement héritées ou inventées, parce qu'il les engage tous, sont peut-être les moins conscients : celui qui les travaille plutôt qu'ils n'y travaillent.