Malgré de nombreuses tentatives visant à mettre en œuvre des programmes et des réformes de politique publique, le Mexique présente toujours de hauts niveaux de pauvreté et d'inégalités. Le pays se caractérise par de grandes disparités régionales entre le Nord et le Sud, que viennent aggraver des facteurs tels que la proximité ou l'éloignement des marchés commerciaux, les infrastructures et capacités logistiques, l'éducation et le développement du numérique, ou encore les discriminations. Ces fractures importantes doivent être combattues par une stratégie de croissance inclusive, dont les principes directeurs – la redistribution en aval et sur le marché, l'égalité des genres et des populations en termes de chances et d'opportunités, ainsi que la confiance entre les gouvernements, les acteurs et les citoyens – exigent que l'État se dote des capacités financières et des compétences adéquates.
Reports on the Zapatista (EZLN) guerrilla insurgency led by Subcomandante Marcos, in Chiapas, Mexico; federal government counterinsurgency and peace efforts, the Maya Indians, role of the clergy, and prospects.
This essay begins with a question that is simple, yet at the same time difficult to answer: What would we have before us today if we were to translate Marx and Engels' 1842 Communist Manifesto, written in 1842, into the present? Beyond translation from one language into another, this paper is, simultaneously, a provocation and an invitation to think about the translation of one time into another and of one political experience into another. The political translation of Marx and Engels' manifesto, a translation in which the original would become hardly recognizable in the present day, could be found encoded in a document written by Subcomandante Marcos in 1997: "The Fourth World War Has Begun", a kind of Zapatista Manifesto. Thus, after reviewing and problematizing the first translations of the Communist Manifesto, Subcomandante Marcos' text is proposed as one of its best and most current translations. My essay ends by offering a possible translation of what Marx and Engels defined in their own time as proletarian struggle: the spectral politics of the disposable. The original article is in Spanish. ; Este ensayo parte de una pregunta sencilla y, al mismo tiempo, difícil de responder: ¿Qué tendríamos hoy frente a nosotros si tradujéramos al presente el Manifiesto comunista de Marx y Engels, escrito en 1842? Más allá de la traducción de una lengua a otra, lo que se busca aquí es, simultáneamente, provocar e invitar a pensar en lo que sería la traducción de un tiempo a otro y de una experiencia política a otra. La traducción política del manifiesto de Marx y Engels, una traducción en la que el original se volvería en nuestros días prácticamente irreconocible, se podría encontrar cifrada en un documento redactado por el Subcomandante Marcos en 1997: "7 piezas sueltas del rompecabezas mundial", una suerte de Manifiesto zapatista. Así, tras retomar y problematizar sobre las primeras traducciones que se hicieron del Manifiesto comunista, se propone el texto del Subcomandante Marcos como una de sus mejores y más actualizadas traducciones. El ensayo concluye con una propuesta de traducción de lo que Marx y Engels definieron en su tiempo como lucha proletaria: la política espectral de los desechables. El artículo original está en español. ; Cet article commence par une question simple, à laquelle il est toutefois difficile de répondre. À quoi serions-nous confrontés aujourd'hui, si nous devions traduire le Manifeste du parti communiste rédigé en 1842 par Marx et Engels ? Bien plus qu'une traduction d'une langue à l'autre, cet article provocant est aussi une invitation à réfléchir à la traduction, d'une époque à une autre et d'une expérience politique à une autre. La traduction politique du manifeste de Marx et Engels, dont la version originale serait nettement différente aujourd'hui, pourrait être encodée dans un document intitulé « La quatrième guerre mondiale a commencé », un genre de Manifeste zapatiste rédigé en 1997 par le sous-commandant Marcos. Par conséquent, après avoir examiné les problèmes posés par les premières traductions du Manifeste communiste, le texte du sous-commandant Marcos est proposé comme étant l'une des meilleures et plus récentes traductions. À la fin de mon article, je suggère une éventuelle traduction de ce que Marx et Engels avaient défini à leur époque