Un spectre hante l'Université française : celui de la déconstruction. Créé par Jacques Derrida à la fin des années 1960, ce concept est devenu, dans l'esprit des réactionnaires de tout poil, le mot-valise désignant tout ce qu'ils haïssent dans la pensée, lorsque celle-ci cherche à émanciper davantage qu'à ordonner. Dégénérescence de la culture, mépris pour les grandes œuvres, délire interprétatif, amphigouri linguistique, danger politique, confusion sexuelle, licence morale : à en croire les ennemis de la déconstruction, tout ce qui va mal dans le monde lui est imputable. Que signifie la fixation frénétique d'une frange d'intellectuels sur tout ce qui peut ressembler à une pensée différente, inventive et fondamentalement démocratique ? Que cela signifie-t-il, si ce n'est la volonté de policer la pensée et ses institutions, pour mieux, ensuite, policer les corps ? Telle est l'interrogation qui a présidé au colloque « Qui a peur de la déconstruction ? », qui s'est tenu à l'École normale supérieure et à la Sorbonne en janvier 2023. En voici les actes.
Background: fear conditioning (FC) is one of the dominant models of post-traumatic stress disorder (PTSD). While the first results of FC experiments were published in the 1920s, PTSD appeared as a diagnosis in 1980 (DSM-III). Models of PTSD based of FC have been criticized for lacking validity (e.g. being adaptive, not pathological). How did FC become a dominant model of PTSD? The aim of this thesis was to shed light on the way conceptual links between the constructs of PTSD and FC have emerged and evolved. Methods: qualitative (reviews of the literature) and qualitative (text mining) analyses were carried out, using methods borrowed from academic fields of the history and philosophy of science. Results: the constructs of FC and PTSD were first linked by analogy (conditioning/trauma and conditioned fear/PTSD re-experience symptoms) shortly after the recognition of PTSD (1980s). Fear conditioning only started to be used as an animal model of PTSD in 2003, ten years after the creation of the first explicit model of PTSD. From there, FC has rapidly expanded to its current dominant position. Conceptual links mostly concern neural circuits of fear and extinction. We propose that the convergence of scientific theories of fear and extinction circuits, and synaptic plasticity, with PTSD care, within a political context of strong interest in PTSD, has stimulated research on FC to model PTSD. Convergence materialized with collaborations between clinician-scientists within centers of the Department of Veterans Affairs and medical academic centers, in the USA. Conclusion: collision of medical, scientific and political history has resulted in FC becoming a dominant model of PTSD. Current uses of FC in modeling PTSD are heterogeneous, however, introducing conceptual vagueness and ambiguity. These issues should be clarified in the future. ; Contexte : le modèle animal de peur conditionnée (PC) a été développé dans les années 1910-1920. Il est fréquemment employé comme modèle animal du trouble de stress post-traumatique (TSPT). Cependant, le TSPT a été intégré à la nosographie psychiatrique en 1980 (DSM-III), et le modèle de peur conditionnée présente des limites de validité. Comment la PC est-elle devenue un modèle animal dominant pour l'étude du TSPT? L'objectif de ce travail était de comprendre l'évolution des liens conceptuels entre peur conditionnée et TSPT de 1980, année de la reconnaissance du TSPT, à la période actuelle (2019). Méthode : une méthodologie qualitative (revue de la littérature) et quantitative (fouille de textes) issue des domaines de l'histoire et de la philosophie des sciences. Résultats : la première convergence conceptuelle PC/TSPT a été théorique, dans les années 1980, basée sur une analogie conditionnement/psychotraumatisme et PC/TSPT. L'utilisation de la PC comme modèle animal de TSPT est intervenue 10 ans après la création du premier modèle explicite de TSPT (2003 et 1993, respectivement). La PC a ensuite rapidement évolué vers le statut de modèle dominant du TSPT, porté par les concepts de circuits neuronaux de la peur et de son « extinction ». Les liens conceptuels FC/TSPT ont résulté de l'interaction entre les théories de la mémoire par plasticité synaptique, de la PC, et de ses circuits neuronaux, dans un contexte d'un intérêt politique fort pour la recherche sur le TSPT. La rencontre entre domaines a elle-même résulté d'interactions entre cliniciens-scientifiques américains. Conclusion : la convergence de la géopolitique avec l'histoire des sciences et de la médecine par le biais de collaborations entre chercheurs a mené à l'avènement du modèle animal de TSPT par la PC. Les modèles de peur conditionnée ont pris des formes diverses. Le flou conceptuel entourant ces modèles, et leur assimilation à un modèle théorique unique, nécessitent d'être clarifiés.
L'article se propose d'expliciter l'équivocité de la notion d'insécurité en analysant les cinq grandes peurs des Québécois face à l'immigration : peur d'être envahi, de se faire voler « sa job », d'être incapable d'intégrer les nouveaux arrivants, des affrontements interethniques, de la perte d'identité. Il apparaît que le propre de l'insécurité est de jouer avec des mots à double sens, de généraliser la peur en plusieurs lieux du social et de garder le caractère éminent et omniprésent de la menace. Il y a une impossibilité de fixer une cible à l'insécurité. L'article s'interroge notamment sur le rôle des médias dans la vulgarisation de ces peurs. Si les discours médiatiques ont réussi à désapproprier le corps social de sa possibilité de dramatisation, l'insécurité, avec ses multiples peurs, continue, elle, à animer une forme dégradée des rapports sociaux. C'est dans cette perspective que sont analysés les enjeux et les défis de l'immigration pour la société québécoise.
Le but du présent article est de faire connaître quelques conclusions d'une recherche visant à évaluer l'efficacité d'un programme de traitement pour conjoints violents. Il compare d'abord les hommes et les femmes quant aux déclarations de cas de violence, exercée ou subie, un an après la fin dudit programme. Puis sont analysés les propos des femmes seulement, dégagés d'entrevues qualitatives auprès de conjointes victimes. Les principaux résultats laissent voir que, d'une part, les femmes déclarent, en moyenne, trois fois plus d'actes de violence que ne le fait leur conjoint. D'autre part, elles s'expriment sur les changements qu'elles ont perçus, depuis la fin du traitement de leur conjoint. La violence psychologique devient alors l'angle principal de leurs propos et la peur apparaît comme une conséquence incontournable de la violence subie. Le processus de victimisation comme cadre d'analyse permet ensuite de comprendre cette peur.