International audience ; Selon Montesquieu, le juge doit être la simple « bouche de la loi ». La formule a fait mouche. Maiscomment l'entendre au juste ? L'Esprit des lois défend-il réellement une forme stricte de légicentrisme, associéeà sa célèbre théorie de la distribution des pouvoirs ? Considère-t-il le pouvoir d'interprétation du juge commeune source d'arbitraire et d'abus de pouvoir ? Cet article entend montrer que le rôle du juge varie, chezMontesquieu, en fonction des formes de gouvernement, et le despotisme sert de repoussoir afin d'identifierles formes non liberticides du pouvoir de juger. La réflexion sur l'attribution et la limitation du pouvoir dejuger (I) ainsi que sur les modalités du jugement (II) ne peut être séparée de la critique de l'absolutisme.L'Esprit des lois propose une réflexion sur les conditions de la liberté politique, à laquelle l'analyse du pouvoirde juger demeure subordonnée.
International audience ; Cette contribution se propose de montrer en quoi la défense de la cause du peuple et de la régénération de la nation conduit Robespierre à s'éloigner in fine des principes de l'un de ses mentors. L'Esprit des lois estsans conteste l'une des œuvres majeures dans la formation intellectuelle de Robespierre, comme elle l'a été pour de nombreux artisans de la Révolution, comme Marat ou Saint-Just. Il convient donc de se demander à quelles conditions Robespierre a pu contrer les mises en garde de Montesquieu sur l'impossibilité de la vertu chez les modernes, dans le contexte singulier d'une consolidation de la Révolution contre la menace de rechute dans la tyrannie. Il va de soi, que Robespierre n'a pas été un Montesquieu, moins encore qu'un Rousseau « au pouvoir », dossier encore brûlant que nous ne rouvrirons ici que de façon très marginale. Robespierre construit, en fonction d'un contexte en constante évolution, une trajectoire politique qui lui est propre. Nous souhaiterions donc mettre à jour de véritables structures de pensées, qui ne sont certes pas projetées comme un a priori philosophique sur la matière ductile de l'histoire, mais conçues sous formes de « principes » et adaptées, sous formes de maximes, aux circonstances hic et nunc.
Dans l'Esprit des lois , Montesquieu fait de la corruption l'un des concepts majeurs de sa philosophie politique, en refusant pourtant de confondre corruption morale et corruption politique. Car la corruption, loin d'être une perversion intrinsèque de la volonté, est une altération du principe d'un régime. Mais c'est bien la volonté politique qui peut seule en empêcher la progression...
International audience ; Les séminaires dispensés par Leo Strauss au Département de Sciences Politiques de l'Université de Chicago en 1965-1966 sont demeurés inédits à ce jour. Consacrés à L'Esprit des lois et aux Lettres persanes, ces cours offrent une interprétation forte et subtile de l'œuvre, qui a connu un retentissement majeur en raison des travaux de certains disciples (David Lowenthal, Thomas Pangle, Pierre Manent, Paul Rahe). L'exégèse straussienne mérite donc d'être mieux connue : elle ouvre la voie d'une analyse de la politique « libérale » de Montesquieu et de ses illusions.
International audience ; Les séminaires dispensés par Leo Strauss au Département de Sciences Politiques de l'Université de Chicago en 1965-1966 sont demeurés inédits à ce jour. Consacrés à L'Esprit des lois et aux Lettres persanes, ces cours offrent une interprétation forte et subtile de l'œuvre, qui a connu un retentissement majeur en raison des travaux de certains disciples (David Lowenthal, Thomas Pangle, Pierre Manent, Paul Rahe). L'exégèse straussienne mérite donc d'être mieux connue : elle ouvre la voie d'une analyse de la politique « libérale » de Montesquieu et de ses illusions.
International audience ; Highlights the political design underlying Montesquieu's analysis of lese majesty. The increasing use of this judicial category has been historically associated with the rise of absolutist power and the attempt, by the king, to stifle freedom of expression. Used as a means to repress not only acts, but also thoughts and subversive writings, this charge became a political weapon. Intending to restrict the scope of the charge (to proved but not suspected acts, nor speeches nor intentions), Montesquieu certainly stands for the nobility, particularly affected by this despotic device. But he also substitutes to the cry for sovereign's majesty another motto: « Society must be defended ». ; Les enjeux politiques du traitement du crime de lèse-majesté par Montesquieu. Le recours croissant à cette catégorie juridique a été historiquement solidaire du développement de l'absolutisme et des prétentions du pouvoir monarchique à museler la liberté d'expression. Quand ce chef d'accusation sert à punir non les actes, mais les pensées et les écrits subversifs, il devient une véritable arme politique. En voulant rendre cette inculpation strictement juridique (portant sur des actes avérés mais non présumés, ni sur des paroles ou des intentions), Montesquieu prend certes la défense des nobles qui ont particulièrement été touchés par cet instrument du despotisme. Mais il substitue aussi à une défense de la majesté du souverain un autre mot d'ordre : « Il faut défendre la société ».
