Résumé Cet article explore la diversité des rencontres entre médecins, patients et entourages dans deux services hospitaliers posant des diagnostics de maladie d'Alzheimer. Les observations de consultations sont éclairées par des entretiens, par l'analyse statistique de dossiers médicaux, et textuelle des réponses aux deux premières questions de l'enquête Handicaps-incapacités-dépendance. Les transactions autour des mots – le mot « mémoire » en particulier – révèlent des affinités entre médecins et profanes, mais aussi des malentendus et des attentes déçues.
Comment se jouent, dans l'entourage familial, les décisions autour d'une personne âgée dont l'autonomie commence à poser problème ? Ce texte propose d'explorer les logiques à l'oeuvre derrière une démarche particulière : le recours à une expertise médicale pour des troubles cognitifs, dans le cadre de la « consultation mémoire » d'un service hospitalier. Au cours d'une enquête ethnographique, on est parti de l'observation des interactions profanes/professionnels, lors des consultations, pour chercher ensuite à les compléter par des entretiens hors du cadre médical, avec plusieurs membres de l'entourage de la personne âgée. On prête une attention particulière aux « théories diagnostiques » formulées par les membres de l'entourage non professionnel, en veillant à mettre en évidence leur diversité (plusieurs théories divergentes pouvant coexister au sein d'une même famille et au sujet d'une même personne). L'étude d'un cas particulier montre que les théories des uns et des autres se construisent à travers des jeux de caractérisation sociale déterminés par l'histoire des relations familiales, tout en étant intimement liées aux intentions de prise en charge. Les décisions prises par la suite autour de la personne âgée dépendent de rapports de force entre les différentes théories diagnostiques mais également de la façon dont l'expertise médicale a été introduite et utilisée dans l'entourage familial.
Résumé Cet article explore les usages quantitatifs et ethnographiques offerts par l'exploitation de dossiers personnels. Soucieuses de réfléchir aux enjeux éthiques posés par ces matériaux confidentiels, les deux contributions (s'appuyant l'une sur des dossiers de carrière de fonctionnaires, l'autre sur des dossiers médicaux) montrent que ceux-ci permettent d'analyser les formes institutionnelles de traitement des individus ou, plus exactement, les modalités proprement scripturales de l'encadrement institutionnel. Ces dossiers témoignent également des formes individuelles d'appropriation des logiques institutionnelles.
Les déclarations de problèmes de santé recueillies en toutes lettres dans l'enquête nationale « Handicaps-Incapacités-Dépendance » de 1999 donnent accès à la multitude des manières de les énoncer. Une analyse textuelle de ces données permet de montrer que les déclarations varient en fonction du milieu social, illustrant la notion de culture somatique forgée par Luc Boltanski. Il est cependant possible d'aller au-delà de ce premier constat et de montrer que ces manières de dire sont indissociablement des manières de penser la maladie, appelées ici théories diagnostiques. En prenant les exemples du handicap mental et des troubles de type Alzheimer, cet article souligne l'intérêt de prendre en compte d'autres facteurs, en particulier la construction sociale et morale des pathologies, les configurations de prise en charge propres à chaque secteur médico-social, mais aussi les configurations familiales qui font varier les enjeux liés aux modes d'organisation quotidienne.
Résumé Pour comprendre ce qui se joue dans la caractérisation d'un problème de santé en tant que handicap psychique, les cas-frontières sont particulièrement instructifs. Nous proposons de creuser, à travers l'analyse de cas ethnographiques, les frontières que la notion de handicap psychique entretient avec le handicap mental d'un côté, le handicap cognitif de l'autre. À partir d'une réflexion sur la genèse des catégories médico-administratives utilisées dans ces domaines et de l'exposé détaillé de deux cas, portant l'un sur une adolescente dite handicapée mentale, l'autre sur une personne âgée ayant eu recours à une consultation « mémoire », nous proposons de mettre en question les liens entre classes d'âges et classes de pathologies. La confrontation de la genèse des catégories médico-administratives et des catégories pratiques, c'est-à-dire effectuées par les personnes qui sont directement aux prises avec un problème de santé handicapant, permet d'interroger la notion de handicap psychique à partir de ses marges, là où se brouille l'évidence médicale et où les conflits de définition entre différents acteurs sont les plus nombreux.