comme lutte prolétarienne : la politique spectrale des biens disponibles. L'article original a été rédigé en espagnol. ; Este ensaio parte de uma pergunta simples e, ao mesmo tempo, difícil de responder: o que teríamos diante de nós hoje se traduzíssemos para o presente o Manifesto comunista de Marx e Engels, escrito em 1842? Além da tradução de uma língua a outra, o que se busca aqui é, simultaneamente, uma provocação e um convite a pensar no que seria a tradução de um tempo a outro e de uma experiência política a outra. A tradução política do manifesto de Marx e Engels, uma tradução na qual o original se tornaria praticamente irreconhecível em nossos dias, poderia se encontrar cifrada num documento escrito pelo Subcomandante Marcos em 1997: "A quarta guerra mundial já começou", uma espécie de Manifesto zapatista. Assim, após retomar e problematizar as primeiras traduções do Manifesto comunista, propõe-se como uma de suas melhores e mais atualizadas traduções o texto do Subcomandante Marcos. O ensaio se encerra com uma proposta de tradução do que Marx e Engels definiram em seu tempo como luta do proletariado: a política espectral dos descartáveis. O artigo original está em espanhol.
Le roman Les morts qui dérangent écrit par le Sous-commandant Marcos et Paco Ignacio Taibo II, inclut une scène qui décrit une rencontre de football entre les habitants indiens locaux du Chiapas et les observateurs internationaux sympathisants de la cause zapatiste. Cette scène peut être interprétée de différentes façons. Métaphore de la lutte au Chiapas entre les Zapatistes et le gouvernement, elle est en même temps mise en abyme de l'histoire racontée dans le roman qui est, comme la rencontre de foot, une histoire de deux bandes adversaires dont l'une essaye d'occuper le terrain de l'autre. En plus, elle est à l'image de l'acte même de l'écriture et plus spécifiquement de la collaboration entre les deux auteurs. Dans l'autre texte qui inaugure le retour des zapatistes sur la scène politique en 2005, Marcos recourt également à l'imaginaire du football. En le faisant, il entre sur un des terrains privilégiés de l'affirmation de l'identité collective mexicaine et il présente l'Armée Zapatiste comme populaire par excellence, puisqu'elle partage avec les intégrants de la nation, un des repères les plus importants de la culture du pays. Mais, comme le football est également le plus universel des divertissements populaires, l'imaginaire utilisé est aussi susceptible de susciter la sympathie d'un public international. ; The novel The Uncomfortable Dead, written by subcomandante Marcos and Paco Ignacio Taibo includes a scene which describes a football match between the indigenous inhabitants of Chiapas and the foreign observers which sympathise with the Zapatista cause. This scene can be interpreted in various ways: as a metaphor of the struggle in Chiapas between the Zapatistas and the government, but at the same time as a mise en abyme of the plot of the novel, which tells the story of two antagonistic gangs, one of them attempting to occupy the other's territory. In addition, the football match can be associated with the act of writing the novel, and more in particular with the collaboration between its two authors. In the other text which marks the return of the Zapatistas on the political scene in 2005, Marcos also makes use of imagery related to football, which is one of the primary means of affirming the collective Mexican identity. In this way, he presents the Zapatista army as pre-eminently popular, because it shares with the living forces of the nation one of the most important markers of Mexican identity. At the same time, as football is one of the most universal forms of popular entertainment, this imagery is also fit to capture the sympathy of an international public. ; Peer reviewed
ABSTRACT- The Relatos del Viejo Antonio (1998) by Subcomandante Marcos are based on an antagonism between the Indians and the non-indians. This antagonism is at odds with the EZLN stance in favour of a pluri-ethnic society. At the same time, the language used in the tales is more in conformity with this pluri-ethnic position. This tension in the zapatist discourse can be interpreted as a conflict between utopia and reality, in the sense that the discrimination of the indigenous population is conducive to a rhetorics of idealisation while the future construction of society requires a more hybrid discourse.
