En cette période de mutations sociales, les politiques publiques en direction des jeunes en difficulté sont au centre de nombreux débats, qu'il s'agisse des politiques qui s'adressent aux jeunes repérés nominativement sous mandat (certaines politiques sociales, les politiques judiciaires, éducatives sous contrôle judiciaire, pénitentiaires) ou de celles qui visent un public plus large (les politiques de l'aide sociale à l'enfance, d'animation sociale et culturelle, de formation professionnelle, d'insertion sociale et professionnelle, de lutte contre la toxicomanie, de santé, de rénovation de l'habitat...), les secondes ayant pour objectif affiché d'éviter la prise en charge de certains jeunes par les premières. En centrant l'analyse sur les jeunes en difficulté aussi bien que sur les politiques visant à limiter les effets du rétrécissement du marché de l'emploi salarié pour les jeunes, l'article cherche à préciser les conditions dans lesquelles ces politiques se sont mises en place et à en mesurer les effets pour ces populations fragilisées.
Résumé Cet article interroge le sens et les conséquences pratiques des changements réitératifs, en France, du droit pénal des mineurs depuis les années 2000. En s'appuyant sur une relecture de la notion de responsabilité individuelle et de celle de responsabilité collective ainsi que sur une analyse de la position sociale, économique et politique des jeunes en France au xxi e siècle, il propose des éléments pour répondre à cette question. Il s'agit tout d'abord de définir les termes dans lesquels elle se pose, puis de proposer un cadre afin d'interpréter les changements qui sous-tendent les orientations actuelles des politiques pénales en direction des mineurs.
Dans cet article nous chercherons à préciser la rupture qu'a pu connaître, depuis 2002, la justice des mineurs en France et les conditions de la montée en puissance de la seule voie de la pénalisation des comportements des jeunes et l'emphase mise sur les mesures privatives de liberté pour résoudre la question sociale que peut, aujourd'hui, poser la jeunesse. Puis nous nous attacherons à analyser le rôle des mesures alternatives et la transformation de leur principal objectif au moment de leur apparition : limiter le recours au pénal. Enfin, nous nous pencherons sur la juridiciarisation des relations d'aide, de soutien.
Résumé Depuis 2002, six textes de loi ont modifié l'ordonnance pénale du 2 février 1945 qui, en France, régit le fonctionnement de la justice pénale des mineurs et, en avril 2008, une commission a été installée par la garde des Sceaux pour, à nouveau, remodeler ce texte. Pour quelles raisons une majorité politique stable bouleverse-t-elle à un tel rythme une législation très spécifique ? Y-a-t-il une particularité française en termes de position sociale des jeunes, de délinquance et de traitement judiciaire ? Pourquoi le pouvoir politique actuel souhaite-t-il, en contradiction avec les principaux traités internationaux signés par la France, aligner le traitement judiciaire des mineurs sur celui des majeurs pénaux ? En resituant ces interrogations dans une perspective socio-historique, cet article tente de répondre à ces différentes questions.
International audience ; Sociologue, Francis Bailleau est directeur de recherches au CNRS. Il travaille notamment sur la justice des mineurs qu'il appréhende d'un point de vue socio-historique. Dans une première partie, l'article analyse l'évolution socio-économique des jeunes depuis 30 ans. Après avoir montré comment la situation de précarité et d'exclusion croissante, comme l'image négative qui s'en est dégagée, ont été très largement influencées par la gestion " à la française " du chômage, l'auteur dresse une typologie de la délinquance, qui elle aussi, a évolué ; mais alors que l'État y trouve les justifications d'une transformation profonde de l'esprit et de la pratique judiciaires, il y voit pour sa part, non pas la cause mais la conséquence de la dégradation sociale ; il est vrai cependant, que dans un jeu de miroirs pervers, cette délinquance d'exclusion peut se retourner en " délinquance d'intégration " pourrait-on dire, condition d'une reconnaissance alternative. Francis Bailleau s'intéresse ensuite à l'évolution des politiques judiciaires des mineurs. Il montre comment l'idéologie sociopolitique d'une époque s'exprime dans les textes et les pratiques juridiques. On peut voir à l'œuvre, par exemple, dans la fameuse ordonnance pénale de 1945, une philosophie neuve qui instaure une justice protectrice ou réparatrice étayée sur la notion d'éducabilité du mineur coupable. On peut tout aussi bien observer l'influence exercée aujourd'hui par l'idéologie néolibérale sur la production législative et le fonctionnement de la justice des mineurs. En effet, c'est à une nouvelle rupture, ou retour en arrière, que l'on assiste depuis quelques années en France, à la différence de ce qui se fait dans les autres pays européens : individualisation de la responsabilité, préférence donnée à une justice punitive, accumulation de dispositifs de contrôle, refus de prendre en compte " l'excuse de minorité ", abaissement de l'âge de la responsabilité pénale et privation de liberté comme seule et unique peine : surveiller et punir, plutôt qu'éduquer et prévenir. Le tout se cristallisant avec un acharnement quasi obsessionnel sur la modification de l'ordonnance de 1945, qui s'est radicalisée en avril 2008, alors que la Garde des Sceaux, Rachida Dati, a installé la commission Varinard lui assignant comme mission de remodeler ce texte. Force sacrée en qui l'on plaçait avec espoir l'avenir de la société, la jeunesse est plutôt aujourd'hui " sujet à risque " qui fait peur et dont on se protège ; la France n'est-elle pas en train de " reprendre les armes contre une partie de sa jeunesse " interroge Francis Bailleau ? Mais les jeunes ne sont pas des adultes en miniature, ils sont en voie de construction, avec tout ce que cela implique d'hésitations, d'incertitudes, d'erreurs, d'expériences, heureuses ou malheureuses, et plutôt que de s'en protéger en les excluant, ne devrait-on pas les protéger en les accueillant ?