Cet article rend compte de l'expérience de professionnelles intervenant au domicile de personnes âgées, au début de l'épidémie de Covid-19 en France, en mettant en regard deux contextes : la gestion de cas dans un dispositif MAIA et la kinésithérapie en libéral. Cette recherche a été menée conjointement par deux professionnelles et une sociologue, depuis la collecte de données (entretiens et récits de pratiques de mars à juin 2020) jusqu'à l'analyse et l'écriture. Nous analysons les épreuves vécues dans cette période marquée par le confinement, le risque sanitaire, les incertitudes et la pénurie de moyens. Les professionnelles ont dû arbitrer sur l'arrêt ou la reprise des visites à domicile, adapter leurs pratiques et leurs missions pour soigner et accompagner à distance, répondre à l'isolement et aux difficultés sanitaires et sociales accrues des personnes. Cependant, les difficultés vécues au quotidien n'ont pas été créées uniquement par la pandémie mais ont révélé des enjeux structurels propres à ces métiers. La crise sanitaire a mis en lumière leur rôle indispensable, ouvrant des possibilités de reconnaissance, de nouveaux projets et partenariats ; dans le même temps, les hiérarchies entre groupes professionnels ont été exacerbées, certaines actions invisibilisées ; les restructurations en cours dans les secteurs sanitaire et médico-social ont fortement contraint le champ des possibles.
France ? Dans le cas des personnes âgées, la solidarité familiale est encadrée par la règle légale de l'obligation alimentaire, qui permet à une personne ne pouvant subvenir seule à ses besoins de faire appel à l'aide financière de certains de ses parents. Il existe par ailleurs d'autres sources légales de définition de la parenté, notamment les règles successorales. Dans quelle mesure ces définitions et principes légaux de la parenté font-ils l'objet d'une intériorisation morale ? Comment s'articulent-ils avec la diversité des pratiques familiales mises en évidence par les investigations sociologiques et anthropologiques sur la parenté ? On utilise les résultats de l'enquête Medips, construite à partir d'un échantillon de personnes âgées souffrant de troubles cognitifs et de leur entourage. On s'appuie d'une part sur l'exploitation de questions d'opinion, d'autre part sur l'analyse du déroulement de l'enquête. Les personnes interrogées qui apportent une aide financière à leur parent se montrent plus favorables à une intervention forte de l'État, par opposition à la seule solidarité familiale. Ce résultat rappelle l'intérêt, pour les enquêtes statistiques, d'interroger des personnes pour lesquelles les questions font écho à des situations pratiques et donc font sens. Concernant les modalités de mise en oeuvre de la solidarité familiale (qui doit s'impliquer ? de quelle manière ?), plusieurs facteurs jouent un rôle significatif : la génération ; le fait, pour un enfant de personne dépendante, d'être soi-même parent ; les revenus de la personne âgée et de l'enquêté ; le fait de se déclarer proche de la personne âgée ; le genre. Les femmes, plus souvent favorables à l'implication familiale et soumises à une plus forte injonction de s'investir, sont cependant plus souvent opposées à la rémunération de l'aide et à la prise en compte des revenus de l'entourage dans l'attribution des prestations sociales.
Avec le déploiement et l'approfondissement de la démocratie en santé, la formalisation du consentement des personnes accompagnées est progressivement devenue un impératif avec lequel les professionnels de la dépendance des personnes âgées travaillent quotidiennement. Mais l'obtention du consentement n'est pas un impératif abstrait. Pris dans des enjeux concrets relatifs à la fois au respect des volontés de la personne – volontés parfois difficiles à cerner, en particulier lorsque ses capacités sont considérées comme étant altérées – et à l'organisation de l'offre de services qui peut lui être proposée, ce consentement relève d'un travail de construction, qui se réalise au fil des interactions de la relation d'aide et de soins. C'est à cette construction progressive et continue du consentement dans différents terrains du monde gérontologique qu'est consacré cet article.
