Qu'elles soient étudiantes ou femmes d'étudiants de l'université al-Azhar en Égypte, ou encore commerçantes, entrepreneures dans la mégapole cairote, les femmes originaires d'Afrique subsaharienne expérimentent des trajectoires où le désir de réussite se heurte aux difficultés de l'insertion et des rapports avec la société locale – mais aussi avec leurs proches. Sur la base de terrains exploratoires menés au Caire, notre contribution suggère plusieurs problématiques quant aux rôles qu'elles assument en migration, à la reconfiguration de leur place dans le couple ou de leur rapport à la religion, et interroge le décalage qu'expérimentent ces femmes entrepreneuses et dynamiques dans leur rencontre avec une autre société et d'autres imaginaires de la femme.
International audience ; Socio-anthropologue à l'IRD-AMU-LPED, en accueil à l'Université Internationale de Rabat, avec la participation de Mehdi Alioua, Farid El Asri et Zoubir Chattou. Alors que la question des migrations défie l'actualité, jalonnée par des évènements tragiques et de piètres réponses apportées par les politiques du Nord mais aussi du Sud ; que l'on évoque de plus en plus le déni d'humanité de nos gouvernants, nous pensons qu'il est plus qu'utile au-delà des effets médiatiques de traiter scientifiquement la question plus vaste des mobilités dans leur épaisseur sociologique, géographique, historique et politique. Aujourd'hui les mobilités s'inscrivent davantage dans des dynamiques transnationales complexes que dans une dichotomie classique et linéaire entre pays de départ et pays d'arrivée. Avec la mobilité des personnes, des idées, des croyances, des savoirs, des techniques ou encore des objets nous assistons davantage à des mouvements circulaires, qui pour ce qui est de notre continent, s'avèrent en grande partie intra-africain. L'Afrique est un continent en plein mouvement et cette réalité participe des changements profonds qui s'opèrent sur ces espaces. Les transformations économiques, culturelles, religieuses et politiques qui accompagnent les migrations nous amènent à identifier des coopérations et des relations renouvelées. L'émergence de manières inédites de circuler et de faire circuler nous invite également à repenser fondamentalement ce dynamisme africain. Les approches scientifiques de cette question ont donc pour rôle de saisir et comprendre ces réalités en mouvement en Afrique, proposer des méthodologies probantes et des approches pertinentes et mettre en débat des notions utiles afin de lire ce changement paradigmatique majeur. Les mobilités humaines ont toujours questionné les dispositifs de souveraineté des États par rapport à leur territoire, leur population et la gestion de leurs frontières. Cette géographie des frontières est en plein questionnement et s'il ne s'agit nullement de porter un débat sur les notions de frontières, il est par contre central de réfléchir aux façons de lire les mobilités et les mouvements. En effet, les nouvelles temporalités par exemple organisent une dynamisation et un ressourcement des sociétés que l'on ne peut nier. Les mouvements, mobilités ou circulations complexes et denses sont donc à la fois une réalité de notre monde contemporain et une nécessité pour sa reproduction sociale, économique ou démographique. Si nous saisissons l'exemple de la mobilité des personnes, le migrant, en ce sens et par sa multiple appartenance territoriale devient aussi un acteur économique, un médiateur socioculturel, un entrepreneur religieux, ou encore un catalyseur des contradictions des sociétés, voire un élément fondamental dans les relations de coopération bilatérales et décentralisées entre les États ou avec les dynamiques sociales de chaque pays. 1 Ce premier numéro est coordonné par Sophie Bava, membre du comité de direction du LMI Movida qui a porté financièrement le lancement de cette revue.
International audience ; Socio-anthropologue à l'IRD-AMU-LPED, en accueil à l'Université Internationale de Rabat, avec la participation de Mehdi Alioua, Farid El Asri et Zoubir Chattou. Alors que la question des migrations défie l'actualité, jalonnée par des évènements tragiques et de piètres réponses apportées par les politiques du Nord mais aussi du Sud ; que l'on évoque de plus en plus le déni d'humanité de nos gouvernants, nous pensons qu'il est plus qu'utile au-delà des effets médiatiques de traiter scientifiquement la question plus vaste des mobilités dans leur épaisseur sociologique, géographique, historique et politique. Aujourd'hui les mobilités s'inscrivent davantage dans des dynamiques transnationales complexes que dans une dichotomie classique et linéaire entre pays de départ et pays d'arrivée. Avec la mobilité des personnes, des idées, des croyances, des savoirs, des techniques ou encore des objets nous assistons davantage à des mouvements circulaires, qui pour ce qui est de notre continent, s'avèrent en grande partie intra-africain. L'Afrique est un continent en plein mouvement et cette réalité participe des changements profonds qui s'opèrent sur ces espaces. Les transformations économiques, culturelles, religieuses et politiques qui accompagnent les migrations nous amènent à identifier des coopérations et des relations renouvelées. L'émergence de manières inédites de circuler et de faire circuler nous invite également à repenser fondamentalement ce dynamisme africain. Les approches scientifiques de cette question ont donc pour rôle de saisir et comprendre ces réalités en mouvement en Afrique, proposer des méthodologies probantes et des approches pertinentes et mettre en débat des notions utiles afin de lire ce changement paradigmatique majeur. Les mobilités humaines ont toujours questionné les dispositifs de souveraineté des États par rapport à leur territoire, leur population et la gestion de leurs frontières. Cette géographie des frontières est en plein questionnement et s'il ne s'agit nullement ...
