Les années 1970 ne furent pas marquées par un dialogue étroit entre Paris et Rome. Or il y avait bien des convergences entre les politiques française et italienne : toutes deux soutenaient la détente – quoique pour des raisons différentes – et s'orientèrent vers des pays du bloc de l'Est similaires. Mais Rome était considérée comme totalement alignée sur les États-Unis, alors que Paris dirigeait en partie la détente contre leur hégémonie. La politique française fut, de surcroît, plus pionnière et plus ambitieuse. L'Italie ne pouvait ainsi prétendre à la même stature diplomatique. Quand la politique italienne connut des développements parallèles, elle ne fut donc pas perçue en France comme une rivale à plein titre, à la différence de la RFA.
Selon quelles modalités la culture et la vision du monde spécifiques aux élites américaines ont-elles au juste pesé sur les processus décisionnels à l'origine de la stratégie du containment anticommuniste ? Parmi nombre d'influences structurantes possibles, l'historiographie tient compte des théories des « géopoliticiens », en particulier celles de Halford Mackinder et de Nicholas J. Spykman. Néanmoins la pensée de ce dernier, auquel aucune biographie n'a jamais été consacrée, s'avère plus paradoxale que l'historiographie ne le croit. En s'appuyant sur des travaux de recherche inédits sur le parcours de Spykman, cet article propose une réévaluation des rapports de causalité entre la pensée géopolitique classique et la stratégie de containment pratiquée par les États-Unis depuis 1947.
Maurice Dejean (1899-1982), a connu une carrière diplomatique résolument atypique. Elle l'est d'abord par ses origines sociales modestes et son entrée tardive dans la Carrière par des voies détournées. Son engagement dans la Résistance offre à Dejean une carrière prestigieuse au service de la diplomatie française d'après-guerre. Ambassadeur à Prague puis à Tokyo et Commissaire général en Indochine, il entre brutalement dans la logique de guerre froide. Ambassadeur à Moscou de 1956 à 1964, Dejean croit en l'ouverture de l'URSS et mise sur un développement de la relation bilatérale, malgré les critiques. Son départ précipité, dans des conditions là encore singulières, met fin à sa carrière. Cet article retrace le parcours d'un diplomate atypique, à évaluer le rôle de l'ambassadeur dans la définition de la diplomatie française et à mieux appréhender les grandes problématiques contemporaines dans lesquelles son activité diplomatique s'est insérée.
Après avoir fait une brève apparition à la fin de la Première Guerre mondiale, la mise en commun des techniques et méthodes des propagandes alliées n'est réellement mise en pratique que lors de la Seconde Guerre mondiale. Le dialogue qui s'instaure entre la France et la Grande-Bretagne est le fruit d'un long travail de préparation pendant l'entre-deux-guerres. À partir de septembre 1939, les deux alliés initient une coordination de leurs savoirs en matière de propagande, ouvrant ainsi un nouveau domaine de coopération interallié. Celui-ci nécessite une entente au niveau non seulement militaire mais idéologique. Mais les propagandistes et responsables français et anglais se sont heurtés à des obstacles d'ordre technique ou d'intérêt national.
En sécession du Congo-Léopoldville de 1960 à 1963, le Katanga fait appel à des mercenaires étrangers. Les savoir-faire des Français sont particulièrement appréciés en raison de leur expérience dans les guerres de décolonisation. Minoritaires, ils sont surreprésentés dans les postes de commandement. Écartés de l'Algérie en raison d'un risque de désobéissance, ils sont davantage des représentants officieux de la France que des mercenaires, tandis que les États-Unis soutiennent le groupe de Binza et Bruxelles les « Affreux » belges. Leur poids prouve l'efficacité du dispositif mis en place par Foccart : on peut ainsi parler d'un système mercenaire. Celui-ci est cependant fragilisé par la dépendance vis-à-vis de l'Angola portugais ou par la venue d'autres Français hors de contrôle du SDECE.
En juillet 1941, un ancien différend frontalier entre le Pérou et l'Équateur mena à l'affrontement armé. Le Protocole de Río, signé en janvier 1942, entérina la victoire éclair du Pérou. Dans une période de tensions liées à l'entrée en guerre des États-Unis contre les forces de l'Axe, ce petit conflit, qui mettait aux prises deux pays stratégiques pour la puissance du Nord, entretint des liens troubles avec la Seconde Guerre mondiale. Il accéléra la lutte locale contre la subversion, ralentit le réarmement de l'hémisphère, redéfinit l'équilibre régional des puissances et montra que les petites nations surent tirer parti des pressions étasuniennes.
Pour expliquer la déprise de la Roumanie par rapport à l'URSS dans la seconde moitié des années 1950, cet article revient sur les entretiens roumano-soviétiques de Moscou de juillet 1953, connus par des documents d'archives récemment entrés dans le circuit de la recherche. Leur analyse permet de dépasser une assertion jusqu'ici admise par l'historiographie, consistant à dire que la politique indépendante de la Roumanie et sa remise en cause de la tutelle soviétique seraient le résultat de revendications initiées à Bucarest. Nous montrons ici qu'en réalité ce sont des injonctions soviétiques, faites aux dirigeants roumains à l'été 1953, qui sont à l'origine de la réorientation ultérieure des relations entre Bucarest et Moscou et, plus largement, de la politique extérieure roumaine de désatellisation.
Le Japon suscite toujours plus d'engouement mais pourquoi et quel rôle a joué le gouvernement japonais dans la mise en valeur de la culture nippone ? Grâce à l'Organisation de coopération intellectuelle (OCI), organe culturel de la Société des Nations, le passage du Japon de l'assimilation et de la recherche de savoirs extérieurs à la mise en valeur et à l'exportation de sa propre culture devient limpide. Le retrait du Japon de la SDN en mars 1933, geste d'une élite, encourage dans un même élan l'OCI dans la voie de l'apolitisme tandis que le gouvernement japonais met en place une véritable propagande culturelle et se tourne vers le régionalisme. Paradoxe du Japon qui voit la naissance de son soft power encore à l'œuvre aujourd'hui, alors même qu'il s'enferre dans le militarisme.