Simone de Beauvoir
International audience ; Le chapitre "La lesbienne" du Deuxième sexe a fait couler beaucoup d'encre. Un peu lors de sa sortie en 1949, mais surtout après les années 1970. Cette chronologie est classique, les recherches historiques sur l'homosexualité féminine n'ayant commencé qu'à la suite du mouvement féministe et surtout lesbien. Mais elle implique le plus souvent des analyses rétrospectives : plus soucieuses de militantisme et de politique contemporaine que du contexte historique, elle pèchent parfois par anachronisme. Marie-Jo Bonnet, citant une des phrases les plus dures du chapitre conclut par « un tel mépris pour les femmes affranchies est un comble pour celle que l'on présente comme la grande féministe de l'après-guerre ». Mais on ne peut mesurer le radicalisme du Deuxième sexe à l'aune de nos acquis contemporains. Pour éviter cet anachronisme, il convient de resituer l'ouvrage dans le double contexte de sa production et de sa réception. Simone Beauvoir réfléchit dans un climat national et temporel doublement défavorable. Tant pour la sexologie, que pour la psychanalyse, la France marque un retard certain. Les écrits du mouvement homosexuel allemand, le plus radical, ne sont guère connus. Par antisémitisme et germanophobie, les milieux médicaux français parlent volontiers du "mal allemand" à propos de l'homosexualité. Depuis les années 1930 les mouvements de réforme ou de libération sexuelle se sont tus, les communautés homosexuelles se sont faites moins visibles, la sexologie ou la psychanalyse même n'ont pas bonne presse. Le climat moralisateur qui règne pendant la guerre froide n'incline pas davantage à parler des choses du sexe.