Dès l'automne 1940, François de Menthon publie le journal clandestin Liberté poussant à la Résistance contre l'occupant nazi. Procureur au procès de Nuremberg, ce Savoyard a été un des artisans du programme politique du CNR. Sa mémoire a été hélas oubliée et mériterait d'être rappelée car il fut un vrai combattant de la liberté.
« Comme tous les "pupilles de la nation", je suis un enfant de la guerre. » Ainsi l'auteur introduit-il son récit. Après avoir été enfant de troupe à l'âge de dix ans, puis avoir fait une carrière militaire complète de cinquante ans sous l'uniforme, il pose la question de savoir si, « né de la guerre », il n'aurait pas été « élevé pour la guerre », ce qui l'aurait « voué à la guerre ». D'emblée, il suggère que la réponse « s'accommode mal des idées reçues ». De fait, son récit est celui de l'unité d'une vie marquée par l'amour de la France et le culte de ses valeurs fondatrices. Un amour et un culte inspirés par l'exemple de son père et de son oncle, tous deux Résistants, morts pour la France ; un amour et un culte nourris et vivifiés d'abord à l'école-classe unique de son village, puis à l'École militaire préparatoire d'Autun des années 1950-1960, dans l'ambiance hors normes héritée du « maquis des enfants de troupe » dix ans plus tôt ; un amour et un culte qui ont éclairé une carrière de cinquante ans sous l'uniforme.
En 1991, quand disparaît l'Union soviétique et, avec elle, le monde bipolaire, la France, pour la première fois de son histoire contemporaine, ne se connaît plus d'ennemi. Dans le même temps, pourtant, ses soldats se trouvent engagés, comme jamais auparavant depuis trois décennies, dans des conflits inextricables. Quel sens peut avoir cet engagement quand la « survie de la nation » n'est plus en jeu ? En 1999, un document intitulé « L'exercice du métier des armes dans l'armée de terre », sous la signature du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Mercier, veut y répondre. Face à la violence déchaînée, il établit la légitimité de l'usage de la force dont l'armée est investie au nom de la nation, une force efficiente, maîtrisée, en référence à nos valeurs de civilisation, fondatrices de la France. Aujourd'hui a ressurgi l'ennemi, au cœur même de nos sociétés. Les principes énoncés voici bientôt deux décennies en seraient-ils invalidés ?
Avec la professionnalisation et l'engagement de l'armée loin du territoire national, alors même que la France ne se connaissait plus d'ennemi, se révélait la spécificité du métier des armes : un rapport singulier avec la mort, non pas tant la mort à laquelle le soldat est exposé que celle qu'il peut être conduit à donner. Cette capacité singulière, à vrai dire extravagante puisqu'à rebours de nos valeurs de civilisation, était véritablement générique, notamment en matière d'éthique. Rédigé voici bientôt vingt ans, le texte reproduit ici est la réflexion que livre le commandant de la circonscription militaire de défense de Besançon/7 e db , le général Jean-René Bachelet, en décembre 1997. Nous sommes là, déjà, au cœur du sujet de ce numéro et cette réflexion n'a pas pris une ride, quand bien même a ressurgi l'ennemi.
Des décennies durant, jusqu'à l'implosion de l'Union soviétique et la fin du monde bipolaire, le système de défense de la France a été marqué par une cohérence sans faille apparente entre une doctrine fondée sur la dissuasion nucléaire et une organisation des forces, leur équipement et leurs procédés tactiques, lesquels, tous ensemble, faisaient écho à la « menace » exercée sur la « survie de la nation » par « l'ennemi conventionnel ». Cet ennemi était décrit par le menu dans les manuels : il était générique en tout. Le paradoxe était que la mise en œuvre effective de ce système devait rester virtuelle, sauf à signer l'échec de la dissuasion. Rarement sans doute l'esprit de système se sera imposé en matière de défense aussi largement et aussi durablement.
Que commande l'honneur ? Lutter jusqu'à la mort – la sienne et celle de ses subordonnés ? Cesser le combat dès lors que cette mort serait dénuée de sens ? Plus encore, la situation étant à coup sûr sans issue, prendre sur soi cette décision de façon que soit au mieux préservée la vie de ses subordonnés ? La réponse à la question semble évoluer dans l'histoire.