International audience ; Highlights the political design underlying Montesquieu's analysis of lese majesty. The increasing use of this judicial category has been historically associated with the rise of absolutist power and the attempt, by the king, to stifle freedom of expression. Used as a means to repress not only acts, but also thoughts and subversive writings, this charge became a political weapon. Intending to restrict the scope of the charge (to proved but not suspected acts, nor speeches nor intentions), Montesquieu certainly stands for the nobility, particularly affected by this despotic device. But he also substitutes to the cry for sovereign's majesty another motto: « Society must be defended ». ; Les enjeux politiques du traitement du crime de lèse-majesté par Montesquieu. Le recours croissant à cette catégorie juridique a été historiquement solidaire du développement de l'absolutisme et des prétentions du pouvoir monarchique à museler la liberté d'expression. Quand ce chef d'accusation sert à punir non les actes, mais les pensées et les écrits subversifs, il devient une véritable arme politique. En voulant rendre cette inculpation strictement juridique (portant sur des actes avérés mais non présumés, ni sur des paroles ou des intentions), Montesquieu prend certes la défense des nobles qui ont particulièrement été touchés par cet instrument du despotisme. Mais il substitue aussi à une défense de la majesté du souverain un autre mot d'ordre : « Il faut défendre la société ».
International audience ; Selon C. B. Macpherson, l'« individualisme possessif » se définit par le fait que « l'individu n'est nullement redevable à la société de sa propre personne ou de ses capacités, dont il est au contraire, par essence, le propriétaire exclusif ». La société est considérée comme un ensemble d'individus libres et égaux qui ne sont liés entre eux qu'en tant que propriétaires de leurs capacités et de ce que ces capacités leur ont permis d'obtenir, c'est-àdire à des rapports d'échange entre propriétaires ; la société politique elle-même n'est qu'un artifice destiné à protéger cette propriété et à maintenir l'ordre économique. Après Hobbes, Locke est placé à l'origine de l'individualisme possessif3. Son œuvre marque l'avènement de l'individu moderne, « celui qui ne dépend pas, quant à son existence sociale, des rapports hiérarchiques qui prévalent dans une société à statuts parce qu'il se constitue par ses actes d'appropriation ». Par sa théorie de la propriété issue du travail comme prolongement de la personne, Locke jouerait également un rôle crucial dans l'histoire du libéralisme politique. Cet article se propose de montrer que Montesquieu ne suit pas Locke dans sa conception du développement de la société à partir du droit naturel à la propriété. Certes, L'Esprit des lois fait du travail la source des richesses. La proposition vaut à l'échelle des nations comme des individus : « un homme n'est pas pauvre parce qu'il n'a rien, mais parce qu'il ne travaille pas » (EL, XXIII, 29). Mais Montesquieu esquisse des « variations sur la propriété » qui vont à l'encontre de toute intégration de son œuvre au courant de « l'individualisme possessif ». Son anthropologie sociale, culturelle et politique exclut tant la voie d'une fondation de la propriété sur les besoins universels de l'homme que d'une limitation de la souveraineté par ces mêmes besoins. L'individu n'existe pas comme une substance ; il est l'effet de ses conditions d'existence naturelles, sociales et politiques. Si la conception « libérale » ...
International audience ; Selon C. B. Macpherson, l'« individualisme possessif » se définit par le fait que « l'individu n'est nullement redevable à la société de sa propre personne ou de ses capacités, dont il est au contraire, par essence, le propriétaire exclusif ». La société est considérée comme un ensemble d'individus libres et égaux qui ne sont liés entre eux qu'en tant que propriétaires de leurs capacités et de ce que ces capacités leur ont permis d'obtenir, c'est-àdire à des rapports d'échange entre propriétaires ; la société politique elle-même n'est qu'un artifice destiné à protéger cette propriété et à maintenir l'ordre économique. Après Hobbes, Locke est placé à l'origine de l'individualisme possessif3. Son œuvre marque l'avènement de l'individu moderne, « celui qui ne dépend pas, quant à son existence sociale, des rapports hiérarchiques qui prévalent dans une société à statuts parce qu'il se constitue par ses actes d'appropriation ». Par sa théorie de la propriété issue du travail comme prolongement de la personne, Locke jouerait également un rôle crucial dans l'histoire du libéralisme politique. Cet article se propose de montrer que Montesquieu ne suit pas Locke dans sa conception du développement de la société à partir du droit naturel à la propriété. Certes, L'Esprit des lois fait du travail la source des richesses. La proposition vaut à l'échelle des nations comme des individus : « un homme n'est pas pauvre parce qu'il n'a rien, mais parce qu'il ne travaille pas » (EL, XXIII, 29). Mais Montesquieu esquisse des « variations sur la propriété » qui vont à l'encontre de toute intégration de son œuvre au courant de « l'individualisme possessif ». Son anthropologie sociale, culturelle et politique exclut tant la voie d'une fondation de la propriété sur les besoins universels de l'homme que d'une limitation de la souveraineté par ces mêmes besoins. L'individu n'existe pas comme une substance ; il est l'effet de ses conditions d'existence naturelles, sociales et politiques. Si la conception « libérale » de la personne et de la propriété risque toujours de s'édifier au prix d'un « réductionnisme anthropologique », Montesquieu évite donc cet écueil en proposantune autre voie possible pour la modernité – autre voie dont la postérité résidera à la fois dans l'école historique écossaise (Ferguson, Smith etc.) et dans la philosophie de l'histoire de Marx . Où apparaît un philosophe plus subversif que l'on croit souvent, penseur d'un usage social et politique de la propriété, hors de l'alternative entre individualisme et collectivisme.