International audience ; L'islam occupe une place croissante dans notre vocabulaire. Des populations auparavant désignées par des catégories nationales, socio-économiques ou légales (Algériens, Maghrébins, travailleurs immigrés, étrangers) sont désormais souvent renvoyées à leur appartenance religieuse réelle ou supposée : on parle de plus en plus de « musulmans ». Cette centralité discursive de l'islam est le fruit de plusieursévolutions. Une partie de ces populations, en particulier leurs enfants et petits-enfants nés et socialisés en France, investit de plus en plus le référent religieux comme catégorie positive d'identification. Par ailleurs, à la faveur des paniques morales autour de l'islam qui rythment l'actualité depuis les années 1980, ces personnes sont de plus en plus interpellées en tant que musulmanes et tenues responsables des actes et propos des autres musulmans à l'échelle mondiale. Les chercheurs en sciences sociales ne sont pas étrangers à ces processus : ils y contribuent à travers la production de connaissances sur les « musulmans ». Longtemps parent pauvre des sciences sociales françaises, l'islam s'impose aujourd'hui comme un objet de recherche incontournable. Cette nécessaire prise en compte du religieux présente toutefois un risque, que le sociologue américain Rogers Brubaker nomme « islamisme méthodologique » : faire de l'islam l'unique matrice explicative des comportementsdes personnes identifiées comme musulmanes, au détriment d'autres facteurs (classe sociale, ancrage résidentiel, histoire migratoire, contexte politique, etc.).
International audience ; L'islam occupe une place croissante dans notre vocabulaire. Des populations auparavant désignées par des catégories nationales, socio-économiques ou légales (Algériens, Maghrébins, travailleurs immigrés, étrangers) sont désormais souvent renvoyées à leur appartenance religieuse réelle ou supposée : on parle de plus en plus de « musulmans ». Cette centralité discursive de l'islam est le fruit de plusieursévolutions. Une partie de ces populations, en particulier leurs enfants et petits-enfants nés et socialisés en France, investit de plus en plus le référent religieux comme catégorie positive d'identification. Par ailleurs, à la faveur des paniques morales autour de l'islam qui rythment l'actualité depuis les années 1980, ces personnes sont de plus en plus interpellées en tant que musulmanes et tenues responsables des actes et propos des autres musulmans à l'échelle mondiale. Les chercheurs en sciences sociales ne sont pas étrangers à ces processus : ils y contribuent à travers la production de connaissances sur les « musulmans ». Longtemps parent pauvre des sciences sociales françaises, l'islam s'impose aujourd'hui comme un objet de recherche incontournable. Cette nécessaire prise en compte du religieux présente toutefois un risque, que le sociologue américain Rogers Brubaker nomme « islamisme méthodologique » : faire de l'islam l'unique matrice explicative des comportementsdes personnes identifiées comme musulmanes, au détriment d'autres facteurs (classe sociale, ancrage résidentiel, histoire migratoire, contexte politique, etc.).