Le néozapatisme a fait irruption sur les scènes mexicaine et mondiale il y a tout juste vingt ans, au moment opportun pour gâcher la fête de l'entrée en « libre échange » avec les États-Unis. « Indigène », « anticapitaliste », et avec comme porte-parole vedette un « sous-commandant » à la fois encagoulé et hypercultivé, le mouvement autour de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a engendré beaucoup d'images, mais peu d'études sur ses rapports concrets avec les autres groupes et individus partageant au quotidien un même espace de lutte au Chiapas. À l'heure où la fascination pour l'EZLN est retombée, Maya Collombon fait le bilan.
This article seeks to reconstruct the historical and geographical dynamics explaining the significant presence of women in the Zapatista Army of National Liberation (EZLN). First appearing in the poor Mexican state of Chiapas in January, 1994, this new type of revolutionary movement is the culmination of a wide variety of changes modifying the life of indigenous men and women in the region, and particularly, the social relations between the sexes. Making up a third of the Zapatista forces, the women were able to integrate the question of gender and formulate the Revolutionary Law of Women. Without them, the EZNL would have no doubt been a very different kind of movement, even though remaining a military organization dominated by men.
Le corpus des textes produits par l'EZLN (ensemble des communiqués livrés à la presse depuis 1994) s'inscrit dans une problématique des confins : entre discours de contre-pouvoir et pouvoirs d'un certain discours, c'est à la limite des deux champs de pensée et d'action que ces textes sont lus. Dans ce discours apparaît une rupture des genres et des modes de fonctionnement du texte comme miroir idéologique et comme objet littéraire. Le corpus n'est pas homogène ni au plan formel ni au plan sémantique. Il se construit peu à peu. Cette hétérogénéité n'empêche pas de le considérer comme un tout : occurrences, récurrences, stratégies narratives identifiables organisent l'ensemble de manière cohérente. Le corpus puise à de multiples sources idéologiques et narratives mêlant à un positionnement révolutionnaire de type marxiste, l'héritage intellectuel de la révolution de 1910, une parole indigène, des axes de réflexion émanant de la théologie de la libération, la perspective altermondialiste contre le néolibéralisme. Dans ce cadre kaléidoscopique, il perdure une valeur relevant du champ politique : la question du pouvoir. Question revisitée dans l'espace narratif du discours : il émane de ceux qui n'ont pas le pouvoir, et il s'inscrit dans le champ discursif des tenants du pouvoir. La réflexion s'articule autour de deux axes : l'emploi des items lexicaux democracia/libertad/justicia et du syntagme verbal de la parole vraie. C'est par une « rébellion littéraire » que l'Ezln conquiert cet espace de la parole « désintéressée » comme pratique du pouvoir. Ce discours constitue l'emblème d'un éclatement du genre politique. Il met en œuvre une esthétique de la rupture.
Le corpus des textes produits par l'EZLN (ensemble des communiqués livrés à la presse depuis 1994) s'inscrit dans une problématique des confins : entre discours de contre-pouvoir et pouvoirs d'un certain discours, c'est à la limite des deux champs de pensée et d'action que ces textes sont lus. Dans ce discours apparaît une rupture des genres et des modes de fonctionnement du texte comme miroir idéologique et comme objet littéraire. Le corpus n'est pas homogène ni au plan formel ni au plan sémantique. Il se construit peu à peu. Cette hétérogénéité n'empêche pas de le considérer comme un tout : occurrences, récurrences, stratégies narratives identifiables organisent l'ensemble de manière cohérente. Le corpus puise à de multiples sources idéologiques et narratives mêlant à un positionnement révolutionnaire de type marxiste, l'héritage intellectuel de la révolution de 1910, une parole indigène, des axes de réflexion émanant de la théologie de la libération, la perspective altermondialiste contre le néolibéralisme. Dans ce cadre kaléidoscopique, il perdure une valeur relevant du champ politique : la question du pouvoir. Question revisitée dans l'espace narratif du discours : il émane de ceux qui n'ont pas le pouvoir, et il s'inscrit dans le champ discursif des tenants du pouvoir. La réflexion s'articule autour de deux axes : l'emploi des items lexicaux democracia/libertad/justicia et du syntagme verbal de la parole vraie. C'est par une « rébellion littéraire » que l'Ezln conquiert cet espace de la parole « désintéressée » comme pratique du pouvoir. Ce discours constitue l'emblème d'un éclatement du genre politique. Il met en œuvre une esthétique de la rupture.
