Résumé A l'occasion des 10 ans de la parution de son ouvrage Les Prisons de la misère , Loïc Wacquant revient dans un exercice d'auto-sociologie sur la réception intellectuelle et militante du livre. Il revient également sur les analyses livrées alors et revisite le modèle d'articulation entre néolibéralisme et État pénal à lumière des développements récents.
Résumé Cet article revient sur le cheminement qui m'a conduit à l'enquête de terrain et fait atterrir dans le club de boxe de Chicago qui est la scène et le personnage principal de mon ethnographie du pugilisime dans le ghetto noir américain. Il explicite comment j'ai conçu le livre Corps et âme , premier bilan de cette plongée anthropologique, de sorte à offrir une application méthodologique et une élaboration empirique du concept d'habitus de Pierre Bourdieu. L'habitus est l'objet de l'enquête : le livre dissèque le moulage des dispositions corporelles et mentales qui font le boxeur compétent et appétant dans le creuset de la salle d'entraînement. Mais c'est aussi l' outil de l'enquête : l'acquisition pratique de ces dispositions par l'analyste sert de véhicule technique pour mieux pénétrer leur production sociale et leur assemblage collectif. L'apprentissage du sociologue est un miroir méthodologique de l'apprentissage subi par les sujets empiriques de l'étude ; le premier est exploité pour creuser le second et ainsi porter au jour sa logique interne et ses propriétés souterraines ; tous deux mettent à l'épreuve la robustesse et la fécondité de l'habitus comme outil pour démonter les ressorts de l'action sociale. Correctement utilisé, le concept ne se contente pas d'éclairer les logiques bigarrées de la pratique ; il fonde aussi les vertus distinctives de l'immersion profonde et de l'enchevêtrement charnel avec l'objet de l'enquête ethnographique.
Este artigo amplia o diagnóstico de Tom Slater sobre as causas da gentrificação da pesquisa recente sobre gentrificação.2 Ele argumenta que o deslocamento de denúncia para celebração da gentrificação, a elisão do deslocamento dos residentes estabelecidos e o foco eufemístico em "mesclagem social" participam de um padrão de invisibilidade da classe operária na esfera pública e na investigação social. Essa obliteração do proletariado na cidade é reforçada pela heteronomia crescente da pesquisa urbana, na medida em que ela se torna mais ligada estreitamente aos interesses dos governantes da cidade. Ambas as tendências revelam e incitam a transformação do papel do Estado, de provedor de assistência social para populações de renda mais baixa para o de fornecedor de serviços e amenidades empresariais para urbanitas de classe média – e alta –, entre os quais a limpeza, no ambiente construído e nas ruas, dos detritos físicos e humanos engendrados pela desregulação econômica e o corte de gastos de previdência social. Para construir melhores modelos do nexo em transformação entre classe e espaço na cidade neoliberal, precisamos ressituar a gentrificação numa perspectiva mais ampla, revisando a análise de classe para capturar a (de)formação do proletariado pós-industrial, resistindo às seduções das problemáticas pré-fabricadas das ações políticas e dando destaque ao Estado como produtor da desigualdade socioespacial. PALAVRAS-CHAVE: gentrificação, espaço urbano, classes, política, sociologia urbana.RELOCATING GENTRICATION: the working class, science and the state in recent urban research Loïc Wacquant This article amplifies Tom Slater's diagnosis of the causes of the gentrification of recent gentrification research. It argues that the shift from the denunciation to the celebration of gentrification, the elision of the displacement of the established residents, and the euphemistic focus on 'social mixing' partake of a broader pattern of invisibility of the working class in the public sphere and social inquiry. This effacing of the proletariat in the city is reinforced by the growing heteronomy of urban research, as the latter becomes more tightly tethered to the concerns of city rulers. Both tendencies, in turn, reveal and abet the shifting role of the state from provider of social support for lower-income populations to supplier of business services and amenities for middle – and upperclass urbanites – among them the cleansing of the built environment and the streets from the physical and human detritus wrought by economic deregulation and welfare retrenchment. To build better models of the changing nexus of class and space in the neoliberal city, we need to relocate gentrification in a broader and sturdier analytic framework by revising class analysis