Cet article reprend l'histoire de Marguerite Amman, 86 ans, cliente d'un service de soins et d'aide à domicile. Il montre comment l'organisation de soins va se jouer contre elle, parce que, d'une part, les tâches et les responsabilités sont fractionnées et que, d'autre part, il y a une disjonction entre les problèmes évoqués par Marguerite et ceux repérés par le système d'analyse informatisé.
Dans ce texte, l'autrice reprend des éléments de sa trajectoire de sociologue et d'infirmière en mettant en évidence la matérialité des corps malades et souillés dont les femmes des familles et les soignantes professionnelles ont la charge. Sans esquive, elle montre que ce face-à-face des corps, indispensable pour celui ou celle qui nécessite de l'aide, est difficile et souvent ignoré.
Fondé sur l'étude du cas valaisan (Suisse), cet article rendra compte de l'aide à domicile accordée par des proches à un parent âgé dépendant et de son placement définitif en maison de retraite. Dans un premier temps, l'accent portera sur les aspects problématiques de l'aide. Les impératifs de survie quotidienne d'un des membres du collectif de résidence menacent dans certains cas la survie symbolique du groupe. Une fois les limites de l'aide à domicile atteintes, le placement du parent âgé est sans alternative et sera définitif. Dans un deuxième temps, une modalité d'entrée en institution sera examinée. Franchir le seuil de la maison de retraite s'apparente à un rite familial – un repas d'accueil – organisé par l'établissement. De par la proximité avec la mort, ce repas d'accueil revêt les attributs d'un repas funéraire et remet au premier plan la dimension symbolique du groupe de filiation. Dans un troisième temps, l'analyse d'une pratique soignante – « faire l'entrée » – nous renseignera sur la nécessité de réécrire l'histoire du résident. Bien qu'ils s'en défendent, les soignants remplacent les proches, jusqu'au moment de la séparation définitive. Mais surtout, en rétablissant la continuité menacée, ils restaurent une possible inscription de ceux-ci dans la lignée. Du domicile à l'entrée en maison de retraite, deux logiques collectives coexistent sans s'opposer : la logique de la survie quotidienne des vivants et celle de la continuité symbolique avec les morts.
À l'approche de la retraite, deux sociologues de la vieillesse dialoguent sur leur parcours respectif, personnel, professionnel et scientifique. Au cours de leurs échanges, elle et lui reviennent sur la manière dont ils ont pratiqué la sociologie et étudié le vieillissement, particulièrement sur la place accordée aux soins, au langage et à la critique des catégories. L'article se termine sur la façon dont elle et lui poursuivent leurs trajectoires de sociologues sous d'autres formes, avec le même engagement.
Le monastère vieillit, la proportion de ses membres âgés augmente de façon significative. Moines et moniales sont aux prises avec une gageure : tenir pour vieillir et mourir dans leurs murs, sans faire porter la charge aux plus jeunes ou décourager les personnes qui seraient attirées par ce type d'engagement. La ligne de crête est ténue. La vieillesse et la mort obligent un devoir faire ensemble qui, à défaut d'être nouveau, demande aujourd'hui d'être vécu au prisme de normes gérontologiques et palliatives actuelles. Si la mort offre l'opportunité de renforcer l'idéal communautaire, elle renvoie aussi simultanément à l'amenuisement de ces collectifs. Cet article veut questionner la vieillesse et les lieux du mourir sur la base d'une étude ethnographique en cours sur le vieillissement des communautés contemplatives en Suisse romande et en Bourgogne Franche-Comté française.
Cet article se propose d'interroger les solidarités familiales à l'aune du vieillissement des congrégations religieuses féminines. Il est issu d'une enquête ethnographique sur la transformation de parties de couvents en maisons de retraite médicalisées gérées par un personnel laïc. Les résultats nous donnent l'occasion d'aborder les tensions qui prévalent entre l'autorité de l'Église et les figures fondatrices des congrégations ; entre les hiérarchies internes au couvent et les trajectoires hors norme des religieuses ; entre le profil de religieuse et celui de résidente âgée en maison de retraite. Pour chaque niveau, l'analyse permet de remettre en question les représentations, généralement défavorables, que l'on peut avoir des religieuses. C'est le cas aussi des professionnelles des soins en charge des résidentes, qui considèrent les engagements de ces dernières uniquement comme le résultat de diverses soumissions. Aussi, le savoir-faire et la réappropriation du pouvoir par les religieuses dans le but d'agir pour leur famille congrégationnelle ne sont pas compris comme pouvant servir de leviers aux causes féministes.
In: Lien social et politiques: revue internationale et interdisciplinaire de sciences humaines consacrée aux thèmes du lien social, de la sociabilité, des problèmes sociaux et des politiques publiques, Heft 79, S. 73-92
En Suisse comme en France, les communautés catholiques apostoliques de religieuses vieillissent. Lorsque le grand âge affecte l'autonomie des membres des congrégations, le recours à des professionnelles des soins est indispensable. Notre article se base sur une étude sociologique menée en Suisse et en France qui analyse la transformation de couvents de religieuses catholiques en maisons de retraite. Ces transformations nécessitent des arrangements quotidiens entre les religieuses et les équipes de soins. Mais ce pragmatisme des acteurs en présence, visant à maintenir entre eux des bonnes relations, implique une renégociation du niveau d'exigence de la vie religieuse communautaire.
Dans la population des maisons de retraite médicalisées, les couples de résidents âgés font figure d'exception. Pour les professionnelles de l'animation, ils revêtent une fonction prioritaire. Ils symbolisent une conjugalité idéale et durable. À ce titre, ils contrecarrent la rupture et la mort. Marquée du sceau du domestique, la conjugalité masque et révèle simultanément le caractère total résiduel de l'institution. Figures emblématiques du nouveau « lieu de vie », les couples âgés ont pour mission, malgré eux, de réenchanter l'établissement de soins.