Être libre de soi : la critique du moi dans l'œuvre de Gilles Deleuze
The specifications of subjectivity are cumbersome and sometimes contradictory. A large part of contemporary philosophy has set itself the task of de-substantialising and de-anthropologising the subject, of questioning its supremacy and its founding function. The importance of this critique in Deleuze's work is evident from his research on empiricism and continues to be so until his last writings with Guattari. The present work is first and foremost a conceptual and systematic reconstruction of what is scattered throughout Deleuze's work. This has involved restoring contexts, clarifying hypotheses, uncovering the implicitness of the discourse and the unwritten controversies. But the dissertation also pursues a goal of its own. First of all theoretical, of course: to show that it is logically possible to support the downfall of the ego. Then practical: to describe our singular existences, both in their material and spiritual aspects, in a different way than that of the subject. For this reason, we were gradually led to a series of ethical and political considerations, especially in the era of globalisation and infinite extension of capitalism. Faced with the ruin of classical spiritual expressions, with the unravelling of the symbolic institution, with ecological catastrophe, Deleuze and Guattari ask themselves how to produce future subjectivities without falling into the archaic return to the old systems of conviction. How can we account for the creation of modes of existence that emerge within the dominant forms, and against these forms? If the answer to this question must consider the respective dangers of humanism and anti-humanism, it seemed to us that it should also depend on the mapping of the equipment (individual as well as collective) producing subjectivity. In the final analysis, the search for a life that would go beyond the bonds of subjectivity remains an apprenticeship that is both difficult and dangerous, and explains the ambiguity - consciously maintained - of Gilles Deleuze's work in this respect. ; Le cahier des charges de la subjectivité est lourd et parfois contradictoire. Une grande part de la philosophie contemporaine s'est donnée pour tâche de désubstantialiser et de désanthropologiser le sujet, de remettre en question sa suprématie et sa fonction fondatrice. L'importance de cette critique chez Deleuze apparaît en pleine lumière dès ses recherches sur l'empirisme et perdure jusqu'aux derniers écrits avec Guattari. Le présent travail constitue d'abord une restitution systématique de ce qui, conceptuellement, se présente de manière éparse dans l'œuvre de Deleuze. Cela a impliqué de restituer les contextes, préciser les hypothèses, mettre au jour l'implicite du discours et les controverses qu'il mène en sous-main. Mais la thèse poursuit aussi un but propre. D'abord théorique bien sûr : montrer qu'il est possible logiquement de soutenir la perte de l'ego. Ensuite pratique : décrire autrement que par le sujet nos existences singulières, tant dans leur aspect matériel que spirituel. Ce pourquoi, nous étions peu à peu amenés à une série de considérations éthiques et politiques, en particulier à l'époque de la mondialisation et de l'extension infinie du capitalisme. Face à la ruine des expressions spirituelles classiques, face à l'effilochement de l'institution symbolique, face à la catastrophe écologique, Deleuze et Guattari se demandent comment produire des subjectivités de demain sans tomber dans le retour archaïque aux anciens systèmes de conviction. Comment rendre compte de la création des modes d'existence qui émergent au sein des formes dominantes, et contre ces formes ? Si la réponse à cette question doit considérer les dangers respectifs de l'humanisme et de l'antihumanisme, elle nous a semblé devoir dépendre aussi de la cartographie des équipements producteurs de subjectivité, équipements individuels autant que collectifs. En dernière instance, la recherche d'une vie qui dépasserait les carcans de la subjectivité reste un apprentissage à la fois difficile et dangereux, et explique l'ambiguïté – consciemment maintenue – de l'œuvre de Gilles Deleuze à cet égard. ; (ISP - Institut supérieur de philosophie) -- UCL, 2021