Construction internationale et responsabilité civile du constructeur : les perspectives en droit international privé québécois
Cette étude aborde la question de la loi applicable au contrat international de construction, jusqu'à présent négligée en droit international privé québécois, en premier lieu, essentiellement du point de vue de la responsabilité du constructeur pour vice du sol ou de construction vis-à-vis du maître d'ouvrage et, accessoirement, du point de vue des rapports entre ces deux parties, les sous-traitants et les assureurs. En second lieu, il y est fait état de la condition des sociétés étrangères de construction au Québec. Si les questions de la loi applicable au fond des contrats de construction internationale et à la responsabilité contractuelle et extracontractuelle de droit commun qui en découlent ne posent pas de problème particulier, la difficulté centrale touche la qualification de la responsabilité particulière découlant en droit québécois de l'article 1688. En effet, cette qualification, contractuelle, légale, ou extracontractuelle, n'est pas certaine en droit interne. Or, elle a pour conséquence directe le choix de la règle de conflit en droit international privé et donc celui de la loi applicable. La qualification de la question permettrait aux parties d'écarter l'application de l'article 1688 C.C., même si la construction avait lieu au Québec, ce qui irait à l'encontre de la politique préventive de protection de la population québécoise que cette disposition veut promouvoir. Cependant, comme on la considère généralement d'ordre public en droit interne, on pourrait quand même écarter une solution fondée sur une loi étrangère en invoquant sa contrariété à la conception fondamentale que l'article 1688 C.C. exprime, en faisant appel, au cas par cas, à l'exception d'ordre public, telle qu'on l'entend dans l'ordre international. Plus radicalement, on pourrait aussi considérer cette disposition comme une loi de police de façon à l'appliquer à tous les contrats donnant lieu à des constructions au Québec, sans jamais tenir compte de la loi choisie par les parties pour régir leurs rapports. Lu qualification légale ou extracontractuelle de cette question permettrait d'éviter ces procédés exceptionnels, tout en faisant respecter la politique interne, puisque les parties n'auraient plus la possibilité de choisir la loi gouvernant cette responsabilité. Pour ces motifs, l'auteur opte pour cette solution, en constatant que la jurisprudence de droit interne se prononce en ce sens, que la Cour d'appel, dans un litige de droit international privé, a adopté une solution qui pourrait s'expliquer de cette façon et, enfin, que l'article 35 de la Loi sur la qualification des entrepreneurs de construction exprime une approche législative territorialiste de la question. Mais le problème consiste alors à déterminer le facteur de rattachement approprié. L'auteur propose une règle de conflit à caractère substantiel comportant un facteur de rattachement alternatif; se traduisant par un choix entre la loi du lieu de la construction et celle de l'établissement principal du constructeur, selon celle qui serait la plus favorable au maître d'ouvrage, ce qui aurait aussi l 'avantage de protéger le public. Dans les deux hypothèses de qualification, il faut déterminer le domaine d'application de la loi régissant la responsabilité du constructeur vis-à-vis du maître d'ouvrage et l 'auteur examine notamment la question de la loi relative au délai ou à la prescription de l'action en regard des règles matérielles complexes contenues aux articles 2190 et 2191 C.C. Par ailleurs, il s'efforce de préciser la loi applicable aux rapports de sous-traitance, notamment entre le sous-traitant et le maître d'ouvrage. Il examine aussi les nombreuses règles de police régissant le contrat d'assurance dans la même optique du contrat de construction internationale. Enfin, l'étude s'attache à présenter une vue d'ensemble des règles régissant l'activité des sociétés étrangères de construction au Québec, notamment au plan des procédures de soumission et d'adjudication, pour les contrats de construction privés comme pour ceux donnés par les organismes publics. ; Abstract: This study discusses issues pertaining to the law that applies to international construction contracts, an area that up to now has received little attention in Quebec private international law. The first part deals with the builder's responsibility towards the client for defects of construction or of the land. It also examines, the relationship between the client and the builder, the subcontractors and the insurers. The second part describes the conditions that apply to foreign construction companies in Quebec. Even though the legal questions that pertain to international construction contracts and to the contractual and extracontractual responsibilities under common law pose no unusual problems, the primary difficulty concerns the liability which results from article 1688 of the Civil Code. In fact, the determination whether this responsibility is contractual, legal or extracontractual remains uncertain in internal law. As a result, one must choose the rule in private international law that would govern this conflict and then determine which law in fact applies. To hold that this responsibility is contractual would exclude the application of article 1688 C.C. even if the construction tookplace in Quebec. This would be contrary to the preventive aim of this article, which is intended to protect the public. However, since the article in question is generally considered to be of public order in internal law, one could eliminate the application of a foreign law by invoking that the latter contradicts the basic concepts expressed in article 1688 C.C. and by using the public order exception clause. As a more radical approach it could be argued that this article constitutes a law of police and should apply to al1 contracts that pertain to construction in Quebec, thereby excluding any other law chosen by the parties to govern their relationships The qualification that liability is legal or extracontractual in such matters permits one to avoid recourse to these exceptional measures, while at the same time ensuring respect for internal policies, because the parties would no longer have the possibility of choosing the law that would govern liability. For these reasons, the writer, noting that this is the point of view held by jurisprudence, recommends this solution. The Court of Appeal, in a case involving private international law, decided the issue in a manner consonant with this approach and section 35 of an Act respecting the qualifications of construction contractors expresses a similar territorialist legislative approach to the question. Thus the problem then becomes one of merely finding the appropriate connecting factor. The writer proposes a substantive conflict rule that includes alternative criteria for eligibility, based on either the location of the construction project or else on the situation of the principal place of business of the builder, according to whichever one would be the most favorable for the client. This would also have the advantage of offering the greatest protection to the public. In effecting a characterization according to these alternative connecting factors, one must determine the pertinent law governing the responsibility of the contractor toward the owner. For instance, the writer examines the prescriptive delays applicable to law-suits in light of the material rules set out in articles 21 90 and 21 91 C.C. In addition, he seeh to determine the law pertaining to subcontracts and in particular, to the relationship between subcontractors and the client. He also examines the numerous laws of police that govern insurance contracts in the same field of international construction contracts. Finally, this study aims at presenting an overview of the rules that regulate the activities of foreign construction companies operating in Quebec, with emphasis on procedures for the submission of tenders and the awarding of contracts by private parties as well as by public bodies.