International audience ; A moins d'adopter un point de vue substantialiste et culturaliste, il est impossible de parler en toute généralité de « justice en islam » ou de « conception islamique de la justice ». Il faut en effet constater que les théories, les dogmes et les catégories qu'ils instituent sont nuancés, voire divergents, et qu'ils n'ont cessé d'évoluer. Au-delà du discours religieux, il faut aussi prendre la mesure de ce que la justice est une pratique dont la réalité historique échappe le plus souvent à tout cadre rigide. On distinguera ainsi la question de la justice dans la production discursive, les catégories doctrinales dans lesquelles s'inscrivent ce que l'on fait aujourd'hui relever du domaine pénal, la justice comme pratique propre à des institutions, entre autres judiciaires, et la justice internationale contemporaine quand elle est confrontée à des conflits dont tout ou partie des protagonistes se revendiquent d'une conception plus ou moins radicale de l'islam. Justice et normes pénales comme thèmes de la prédication coranique et de la tradition prophétique
Face à un contexte de crises polymorphes aigues traversant l'ensemble des sociétés musulmanes depuis plus d'un siècle et de crises géopolitiques majeures, les médias occidentaux et les fondamentalistes de tous bords tendent à diffuser dans l'opinion publique que l'islam est par essence imperméable aux principes de laïcité et d'humanisme de notre République. Alors posons-nous la question : Cette religion est-elle compatible avec les valeurs de la république française ? La séparation du politique et du religieux est-elle à jamais refusée aux peuples musulmans ? Même si la vague fondamentaliste (voire terroriste), les foyers de tension de par le monde et la réticence des hiérarques religieux semblent confirmer cette thèse en dépit d'une réalité plus nuancée. Il nous faut en tant que citoyens éclairés répondre d'une part aux préjugés tenaces sur l'« incompatibilité » entre la laïcité et le « fait islamique », et d'autre part aux islamistes qui brandissent le Coran comme une Constitution ! Si nous partons d'un syllogisme : L'islam est hostile à la laïcité Or la laïcité est indispensable à la démocratie Donc l'islam est incompatible avec la démocratie. Qu'en est-il exactement ?
Face à un contexte de crises polymorphes aigues traversant l'ensemble des sociétés musulmanes depuis plus d'un siècle et de crises géopolitiques majeures, les médias occidentaux et les fondamentalistes de tous bords tendent à diffuser dans l'opinion publique que l'islam est par essence imperméable aux principes de laïcité et d'humanisme de notre République. Alors posons-nous la question : Cette religion est-elle compatible avec les valeurs de la république française ? La séparation du politique et du religieux est-elle à jamais refusée aux peuples musulmans ? Même si la vague fondamentaliste (voire terroriste), les foyers de tension de par le monde et la réticence des hiérarques religieux semblent confirmer cette thèse en dépit d'une réalité plus nuancée. Il nous faut en tant que citoyens éclairés répondre d'une part aux préjugés tenaces sur l'« incompatibilité » entre la laïcité et le « fait islamique », et d'autre part aux islamistes qui brandissent le Coran comme une Constitution ! Si nous partons d'un syllogisme : L'islam est hostile à la laïcité Or la laïcité est indispensable à la démocratie Donc l'islam est incompatible avec la démocratie. Qu'en est-il exactement ?
Relations between the state and religion are determining in the history of every country. At Kazakhstan the status of Islam has largely depended on the ruling regime. Islam was brought to Kazakhstan in several waves, starting from the conquest of the country's south by Arabs. It was legalized by Qarakhanides, the Golden Horde under Khan Özbek and Kazakh clans and was further regularized with Russian colonization starting from XVIII century. Russian Empire, interested in attracting Muslims, has favored their religion by creating a Spiritual assembly at Orenburg. Empress Catherine II (The Great) had sent Tatar mullahs to the Kazakh steppes to establish Moslem institutions (mosques, religious schools, etc). This was aimed at gaining control over the Kazakh population. But reinforcement of Islam has led to rather opposite result and, as a consequence, Empire hardened towards Islam - the numbers of mosques and mullahs were reduced. It seemed to change upon arrival of the Soviets to the region, but only for a limited time, followed by anti-religious declarations of the Soviet Government and repressions at the end of 1920s, aiming to exterminate the influence of Islam once and forever. However during Second World War, under Stalin, Muslin spiritual institutions were once more re-established. They continued to function during the post-war era and collapse of USSR, being in the total support for the latter. Independence of Kazakhstan has provided an opportunity for the citizens to freely express their beliefs, and at the same time it led to the emerging of certain radical movements. From the years of 2000 the Kazakh government revises once again its policy on religion towards restriction. The history repeats itself? ; Les relations entre l'Etat et la religion sont déterminantes dans l'histoire de chaque pays. Au Kazakhstan, le statut de l'islam a varié au gré du régime sur place. Implanté en plusieurs vagues, commençant par la conquête arabe du sud du pays, puis officialisé par les Qarakhanides, la Horde d'Or sous le ...