Dans l'inconscient national, le régime de Vichy, du fait de ses compromissions dans la collaboration avec l'occupant nazi et de ses égarements dans la « Révolution nationale », demeure une plaie profonde qui n'a cessé de fragiliser la cohésion du tissu national, dont le patriotisme est le ciment. Comment, dans un monde qui a tant changé, des événements vieux de sept décennies peuvent-ils garder quelque actualité ? Tout simplement dans le fait qu'alors, clairement, entre l'« État Français » d'une part, la France libre et la Résistance d'autre part, se sont affrontées deux conceptions de la France, radicalement contrastées, dans une lutte où la survie même de la nation était en cause. Leur mise en évidence reste plus éclairante que jamais pour une juste compréhension de ce que nous appelons la France, comme lieu d'un « vouloir vivre ensemble » susceptible d'inspirer le « patriotisme » au-delà des clivages de toutes natures.
Les cérémonies profanes' commémoratives et « patriotiques », sont affectées d'un paradoxe : elles n'ont jamais été aussi nombreuses mais ne rassemblent qu'un public restreint. Les efforts ne manquent pourtant pas pour y convier les populations. Pour que ces efforts ne soient pas vains, deux conditions nécessaires, sinon suffisantes, sont à réunir : que la cérémonie soit porteuse de sens – une claire conception de ce sens par les initiateurs est un préalable à toute organisation de cérémonie – et que ce sens soit exprimé de telle sorte que la cérémonie à la fois parle à l'entendement du public et suscite son émotion ; c'est le but du cérémonial.
Le Statut général des militaires a fait l'objet d'une nouvelle rédaction en 2005. La presse en a rendu compte en croyant devoir souligner une disposition présentée comme une grande nouveauté : les militaires se seraient vu désormais reconnaître le droit et même le devoir de désobéir. Or, l'auteur en porte témoignage, ces dispositions sont apparues dès 1966, avec le Règlement de discipline générale venu alors se substituer à celui de 1933. Elles ont été confirmées par le Statut général des militaires de 1972, dans des termes que la nouvelle rédaction de 2005 n'a fait que confirmer.
La bravoure est l'expression par excellence du courage militaire. Célébrée au cours des siècles, volontiers sur le mode épique, elle est, dans l'armée de terre, au cœur d'un curieux paradoxe. Sa célébration est plus actuelle que jamais ; à cet égard, les cérémonies annuelles marquant le souvenir des combats de Sidi-Brahim pour les chasseurs, de Camerone pour la Légion étrangère et de Bazeilles pour les troupes de marine ne cessent de magnifier cette bravoure reçue en héritage pour en faire une source d'inspiration pour les générations nouvelles. Et pourtant, le mot est presque tombé en désuétude. Comment comprendre ce paradoxe ? La bravoure ne reste-t-elle pas pourtant la vertu cardinale du soldat ?
La bravoure est l'expression par excellence du courage militaire. Célébrée au cours des siècles, volontiers sur le mode épique, elle est, dans l'armée de terre, au cœur d'un curieux paradoxe. Sa célébration est plus actuelle que jamais ; à cet égard, les cérémonies annuelles marquant le souvenir des combats de Sidi-Brahim pour les chasseurs, de Camerone pour la Légion étrangère et de Bazeilles pour les troupes de marine ne cessent de magnifier cette bravoure reçue en héritage pour en faire une source d'inspiration pour les générations nouvelles. Et pourtant, le mot est presque tombé en désuétude. Comment comprendre ce paradoxe ? La bravoure ne reste-t-elle pas pourtant la vertu cardinale du soldat ?
Loin des clichés qui voient en l'armée, et plus particulièrement l'armée de terre, l'institution conservatrice par excellence, nul autre corps de l'État n'a connu d'aussi profondes restructurations et transformations, pratiquement sans répit au cours du demi-siècle écoulé. Aux deux ruptures géostratégiques qu'ont été, en 1962, le repli sur l'Hexagone après la fin du conflit algérien et, en 1989-1991, l'implosion du système communiste et la fin du monde bipolaire, ont succédé des périodes de nécessaires adaptations, parfois chaotiques, dans la recherche d'une cohérence globale du modèle d'armée toujours ardemment désirée. Au cours de ce demi-siècle, l'armée de terre aura changé de nature, certes en se professionnalisant, mais aussi en étant désormais cantonnée dans sa seule fonction d'outil de combat alors qu'elle était historiquement en charge d'un vaste « tissu militaire national » au bénéfice de l'ensemble du ministère de la Défense. En quoi les profondes transformations en cours s'en trouvent-elles éclairées ? Cette rétrospective veut y concourir.
La guerre n'est pas un sport et le sport n'est pas la guerre. Dans l'un, des règles partagées, dans l'autre, la malignité de l'homme en action. Pour autant, le sport est nécessairement une composante de la formation du soldat et à l'éthique du sport fait écho une éthique encore plus exigeante : celle du métier des armes.