International audience ; Sociologue, Francis Bailleau est directeur de recherches au CNRS. Il travaille notamment sur la justice des mineurs qu'il appréhende d'un point de vue socio-historique. Dans une première partie, l'article analyse l'évolution socio-économique des jeunes depuis 30 ans. Après avoir montré comment la situation de précarité et d'exclusion croissante, comme l'image négative qui s'en est dégagée, ont été très largement influencées par la gestion " à la française " du chômage, l'auteur dresse une typologie de la délinquance, qui elle aussi, a évolué ; mais alors que l'État y trouve les justifications d'une transformation profonde de l'esprit et de la pratique judiciaires, il y voit pour sa part, non pas la cause mais la conséquence de la dégradation sociale ; il est vrai cependant, que dans un jeu de miroirs pervers, cette délinquance d'exclusion peut se retourner en " délinquance d'intégration " pourrait-on dire, condition d'une reconnaissance alternative. Francis Bailleau s'intéresse ensuite à l'évolution des politiques judiciaires des mineurs. Il montre comment l'idéologie sociopolitique d'une époque s'exprime dans les textes et les pratiques juridiques. On peut voir à l'œuvre, par exemple, dans la fameuse ordonnance pénale de 1945, une philosophie neuve qui instaure une justice protectrice ou réparatrice étayée sur la notion d'éducabilité du mineur coupable. On peut tout aussi bien observer l'influence exercée aujourd'hui par l'idéologie néolibérale sur la production législative et le fonctionnement de la justice des mineurs. En effet, c'est à une nouvelle rupture, ou retour en arrière, que l'on assiste depuis quelques années en France, à la différence de ce qui se fait dans les autres pays européens : individualisation de la responsabilité, préférence donnée à une justice punitive, accumulation de dispositifs de contrôle, refus de prendre en compte " l'excuse de minorité ", abaissement de l'âge de la responsabilité pénale et privation de liberté comme seule et unique peine : surveiller et punir, plutôt qu'éduquer et prévenir. Le tout se cristallisant avec un acharnement quasi obsessionnel sur la modification de l'ordonnance de 1945, qui s'est radicalisée en avril 2008, alors que la Garde des Sceaux, Rachida Dati, a installé la commission Varinard lui assignant comme mission de remodeler ce texte. Force sacrée en qui l'on plaçait avec espoir l'avenir de la société, la jeunesse est plutôt aujourd'hui " sujet à risque " qui fait peur et dont on se protège ; la France n'est-elle pas en train de " reprendre les armes contre une partie de sa jeunesse " interroge Francis Bailleau ? Mais les jeunes ne sont pas des adultes en miniature, ils sont en voie de construction, avec tout ce que cela implique d'hésitations, d'incertitudes, d'erreurs, d'expériences, heureuses ou malheureuses, et plutôt que de s'en protéger en les excluant, ne devrait-on pas les protéger en les accueillant ?
International audience ; Sociologue, Francis Bailleau est directeur de recherches au CNRS. Il travaille notamment sur la justice des mineurs qu'il appréhende d'un point de vue socio-historique. Dans une première partie, l'article analyse l'évolution socio-économique des jeunes depuis 30 ans. Après avoir montré comment la situation de précarité et d'exclusion croissante, comme l'image négative qui s'en est dégagée, ont été très largement influencées par la gestion " à la française " du chômage, l'auteur dresse une typologie de la délinquance, qui elle aussi, a évolué ; mais alors que l'État y trouve les justifications d'une transformation profonde de l'esprit et de la pratique judiciaires, il y voit pour sa part, non pas la cause mais la conséquence de la dégradation sociale ; il est vrai cependant, que dans un jeu de miroirs pervers, cette délinquance d'exclusion peut se retourner en " délinquance d'intégration " pourrait-on dire, condition d'une reconnaissance alternative. Francis Bailleau s'intéresse ensuite à l'évolution des politiques judiciaires des mineurs. Il montre comment l'idéologie sociopolitique d'une époque s'exprime dans les textes et les pratiques juridiques. On peut voir à l'œuvre, par exemple, dans la fameuse ordonnance pénale de 1945, une philosophie neuve qui instaure une justice protectrice ou réparatrice étayée sur la notion d'éducabilité du mineur coupable. On peut tout aussi bien observer l'influence exercée aujourd'hui par l'idéologie néolibérale sur la production législative et le fonctionnement de la justice des mineurs. En effet, c'est à une nouvelle rupture, ou retour en arrière, que l'on assiste depuis quelques années en France, à la différence de ce qui se fait dans les autres pays européens : individualisation de la responsabilité, préférence donnée à une justice punitive, accumulation de dispositifs de contrôle, refus de prendre en compte " l'excuse de minorité ", abaissement de l'âge de la responsabilité pénale et privation de liberté comme seule et unique peine : surveiller et ...