Relations between the state and religion are determining in the history of every country. At Kazakhstan the status of Islam has largely depended on the ruling regime. Islam was brought to Kazakhstan in several waves, starting from the conquest of the country's south by Arabs. It was legalized by Qarakhanides, the Golden Horde under Khan Özbek and Kazakh clans and was further regularized with Russian colonization starting from XVIII century. Russian Empire, interested in attracting Muslims, has favored their religion by creating a Spiritual assembly at Orenburg. Empress Catherine II (The Great) had sent Tatar mullahs to the Kazakh steppes to establish Moslem institutions (mosques, religious schools, etc). This was aimed at gaining control over the Kazakh population. But reinforcement of Islam has led to rather opposite result and, as a consequence, Empire hardened towards Islam - the numbers of mosques and mullahs were reduced. It seemed to change upon arrival of the Soviets to the region, but only for a limited time, followed by anti-religious declarations of the Soviet Government and repressions at the end of 1920s, aiming to exterminate the influence of Islam once and forever. However during Second World War, under Stalin, Muslin spiritual institutions were once more re-established. They continued to function during the post-war era and collapse of USSR, being in the total support for the latter. Independence of Kazakhstan has provided an opportunity for the citizens to freely express their beliefs, and at the same time it led to the emerging of certain radical movements. From the years of 2000 the Kazakh government revises once again its policy on religion towards restriction. The history repeats itself? ; Les relations entre l'Etat et la religion sont déterminantes dans l'histoire de chaque pays. Au Kazakhstan, le statut de l'islam a varié au gré du régime sur place. Implanté en plusieurs vagues, commençant par la conquête arabe du sud du pays, puis officialisé par les Qarakhanides, la Horde d'Or sous le ...
Résumé Le soufisme est un courant mystique de l'islam, une voie spirituelle basée sur l'élévation de l'esprit et de l'âme et la recherche de la purification du cœur. Il a joué un rôle prépondérant dans la propagation de l'islam en Afrique subsaharienne, dont le Mali. Sa résistance au colonialisme, armée puis pacifique, le crédite pour jouer un rôle politique et social dans le Mali indépendant, bien que parfois contre le développement des mœurs sociales. L'objectif de cet article est de montrer la centralité du soufisme dans la propagation de l'islam dans le Mali précolonial, sans avoir eu nécessairement recours au « djihad ». La problématique de cette recherche s'articule autour de la rapidité et l'assertivité avec laquelle les Maliens ont adopté l'islam populaire. Nous émettons l'hypothèse que c'est d'abord la simplicité de la foi musulmane prônée par le soufisme par rapport à l'islam institutionnel et scripturaire qui en est la cause principale. Nous postulons ensuite que c'est également la forte ressemblance entre l'organisation hiérarchique des zaouias soufies et l'organisation hiérarchique païenne qui existaient au Mali qui ont affirmé la place de l'islam populaire dans les mœurs maliennes. Mots clés : Mali, soufisme, colonisation, indépendance, laïcité, charia. Abstract Sufism is a mystical current of Islam, a spiritual path based on the upliftment of mind and soul and the pursuit of purification of the heart. It played a major role in the spread of Islam in subSaharan Africa, including Mali. Its resistance to colonialism, armed at first then peaceful, gives it credit for playing a social and political role in independent Mali, although sometimes going against the development of social mores. The aim of this article is to show the centrality of Sufism in the propagation of Islam in precolonial Mali, without necessarily resorting to "djihad". The problematic of this research revolves around the speed and assertiveness with which Malians adopted popular Islam. We hypothesize that it is mainly due to the ...