to capture the (de)formation of the postindustrial proletariat, resisting the seductions of the prefabricated problematics of policy, and giving pride of place to the state as producer of sociospatial inequality. KEY WORDS: gentrication, urban space, class, politics, urban sociology.MISE EN SITUATION DE L´ANOBLISSEMENT: la classe ouvrière, la science et l´État dans la recherche urbaine récente Loïc Wacquant Cet article amplifie le diagnostic de Tom Slater sur les causes de la "gentrification" des études récentes sur la "gentrification" urbaine. Le glissement de la dénonciation à l'éloge de la gentrification, l'élision du déplacement forcé des habitants établis et la focalisation euphémistique sur la "mixité sociale" s'inscrivent dans un schéma plus large d'invisibilisation de la classe ouvrière dans la sphère publique et les investigations sociologiques. Cet effacement du prolétariat des métropoles est renforcé par l'hétéronomie croissante de la recherche urbaine, plus étroitement liée que jamais aux préoccupations des dirigeants de la ville. Ces deux tendances révèlent et facilitent la mutation du rôle de l'État, de fournisseur de soutiens sociaux aux populations démunies en agence de services et d'équipements marchands pour citadins des classes moyennes et supérieures–au premier rang desquels figure le nettoyage de l'environnement bâti et des rues des détritus humains et matériels engendrés par la dérégulation de l'économie et le recul de la protection sociale. Pour construire de meilleurs modèles des rapports changeants entre classe et espace dans la ville néolibérale, il faut replacer la gentrification des quartiers populaires dans un cadre analytique élargi et renforcé en réélaborant l'analyse de classe pour saisir la (dé)formation du prolétariat post-industriel, en résistant aux séductions des problématiques préfabriquées de politique publique, et en accordant une place centrale à l'État en tant que producteur d'inégalités sociospatiales. MOTS-CLÉS: anoblissement, espace urbain, classes, politique, sociologie urbaine. Publicação Online do Caderno CRH: http://www.cadernocrh.ufba.br
The comparative sociology of the structure, dynamics, and experience of urban relegation in the United States and the main countries of the European Union during the past three decades reveals the emergence of a new regime of marginality. This regime generates forms of poverty that are neither residual, nor cyclical or transitional, but indeed inscribed in the future of contemporary societies insofar as they are fed by the ongoing fragmentation of wage labor relationship, the functional disconnection between dispossessed neighborhoods from the national and global economies, and the reconfiguration of the welfare state in the polarizing city. Based on a methodical comparison of the black American ghetto and the French working-class banlieue at century's turn, this article spotlights three distinctive spatial properties of "advanced marginality" and their implications for the formation of the "precariat" in postindustrial societies. Key words: urban marginality, poverty, precariousness, space, stigma, subproletariat, class formation. ; La sociología comparada de la estructura, la dinámica y la experiencia de la relegación urbana en Estados Unidos y en los principales países de la Unión Europea durante las tres décadas pasadas revela no una convergencia sobre el patrón del ghetto estadounidense, según afirman los medios dominantes y el discurso político sino la aparición de un nuevo régimen de marginalidad. Este régimen genera formas de pobreza que no son residuales, cíclicas ni de transición sino inscritas en el futuro de las sociedades contemporáneas en cuanto se nutren de la desintegración del salariado, de la desconexión funcional entre los barrios desheredados de las economías nacionales y globales, y de la reconfiguración del Estado benefactor como un instrumento para hacer que se cumpla la obligación del trabajo asalariado en la ciudad polarizante. Con base en una comparación metódica de la evolución del ghetto negro estadounidense y del suburbio obrero (banlieue) francés a principios del siglo, así como una indagación selectiva de las formas cambiantes de las relaciones sociales y la experiencia cotidiana en barrios relegados en otras sociedades avanzadas, este artículo destaca tres propiedades espaciales distintivas de la "marginalidad avanzada" y sus implicaciones en cuanto a la formación del "precariado" en las sociedades postindustriales. Palabras clave: marginalidad urbana, pobreza, "precariado", espacio, estigma, subproletariado, formación de clase.