The purpose of this article is to describe the subjective experience of the diagnosis of Attention Defi ci t and Hyperacti vi ty Di sorder (ADHD) and the cul tural meani ngs that shape thi s experience. Based on interviews and discussion groups with diagnosed people and their families in Chil e and France, this articl e show that ADHD can acquire multiple meanings. From a thematic analysis, we identified three registers or ways of living and thinking about ADHD. In the deficit register, the disorder is experienced primarily as a failure of certain abilities. In the disruption register, the disorder is experienced as disrupting the person's life, personality and interactions, which must then be normalized. In the register of hidden potential, on which this article focuses, ADHD is simultaneously thought of as a difficult and valuable condition, a source of exceptional capacities that are often hidden in the ordinary functioning of social life. We therefore invite reflection that identifies the factors of mobilization or non-mobilization of the hidden potential register, with particular emphasis not only on relational configurations, socio-economic variables, and the gender variable, but also on the institutional and political context of each country. ; O objetivo deste artigo é descrever a experiência subjetiva do diagnóstico de Transtorno do Déficit de Atenção com Hiperatividade (TDAH) e os significados culturais que moldam essa experiência. Com base em entrevistas e grupos de discussão com pessoas diagnosticadas e suas famílias no Chile e na França, este artigo demonstra que diversos significados podem ser atribuídos ao TDAH. A partir de análise temática, foram identificados três registros ou modos de viver e pensar TDAH. No registro déficit, o transtorno é vivenciado primariamente como falha de certas habilidades. No registro distúrbio, o transtorno é vivenciado como uma perturbação da vida pessoal, personalidade e interações que necessita ser normalizada. No registro de potencial oculto, foco deste artigo, TDAH é considerado simultaneamente condição difícil e valiosa, fonte de capacidades excepcionais que estão habitualmente ocultas no andamento comum da vida social. Portanto, propõe-se refletir e identificar os fatores de mobilização e não mobilização do registro de potencial oculto, com particular ênfase não só nas configurações relacionais, variáveis socioeconômicas e de gênero, mas também no contexto institucional e político de cada país.
The purpose of this article is to describe the subjective experience of the diagnosis of Attention Deficit and Hyperactivity Disorder (ADHD) and the cultural meanings that shape this experience. Based on interviews and discussion groups with diagnosed people and their families in Chile and France, this article show that ADHD can acquire multiple meanings. From a thematic analysis, we identified three registers or ways of living and thinking about ADHD. In the deficit register, the disorder is experienced primarily as a failure of certain abilities. In the disruption register, the disorder is experienced as disrupting the person's life, personality and interactions, which must then be normalized. In the register of hidden potential, on which this article focuses, ADHD is simultaneously thought of as a difficult and valuable condition, a source of exceptional capacities that are often hidden in the ordinary functioning of social life. We therefore invite reflection that identifies the factors of mobilization or non-mobilization of the hidden potential register, with particular emphasis not only on relational configurations, socio-economic variables, and the gender variable, but also on the institutional and political context of each country.
Abstract The purpose of this article is to describe the subjective experience of the diagnosis of Attention Deficit and Hyperactivity Disorder (ADHD) and the cultural meanings that shape this experience. Based on interviews and discussion groups with diagnosed people and their families in Chile and France, this article show that ADHD can acquire multiple meanings. From a thematic analysis, we identified three registers or ways of living and thinking about ADHD. In the deficit register, the disorder is experienced primarily as a failure of certain abilities. In the disruption register, the disorder is experienced as disrupting the person's life, personality and interactions, which must then be normalized. In the register of hidden potential, on which this article focuses, ADHD is simultaneously thought of as a difficult and valuable condition, a source of exceptional capacities that are often hidden in the ordinary functioning of social life. We therefore invite reflection that identifies the factors of mobilization or non-mobilization of the hidden potential register, with particular emphasis not only on relational configurations, socio-economic variables, and the gender variable, but also on the institutional and political context of each country.