Convergences du spectateur
In: Sociétés & représentations: les cahiers du CREDHESS, Band 9, Heft 2, S. 131-141
ISSN: 2104-404X
Selon une vulgate qui ne cesse de s'épandre, le temps réel et les médias électroniques remettraient en cause l'idée même d'auteur. L'œuvre n'existerait plus puisqu'elle serait sans cesse soumise aux désirs, aux gestes ou à l'action du spectateur. Pour tester la validité d'une telle assertion, cet article questionne les concepts d'auteur, de spectateur et d'œuvre appliqués aux médias audiovisuels et montre comment ces concepts ont considérablement varié durant le XX e siècle. On s'attache à montrer comment du spectateur de cinéma au téléspectateur, puis du téléspectateur à l'utilisateur du numérique, et notamment du CD-ROM, l'auteur et le spectateur changent de statut : le rôle de l'auteur « autographique » (selon le terme de N. Goodman) se réduit au cours de l'histoire du cinéma, la textualité se délite avec le direct télévisuel et l'utilisateur du numérique abandonne la nécessité textuelle pour se livrer au plaisir de « l'extravagation » (Montaigne). Dès lors, ce sont moins les relations de l'auteur au spectateur qui changent que les partenaires de la médiation : cinéaste, monde puis soi-même.