International audience ; Le 20 février 2004, les deux quotidiens sénégalais Walfadjri et Sud Quotidien annonçaient, chacun en première page, la naissance du Parti de la Vérité pour le Développement (PVD) du guide mouride Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni 1. Les jours suivants, les murs de Dakar se couvrirent de slogans en faveur du parti du « marabout des jeunes » dont le mouvement religieux, le Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu, prétend regrouper plus de 500 000 fidèles 2. Lors de la dernière présidentielle du 25 février 2007, le leader religieux soutint ouvertement le candidat sortant, Abdoulaye Wade. Si l'alternance politique historique de mars 2000, qui amena ce dernier au pouvoir, montra qu'à cette époque, la volonté du « sopi 3 » était plus forte que tout ndigal 4 maraboutique 5 , il est intéressant de s'interroger sur cette volonté persistante de certains guides religieux de s'impliquer personnellement dans le jeu politique sénégalais. Par là, il est nécessaire d'analyser les véritables ambitions du leader mouride qui s'inscrit, dorénavant, dans la lignée des nouveaux entrepreneurs politico-religieux qui transforment considérablement le système confrérique sénégalais depuis une quinzaine d'années. Effectivement, pour être bien comprise, la récente politisation de Modou Kara Mbacké, ni surprenante ni innovante, doit être analysée en fonction du phénomène nouveau des mouvements néo-confrériques qui cherchent, par un enseignement de masse et une participation au champ politique, à réislamiser par le bas la société sénégalaise. Ces mouvements, confrériques quant à leur mode de fonctionnement et de légitimité, s'inspirent de l'islam réformiste contemporain du monde arabo-musulman, adaptent ces apports au contexte local et offrent alors de nouveaux types d'identités politico-religieuses. Comme le dit Ousmane Kane, ce sont des mouvements maraboutiques 1 Guide religieux mouride, plus communément appelé Modou Kara Mbacké ou Général Kara par ses fidèles. Il est né le 5 septembre 1954 (une autre version le fait naître le 6 janvier 1953) à Darou Mousti, village créé en 1912 par son grand-père Mame Thierno Birahim Faty Mbacké sur l'ordre du frère de ce dernier et père fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. Modou Kara Mbacké est président fondateur d'un mouvement islamique nommé Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu créé en 1995. 2 Ce chiffre ne repose sur aucune statistique. 15 à 20 000 personnes seraient inscrites comme membres du mouvement et cotiseraient régulièrement, mais la grande majorité des fidèles n'est pas dénombrée. Cf. entretien réalisé à Dakar le 22/02/2004 avec un responsable de commission. D'après ce que j'ai pu constater sur le terrain lors de mes nombreuses participations à des manifestations du mouvement, les fidèles de base sont des adolescents et des jeunes adultes, des deux sexes, souvent cadets sociaux même s'ils ont un travail. Les catégories professionnelles auxquelles ils appartiennent sont très variables : j'ai rencontré aussi bien des artisans, ouvriers, que des étudiants, jeune enseignants, etc. L'élite du mouvement est assez homogène, constituée de cadres supérieurs (universitaires, chefs d'entreprise, juristes, médecins…) dont la moyenne d'âge tourne autour de 35 à 40 ans environ. 3 Terme wolof désignant le changement. Autre dénomination du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) qui gagna l'élection présidentielle en 2000. 4 Terme wolof désignant un ordre religieux, utilisé ici pour parler des consignes de vote traditionnellement données par les religieux au Sénégal. 5 Momar Coumba Diop, Mamadou Diouf, Aminata Diaw, « Le baobab a été déraciné, l'alternance au Sénégal », in Politique Africaine, n°78, juin 2000, pp157-179.