This paper extends the theoretical model of the linkage between ethnoracial division and the penal state in the United States elaborated by the author elsewhere to cover the stupendous surge in the incarceration of postcolonial migrants in the European Union over the past two decades, that is, in the era of triumphant neoliberalism. The building of "fortress Europe" in the age of labor flexibility and generalized social insecurity has accelerated a twofold movement of ostracization of immigrants". The first proceeds through external removal via expulsion of irregular migrants. The second operates through internal extirpation via expanded incarceration. These two processes are directly aimed at those populations embodying the social and symbolic exterior of the emergent postnational Europe, namely postcolonial migrants and their immediate descendants. ; Este trabajo trata de aplicar el modelo teórico de la relación entre la división etnoracial y el Estado penal en los Estados Unidos al fenómeno del extraordinario incremento de la encarcelación de los inmigrantes postcoloniales en la Unión Europea durante las dos últimas décadas en la era del neoliberalismo triunfante. La construcción de la "Europa fortaleza" en la era de la flexibilización del trabajo y de la inseguridad social generalizada, ha acelerado un doble movimiento que condena al ostracismo a los inmigrantes. El primero actúa a través del traslado externo, mediante la expulsión, de los inmigrantes irregulares. El segundo opera a través de su extirpación interna mediante el incremento de su encarcelación. Estos dos procesos se dirigen directamente contra las poblaciones que expresan el "exterior", tanto desde punto de vista social como simbólico, de la emergente Europa postnacional, a saber, los inmigrantes postcoloniales y sus descendientes más inmediatos.
The spectacular growth of incarcertion in the U.S. can hardly be explained by the genesis a "prisonindustrial complex," as suggested by some criminologists, journalists and justice activists. Instead we must look at the rise of the "liberal-paternalist state", in which the prison functions as part of a triadic institutional nexus: The penal system contlibutes directly to regulating the lower segments of the labor market; it complements and compensates for the collapsing ghetto as device for the confinement of a population considered deviant, deviolls, and dangerous; and it is directly connected to the logic of welfare-to-workfare reforms.
AbstractThis article amplifies Tom Slater's diagnosis of the causes of the gentrification of recent gentrification research. It argues that the shift from the denunciation to the celebration of gentrification, the elision of the displacement of the established residents, and the euphemistic focus on 'social mixing' partake of a broader pattern of invisibility of the working class in the public sphere and social inquiry. This effacing of the proletariat in the city is reinforced by the growing heteronomy of urban research, as the latter becomes more tightly tethered to the concerns of city rulers. Both tendencies, in turn, reveal and abet the shifting role of the state from provider of social support for lower‐income populations to supplier of business services and amenities for middle‐ and upper‐class urbanites — among them the cleansing of the built environment and the streets from the physical and human detritus wrought by economic deregulation and welfare retrenchment. To build better models of the changing nexus of class and space in the neoliberal city, we need to relocate gentrification in a broader and sturdier analytic framework by revising class analysis to capture the (de)formation of the postindustrial proletariat, resisting the seductions of the prefabricated problematics of policy, and giving pride of place to the state as producer of sociospatial inequality.Résumé Cet article amplifie le diagnostic de Tom Slater sur les causes de la 'gentrification' des études récentes sur la 'gentrification' urbaine. Le glissement de la dénonciation à l'éloge de la gentrification, l'élision du déplacement forcé des habitants établis et la focalisation euphémistique sur la 'mixité sociale' s'inscrivent dans un schéma plus large d'invisibilisation de la classe ouvrière dans la sphère publique et les investigations sociologiques. Cet effacement du prolétariat des métropoles est renforcé par l'hétéronomie croissante de la recherche urbaine, plus étroitement liée que jamais aux préoccupations des dirigeants de la ville. Ces deux tendances révèlent et facilitent la mutation du rôle de l'État, de fournisseur de soutiens sociaux aux populations démunies en agence de services et d'équipements marchands pour citadins des classes moyennes et supérieures — au premier rang desquels figure le nettoyage de l'environnement bâti et des rues des détritus humains et matériels engendrés par la dérégulation de l'économie et le recul de la protection sociale. Pour construire de meilleurs modèles des rapports changeants entre classe et espace dans la ville néolibérale, il faut replacer la gentrification des quartiers populaires dans un cadre analytique élargi et renforcé en réélaborant l'analyse de classe pour saisir la (dé)formation du prolétariat post‐industriel, en résistant aux séductions des problématiques préfabriquées de politique publique, et en accordant une place centrale à l'État en tant que producteur d'inégalités sociospatiales.
A sociedade norte-americana é cinco vezes mais punitiva hoje do que há 25 anos. O acionamento da luta contra o crime serviu tão-somente como pretexto e trampolim para uma reformulação do perímetro e das funções do Estado, que resultou no enxugamento do seu componente de welfare. O complexo penitenciário ganhou um lugar central como instrumento para a administração da pobreza, nas encruzilhadas do mercado de trabalho desqualificado, no colapso do gueto urbano e nos serviços de bem-estar social "reformados" de modo a reforçar a disciplina do trabalho assalariado dessocializado.