L'École de la rénovation urbaine : un nouveau bricolage idéologique ?
International audience ; La loi Borloo de 2003 aurait marqué un tournant majeur dans les politiques publiques sur les territoires dits « sensibles ». Une enquête sur l'École de la rénovation urbaine, créée deux ans plus tard pour former les professionnels à cette politique, conduit à nuancer ce constat. La formation qu'elle dispense relève plutôt d'un hybride idéologique, qui accueille aussi bien les héritages de la politique de la ville des années 1980 que la gestion managériale aujourd'hui mise en avant. La loi Borloo de 2003 sur la rénovation urbaine est souvent présentée comme un moment charnière dans l'histoire récente des modes d'intervention publique dans les territoires dits sensibles. La rénovation urbaine aurait remisé au placard une politique de la ville essoufflée, incertaine (Jaillet 2000), bureaucratisée, sans projet et sans dynamique, en fermant le dossier brûlant des 751 Zones Urbaines Sensibles ouvert depuis plus de vingt ans. Le discours des décideurs politiques et des experts d'alors aurait rayé d'un trait de plume une politique jugée « molle » et « inefficace », fondée sur le principe « erroné » d'une réparation sociale et bâtie des territoires. « Difficilement évaluable », celle-ci aurait peiné à enrayer efficacement les violences et les pauvretés endémiques des quartiers. Serait donc venu le temps d'une ambitieuse rénovation urbaine, « enrayant les errements passés », orchestrée par une nouvelle agence de l'État (l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ou ANRU), dispensant avec l'aide du 1 % patronal une aide efficace pour de « vrais projets », matériellement visibles sur le terrain : la destruction des « barres » et « tours » et la reconstruction de quartiers mixtes en termes de peuplement 2. Quelques années après le lancement du programme de la rénovation urbaine, on peut toutefois nuancer cette lecture de la rupture idéologique. Une enquête sur les réseaux d'acteurs gravitant autour de l'École de la rénovation urbaine et des savoirs qui y sont transmis conduit en effet à infléchir ...