International audience ; Le 20 février 2004, les deux quotidiens sénégalais Walfadjri et Sud Quotidien annonçaient, chacun en première page, la naissance du Parti de la Vérité pour le Développement (PVD) du guide mouride Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni 1. Les jours suivants, les murs de Dakar se couvrirent de slogans en faveur du parti du « marabout des jeunes » dont le mouvement religieux, le Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu, prétend regrouper plus de 500 000 fidèles 2. Lors de la dernière présidentielle du 25 février 2007, le leader religieux soutint ouvertement le candidat sortant, Abdoulaye Wade. Si l'alternance politique historique de mars 2000, qui amena ce dernier au pouvoir, montra qu'à cette époque, la volonté du « sopi 3 » était plus forte que tout ndigal 4 maraboutique 5 , il est intéressant de s'interroger sur cette volonté persistante de certains guides religieux de s'impliquer personnellement dans le jeu politique sénégalais. Par là, il est nécessaire d'analyser les véritables ambitions du leader mouride qui s'inscrit, dorénavant, dans la lignée des nouveaux entrepreneurs politico-religieux qui transforment considérablement le système confrérique sénégalais depuis une quinzaine d'années. Effectivement, pour être bien comprise, la récente politisation de Modou Kara Mbacké, ni surprenante ni innovante, doit être analysée en fonction du phénomène nouveau des mouvements néo-confrériques qui cherchent, par un enseignement de masse et une participation au champ politique, à réislamiser par le bas la société sénégalaise. Ces mouvements, confrériques quant à leur mode de fonctionnement et de légitimité, s'inspirent de l'islam réformiste contemporain du monde arabo-musulman, adaptent ces apports au contexte local et offrent alors de nouveaux types d'identités politico-religieuses. Comme le dit Ousmane Kane, ce sont des mouvements maraboutiques 1 Guide religieux mouride, plus communément appelé Modou Kara Mbacké ou Général Kara par ses fidèles. Il est né le 5 septembre 1954 (une autre version le fait naître le 6 janvier 1953) à Darou Mousti, village créé en 1912 par son grand-père Mame Thierno Birahim Faty Mbacké sur l'ordre du frère de ce dernier et père fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. Modou Kara Mbacké est président fondateur d'un mouvement islamique nommé Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu créé en 1995. 2 Ce chiffre ne repose sur aucune statistique. 15 à 20 000 personnes seraient inscrites comme membres du mouvement et cotiseraient régulièrement, mais la grande majorité des fidèles n'est pas dénombrée. Cf. entretien réalisé à Dakar le 22/02/2004 avec un responsable de commission. D'après ce que j'ai pu constater sur le terrain lors de mes nombreuses participations à des manifestations du mouvement, les fidèles de base sont des adolescents et des jeunes adultes, des deux sexes, souvent cadets sociaux même s'ils ont un travail. Les catégories professionnelles auxquelles ils appartiennent sont très variables : j'ai rencontré aussi bien des artisans, ouvriers, que des étudiants, jeune enseignants, etc. L'élite du mouvement est assez homogène, constituée de cadres supérieurs (universitaires, chefs d'entreprise, juristes, médecins…) dont la moyenne d'âge tourne autour de 35 à 40 ans environ. 3 Terme wolof désignant le changement. Autre dénomination du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) qui gagna l'élection présidentielle en 2000. 4 Terme wolof désignant un ordre religieux, utilisé ici pour parler des consignes de vote traditionnellement données par les religieux au Sénégal. 5 Momar Coumba Diop, Mamadou Diouf, Aminata Diaw, « Le baobab a été déraciné, l'alternance au Sénégal », in Politique Africaine, n°78, juin 2000, pp157-179.
