Enjeux et usages de la « crise » dans la philosophie universitaire en France au tournant du siècle
In: Annales: histoire, sciences sociales, Band 40, Heft 2, S. 377-409
ISSN: 1953-8146
« Et Monsieur Boutrouxconclut avec une énergiquedouceur : comment vivrait-onsans philosophie ? »Dans un essai sur la situation de la philosophie française contemporaine, Jacques Bouveresse remarque que les considérations métaphilosophiques sur la crise, voire sur la mort de la philosophie constituent aujourd'hui une sorte de thème obligé : « On a l'habitude de dire, écrit-il, que la philosophie est, d'une certaine manière, en état de crise permanente. Mais c'est justement une manière de constater que le terme de 'crise', lorsqu'on l'utilise à son sujet, perd pratiquement toute espèce de signification ». L'affirmation selon laquelle la philosophie n'en finirait pas de finir, qui va d'ailleurs souvent de pair avec l'annonce de sa résurrection périodique, n'est assurément pas un trait distinctif de la philosophie française. Même si les références à la crise et à la mort constituent aujourd'hui des banalités et si certains universitaires savent gérer cette crise de façon paisible et prospère, il n'en reste pas moins que le thème de la fin de la philosophie a été central depuis le xixe siècle, sous des modes divers et sans doute opposés. La Crise des sciences européennes de Husserl constitue le meilleur exemple de diagnostic de la crise et présente le programme le plus achevé de restauration de l'unité et de la fonction perdues des discours philosophiques.