National audience ; Depuis de nombreuses années, toute nouvelle procédure mise ne œuvre par l'État dans le cadre des politiques de prévention de la délinquance ou de sécurité et, plus généralement, des politiques de la ville s'accompagne d'une recommandation réitérée : dresser un état des lieux, faire un diagnostic. Ce mode d'action a été, pour les politiques de prévention de la délinquance de ces 25 dernières années, initiée par Alain Peyrefitte en 1976 dans le cadre du "comité d'étude sur la violence, la criminalité et la délinquance".
National audience ; Depuis plusieurs années, l'agenda politique est marqué par une querelle récurrente et médiatisée entre le ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux, opposant l'efficacité des mesures répressives de maintien de l'ordre public aux mérites des mesures préventives ou éducatives. Pour nous, cette querelle récurrente masque la mise en place d'un autre paradigme structurant les politiques publiques, lié à la notion de gestion, de réduction des risques sociaux. Les transformations affectant ces politiques s'accompagnent d'une problématisation nouvelle de la question de la délinquance des mineurs conduisant à une redéfinition des buts des actions publiques, des techniques, des méthodes requises et des acteurs mobilisés.
National audience for several years, the political agenda has been marked by a recurrent and mediatised dispute between the Minister for the Interior and the Seals Guard, between the effectiveness of repressive measures to maintain public order and the merits of preventive or educational measures. For us, this recurrent dispute masks the development of another paradigm for public policies, linked to the concept of management and reduction of social risks. The transformations affecting these policies are accompanied by a new challenge to the issue of juvenile delinquency, leading to a redefinition of the aims of public action, the techniques, the methods required and the actors involved. ; National audience Depuis plusieurs années, l'agenda politique est marqué par une querelle récurrente et médiatisée entre le ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux, opposant l'efficacité des mesures répressives de maintien de l'ordre public aux mérites des mesures préventives ou éducatives. Pour nous, cette querelle récurrente masque la mise en place d'un autre paradigme structurant les politiques publiques, lié à la notion de gestion, de réduction des risques sociaux. Les transformations affectant ces politiques s'accompagnent d'une problématisation nouvelle de la question de la délinquance des mineurs conduisant à une redéfinition des buts des actions publiques, des techniques, des méthodes requises et des acteurs mobilisés.
National audience ; Depuis de nombreuses années, toute nouvelle procédure mise ne œuvre par l'État dans le cadre des politiques de prévention de la délinquance ou de sécurité et, plus généralement, des politiques de la ville s'accompagne d'une recommandation réitérée : dresser un état des lieux, faire un diagnostic. Ce mode d'action a été, pour les politiques de prévention de la délinquance de ces 25 dernières années, initiée par Alain Peyrefitte en 1976 dans le cadre du "comité d'étude sur la violence, la criminalité et la délinquance".
National audience ; Depuis plusieurs années, l'agenda politique est marqué par une querelle récurrente et médiatisée entre le ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux, opposant l'efficacité des mesures répressives de maintien de l'ordre public aux mérites des mesures préventives ou éducatives. Pour nous, cette querelle récurrente masque la mise en place d'un autre paradigme structurant les politiques publiques, lié à la notion de gestion, de réduction des risques sociaux. Les transformations affectant ces politiques s'accompagnent d'une problématisation nouvelle de la question de la délinquance des mineurs conduisant à une redéfinition des buts des actions publiques, des techniques, des méthodes requises et des acteurs mobilisés.
National audience ; Depuis plusieurs années, l'agenda politique est marqué par une querelle récurrente et médiatisée entre le ministre de l'Intérieur et le Garde des Sceaux, opposant l'efficacité des mesures répressives de maintien de l'ordre public aux mérites des mesures préventives ou éducatives. Pour nous, cette querelle récurrente masque la mise en place d'un autre paradigme structurant les politiques publiques, lié à la notion de gestion, de réduction des risques sociaux. Les transformations affectant ces politiques s'accompagnent d'une problématisation nouvelle de la question de la délinquance des mineurs conduisant à une redéfinition des buts des actions publiques, des techniques, des méthodes requises et des acteurs mobilisés.