International audience ; Le 20 février 2004, les deux quotidiens sénégalais Walfadjri et Sud Quotidien annonçaient, chacun en première page, la naissance du Parti de la Vérité pour le Développement (PVD) du guide mouride Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni 1. Les jours suivants, les murs de Dakar se couvrirent de slogans en faveur du parti du « marabout des jeunes » dont le mouvement religieux, le Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu, prétend regrouper plus de 500 000 fidèles 2. Lors de la dernière présidentielle du 25 février 2007, le leader religieux soutint ouvertement le candidat sortant, Abdoulaye Wade. Si l'alternance politique historique de mars 2000, qui amena ce dernier au pouvoir, montra qu'à cette époque, la volonté du « sopi 3 » était plus forte que tout ndigal 4 maraboutique 5 , il est intéressant de s'interroger sur cette volonté persistante de certains guides religieux de s'impliquer personnellement dans le jeu politique sénégalais. Par là, il est nécessaire d'analyser les véritables ambitions du leader mouride qui s'inscrit, dorénavant, dans la lignée des nouveaux entrepreneurs politico-religieux qui transforment considérablement le système confrérique sénégalais depuis une quinzaine d'années. Effectivement, pour être bien comprise, la récente politisation de Modou Kara Mbacké, ni surprenante ni innovante, doit être analysée en fonction du phénomène nouveau des mouvements néo-confrériques qui cherchent, par un enseignement de masse et une participation au champ politique, à réislamiser par le bas la société sénégalaise. Ces mouvements, confrériques quant à leur mode de fonctionnement et de légitimité, s'inspirent de l'islam réformiste contemporain du monde arabo-musulman, adaptent ces apports au contexte local et offrent alors de nouveaux types d'identités politico-religieuses. Comme le dit Ousmane Kane, ce sont des mouvements maraboutiques 1 Guide religieux mouride, plus communément appelé Modou Kara Mbacké ou Général Kara par ses fidèles. Il est né le 5 septembre 1954 (une autre version le ...
International audience ; Le 20 février 2004, les deux quotidiens sénégalais Walfadjri et Sud Quotidien annonçaient, chacun en première page, la naissance du Parti de la Vérité pour le Développement (PVD) du guide mouride Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni 1. Les jours suivants, les murs de Dakar se couvrirent de slogans en faveur du parti du « marabout des jeunes » dont le mouvement religieux, le Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu, prétend regrouper plus de 500 000 fidèles 2. Lors de la dernière présidentielle du 25 février 2007, le leader religieux soutint ouvertement le candidat sortant, Abdoulaye Wade. Si l'alternance politique historique de mars 2000, qui amena ce dernier au pouvoir, montra qu'à cette époque, la volonté du « sopi 3 » était plus forte que tout ndigal 4 maraboutique 5 , il est intéressant de s'interroger sur cette volonté persistante de certains guides religieux de s'impliquer personnellement dans le jeu politique sénégalais. Par là, il est nécessaire d'analyser les véritables ambitions du leader mouride qui s'inscrit, dorénavant, dans la lignée des nouveaux entrepreneurs politico-religieux qui transforment considérablement le système confrérique sénégalais depuis une quinzaine d'années. Effectivement, pour être bien comprise, la récente politisation de Modou Kara Mbacké, ni surprenante ni innovante, doit être analysée en fonction du phénomène nouveau des mouvements néo-confrériques qui cherchent, par un enseignement de masse et une participation au champ politique, à réislamiser par le bas la société sénégalaise. Ces mouvements, confrériques quant à leur mode de fonctionnement et de légitimité, s'inspirent de l'islam réformiste contemporain du monde arabo-musulman, adaptent ces apports au contexte local et offrent alors de nouveaux types d'identités politico-religieuses. Comme le dit Ousmane Kane, ce sont des mouvements maraboutiques 1 Guide religieux mouride, plus communément appelé Modou Kara Mbacké ou Général Kara par ses fidèles. Il est né le 5 septembre 1954 (une autre version le fait naître le 6 janvier 1953) à Darou Mousti, village créé en 1912 par son grand-père Mame Thierno Birahim Faty Mbacké sur l'ordre du frère de ce dernier et père fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. Modou Kara Mbacké est président fondateur d'un mouvement islamique nommé Mouvement Mondial pour l'Unicité de Dieu créé en 1995. 2 Ce chiffre ne repose sur aucune statistique. 15 à 20 000 personnes seraient inscrites comme membres du mouvement et cotiseraient régulièrement, mais la grande majorité des fidèles n'est pas dénombrée. Cf. entretien réalisé à Dakar le 22/02/2004 avec un responsable de commission. D'après ce que j'ai pu constater sur le terrain lors de mes nombreuses participations à des manifestations du mouvement, les fidèles de base sont des adolescents et des jeunes adultes, des deux sexes, souvent cadets sociaux même s'ils ont un travail. Les catégories professionnelles auxquelles ils appartiennent sont très variables : j'ai rencontré aussi bien des artisans, ouvriers, que des étudiants, jeune enseignants, etc. L'élite du mouvement est assez homogène, constituée de cadres supérieurs (universitaires, chefs d'entreprise, juristes, médecins…) dont la moyenne d'âge tourne autour de 35 à 40 ans environ. 3 Terme wolof désignant le changement. Autre dénomination du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) qui gagna l'élection présidentielle en 2000. 4 Terme wolof désignant un ordre religieux, utilisé ici pour parler des consignes de vote traditionnellement données par les religieux au Sénégal. 5 Momar Coumba Diop, Mamadou Diouf, Aminata Diaw, « Le baobab a été déraciné, l'alternance au Sénégal », in Politique Africaine, n°78, juin 2000, pp157-179.
