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Pour le meilleur et pour le pire, le dialogue est ouvert entre historiens occidentaux et historiens marxistes, ou marxisants : les catégories ne se groupant pas parfaitement sous ces appellations commodes. Tous les historiens occidentaux ne sont pas ou marxistes ou antimarxistes, si quelques-uns le sont avec frénésie. Mais, sauf erreur, nous avons intérêt à ce que ce dialogue, s'il s'engage vraiment, se place, une fois pour toutes, sur le terrain de la seule recherche scientifique. Nous ne croyons pas que cette conversation puisse utilement et exclusivement se situer au niveau de la philosophie — ou de l'idéologie politique. Ou alors, elle se perdra.Excommunications et anathèmes ont trop longtemps été la règle, à laquelle tous n'ont pas encore renoncé. Le Congrès de Stockholm en fournit, une fois de plus, l'occasion indirecte : sous la direction d'Oskar Kôhler, de Fribourg (en Brisgau), quelques collègues allemands se sont chargés de l'opération dans une livraison spéciale, destinée au Congrès, et ont ainsi, à nouveau, ouvert la polémique.

Carl Jonas Love Almqvist, l'un des grands auteurs du XIXe siècle suédois, publia, en 1838, un essai qu'il intitulait Valeur et portée de la pauvreté suédoise2. Il apportait ainsi une contribution assez curieuse à la discussion que soulevait la question sociale la plus brûlante de l'époque. Almqvist s'y efforce de saisir le caractère national suédois et sa thèse revient, en substance, à ceci : ce qui donne aux Suédois leur situation à part, c'est qu'ils sont pauvres. Mais cette pauvreté, poursuit Almqvist, « cette dot qu'ils ont reçue de la nature », est plutôt une force qu'une faiblesse : il développe son thème en chantant les louanges du menu peuple, des paysans surtout qui ont appris l'art difficile d'être pauvres, et celles d'une nature ingrate.

Le comportement des hommes dépend d'un nombre infini de facteurs. Chacun doit être analysé sans que, pour autant, les interactions d'ensemble soient perdues de vue.Un groupe de peuplement, dont on perçoit l'unité, peut être considéré selon les âges, les époques, les classes sociales, les professions, les religions… ; la répartition géographique, sous-jacente à toutes les autres, restant toujours concevable par surcroît.Aussi bien ne nous étonnons pas de la multiplication des recensements géographiques. Leur expression cartographique aboutit à des inventaires de plus en plus fournis.

Le dense volume publié par l'Unesco, dû à la collaboration de dix spécialistes des sciences humaines (à l'exception de l'histoire, hélas ! toutes s'y trouvent représentées) est d'abord une mise à jour des connaissances actuelles, en matière d'anthropologie, sous l'angle de l'anthropologie classique (G. M. Morant, « Les différences raciales et leur signification »), de la génétique humaine (L. C. Dunn, « Race et biologie ») et de la psychologie comparée (0. Klineberg, « Race et psychologie »), complétée par une étude sur le brassage des races dans le monde contemporain (H. L. Schapiro, « Les mélanges des races). Les mélanges entre les grands groupes raciaux étaient-ils vraiment aussi exceptionnels avant le XVIe siècle que le semble croire ce dernier auteur? L'historien, surtout l'orientaliste, aurait sans doute ici son mot à dire. Mais c'est M. Schapiro qui paraît le plus convaincant aux yeux du profane, lorsqu'il aborde un problème à implications philosophiques sur lequel les spécialistes ne sont pas entièrement d'accord.

Pour le sens commun, l'architecture moderne est géométrie. Des jeux de parallélipipèdes témoignent abstraitement des derniers progrès de nos villes. Les plus récents gratte-ciel dressent d'inexorables falaises de béton, de verre ou d'acier, quadrillées d'un bord à l'autre, sans une inflexion pittoresque, sans une variation, par les lignes des étages et les montants des fenêtres. La façade de l'O.N.U. est si lisse, si hermétique, si impersonnelle, qu'un malin cinéaste y surprend, comme en un énorme miroir, l'image fidèle des mouvements de la rue. Parfois, luxe suprême, audacieuse concession à l'inutile, quatre ou cinq traits noirs empruntés à Mondrian se coupent à angle droit sur le mur aveugle d'un laboratoire de Chicago…

S'IL n'était lui-même responsable du retard, l'auteur du présent compte rendu s'étonnerait que les Annales ne signalent qu'aujourd'hui l'ouvrage capital de François Perroux, La coexistence pacifique . A dire vrai, le délai qui s'est écoulé depuis la publication de ce livre apporte un témoignage supplémentaire de sa valeur : bâti sur les données immédiates de la politique et de l'économie mondiales, ce livre se situe au-delà de l'actualité ; il restera certainement source de réflexion et — il faut le souhaiter — d'inspiration pendant longtemps. Il s'agit d'un véritable essai d'explication économique et politique de notre temps. Le titre de chacun des trois tomes en dit long déjà sur l'ampleur de l'étude : I, « Industrialisés » ou « Non-industrialisés » ? ; II, Pôles de développement ou nations ? ; III, Guerre ou partage du pain ? « Soutenu par une foi inébranlable et raisonnée dans les ressources inépuisables de l'esprit et du c œur humains », l'auteur s'adresse à l'économiste en même temps qu'à l'homme d'Etat, mais aussi à tous ceux qui ont compris qu'aujourd'hui, plus que jamais, le métier d'homme exige de chacun la conscience d'être un citoyen du monde.