Cette recherche porte sur la diffusion des idées zapatistes dans certains milieux militants et universitaire québécois et sur les transformations qu'elle a entraînées au niveau des imaginaires et des pratiques militantes au Québec depuis 1994. Alors que l'EZLN et le zapatisme étaient des références clés du mouvement altermondialiste québécois dans les années 1990, aujourd'hui, la présence des idées zapatistes au Québec est diffuse. Les gauches québécoises sont passées d'un moment de convergence dans la lutte contre les sommets économiques internationaux à une multiplication des projets d'alternatives au système néolibéral. Ancrée dans une perspective post-marxiste, cette recherche est articulée autour du concept de résonance, proposé par Alex Khasnabish dans son étude sur la diffusion du zapatisme et ses effets sur les imaginaires militants en Amérique du Nord anglophone (Khasnabish, 2008). Ce concept de résonance permet d'analyser les transformations entraînées par l'entrelacement du zapatisme avec les imaginaires politiques des militant.es québécois.es ainsi que les transformations des imaginaires et des pratiques militantes québécoises au fil du temps. L'intérêt de cette approche est double : elle permet d'une part d'observer des liens entre des milieux militants et universitaire qui, au niveau idéologique, semblent parfois distants voir opposés. D'autre part, elle permet d'aller au-delà d'une lecture spasmodique des mouvements sociaux et de constater certaines continuités entre différents groupes militants et différents événements (Badiou, 1988). Enfin, analyser la présence du zapatisme dans le paysage des imaginaires politiques des militant.es au Québec, c'est faire l'histoire d'une mondialisation par le bas et brosser le portrait de certaines des luttes québécoises contre le système néolibéral et pour la création d'une pluralité d'alternatives. ; This study analyzes how the circulation of zapatism in some activist and academic networks in Québec have had an impact on the transformations of left-wing activists' political imaginaries and practices since 1994. If the EZLN and zapatism were a key reference of the québécois altermondialist movement in the 1990s, its present-day presence in the province is diffuse. Québec's political lefts went from a period of convergence, at the time when organizing counter summits and marching against international economic summits was the main focus, to a wide array of political projects exploring alternatives to the neoliberal system. Rooted in a postmarxist posture, this research is built around Alex Khasnabish's concept of resonance, which he proposed in his ethnography of the diffusion of Zapatism and its effects in anglophone activists circles in North America (Khasnabish, 2008). Similarly, this study analyzes the movement of people, zapatista's political imaginaries and practices in transnational networks. The idea of resonance enables the observation of transformationsresulting of the intertwinement between Zapatism and québecois.es's activist political imaginaries. Through this lens, the analysis of the transformations of said political imaginaries through time is also possible. The usefulness of this analytical tool is twofold. First, it unveils links between activist groups and academics that, on an ideological level, seemed unalike or even antagonistic. Second, it enables us to go further than an analysis that considers a social movement's history as a series of fits and starts, and rather highlights the continuities between activist groups and events (Badiou, 1988). Lastly, to analyze the presence of Zapatism in the political imaginaries' landscape of activists in Québec is to engage with the history of bottom-up globalization, particularly with social mobilizations against the neoliberal system and for the creation of a diversity of alternatives to it.