Seul un point de vue substantialiste et culturaliste permet de parler de " justice en islam " ou de " conception islamique de la justice ". Il faut au minimum constater que les théories et les dogmes sont nuancés, voire divergents. Au-delà du discours religieux, il faut aussi prendre la mesure de ce que la justice est une pratique dont les contours auraient bien du mal à entrer dans un cadre rigide. On distinguera donc la question de la justice en tant que pratique discursive, d'une part, telle qu'elle trouve à s'énoncer, se déployer, s'interpréter et se transformer dans la prédication coranique (Qur'ân) et la tradition prophétique (Sunna), leurs exégèses, la théorie des fondements du droit islamique (usûl al-fiqh) et les différents traités de philosophie politique et morale ou de bonne gouvernance ; et, d'autre part, la justice comme pratique propre à des institutions, entre autres judiciaires, qui sont établies dans le contexte historique et géographique de sociétés majoritairement musulmanes et dont l'organisation se fait explicitement par référence à l'islam.
Seul un point de vue substantialiste et culturaliste permet de parler de " justice en islam " ou de " conception islamique de la justice ". Il faut au minimum constater que les théories et les dogmes sont nuancés, voire divergents. Au-delà du discours religieux, il faut aussi prendre la mesure de ce que la justice est une pratique dont les contours auraient bien du mal à entrer dans un cadre rigide. On distinguera donc la question de la justice en tant que pratique discursive, d'une part, telle qu'elle trouve à s'énoncer, se déployer, s'interpréter et se transformer dans la prédication coranique (Qur'ân) et la tradition prophétique (Sunna), leurs exégèses, la théorie des fondements du droit islamique (usûl al-fiqh) et les différents traités de philosophie politique et morale ou de bonne gouvernance ; et, d'autre part, la justice comme pratique propre à des institutions, entre autres judiciaires, qui sont établies dans le contexte historique et géographique de sociétés majoritairement musulmanes et dont l'organisation se fait explicitement par référence à l'islam.
Seul un point de vue substantialiste et culturaliste permet de parler de " justice en islam " ou de " conception islamique de la justice ". Il faut au minimum constater que les théories et les dogmes sont nuancés, voire divergents. Au-delà du discours religieux, il faut aussi prendre la mesure de ce que la justice est une pratique dont les contours auraient bien du mal à entrer dans un cadre rigide. On distinguera donc la question de la justice en tant que pratique discursive, d'une part, telle qu'elle trouve à s'énoncer, se déployer, s'interpréter et se transformer dans la prédication coranique (Qur'ân) et la tradition prophétique (Sunna), leurs exégèses, la théorie des fondements du droit islamique (usûl al-fiqh) et les différents traités de philosophie politique et morale ou de bonne gouvernance ; et, d'autre part, la justice comme pratique propre à des institutions, entre autres judiciaires, qui sont établies dans le contexte historique et géographique de sociétés majoritairement musulmanes et dont l'organisation se fait explicitement par référence à l'islam.