International audience ; Socio-anthropologue à l'IRD-AMU-LPED, en accueil à l'Université Internationale de Rabat, avec la participation de Mehdi Alioua, Farid El Asri et Zoubir Chattou. Alors que la question des migrations défie l'actualité, jalonnée par des évènements tragiques et de piètres réponses apportées par les politiques du Nord mais aussi du Sud ; que l'on évoque de plus en plus le déni d'humanité de nos gouvernants, nous pensons qu'il est plus qu'utile au-delà des effets médiatiques de traiter scientifiquement la question plus vaste des mobilités dans leur épaisseur sociologique, géographique, historique et politique. Aujourd'hui les mobilités s'inscrivent davantage dans des dynamiques transnationales complexes que dans une dichotomie classique et linéaire entre pays de départ et pays d'arrivée. Avec la mobilité des personnes, des idées, des croyances, des savoirs, des techniques ou encore des objets nous assistons davantage à des mouvements circulaires, qui pour ce qui est de notre continent, s'avèrent en grande partie intra-africain. L'Afrique est un continent en plein mouvement et cette réalité participe des changements profonds qui s'opèrent sur ces espaces. Les transformations économiques, culturelles, religieuses et politiques qui accompagnent les migrations nous amènent à identifier des coopérations et des relations renouvelées. L'émergence de manières inédites de circuler et de faire circuler nous invite également à repenser fondamentalement ce dynamisme africain. Les approches scientifiques de cette question ont donc pour rôle de saisir et comprendre ces réalités en mouvement en Afrique, proposer des méthodologies probantes et des approches pertinentes et mettre en débat des notions utiles afin de lire ce changement paradigmatique majeur. Les mobilités humaines ont toujours questionné les dispositifs de souveraineté des États par rapport à leur territoire, leur population et la gestion de leurs frontières. Cette géographie des frontières est en plein questionnement et s'il ne s'agit nullement ...
International audience ; C haque année, quelques centaines d'étudiants quittent l'Afrique de l'Ouest, dotés d'une petite bourse et d'un billet d'avion, ou voyagent parfois par leurs propres moyens en prenant la route, pour se rendre à la célèbre univer-sité d'Al Azhar au Caire. Cette université millénaire 1 , associée à une tradition de mobilité des élites musulmanes entre l'Afrique subsaharienne et le monde arabe, exerce une attraction presque mythique sur les lettrés musulmans africains. Venir étudier à Al Azhar, c'est également l'opportunité pour quelques milliers d'étudiants africains de migrer dans des conditions qui, au premier abord, semblent favorables. Pourtant, ces étudiants africains, comme nous allons le voir, rencontrent de plus en plus de difficultés à obtenir rapidement leur diplôme puis, s'ils rentrent, à trouver un emploi dans leur pays d'origine, en dehors de l'enseignement dans les instituts arabes, medersas et les écoles franco-arabes. Parallèlement aux imaginaires et aux désirs d'ailleurs de ces étudiants, l'université Al Azhar connaît ces dernières années une perte légitimité dans le monde académique et a ainsi modifiée sa politique de recrutement en regard notamment de la concurrence avec les universités islamiques des pays de la péninsule arabique où l'offre d'enseignement est plus restreinte et * Socio-anthropologue, chargée de recherche au LPED-IRD-AMU. 1. Al Azhar est une université musulmane égyptienne. Située au Caire, l'université fut fondée en 973 et se développa à proximité de la mosquée d'al-Azhar construite à la même époque par Jawhar, général en chef des troupes fatimides. Reconstruite au xiv e siècle, l'université d' Al Azhar joua un rôle de premier plan dans l'enseignement du Coran et de la pensée islamique, acquérant très tôt la réputation d'arbitre de la pensée musulmane. Spécialisée dans l'étude de la théologie et des sciences juridiques, elle fut concurrencée dès le milieu du xix e siècle par des formules modernes d'enseignement, mais sut au xx e siècle recouvrer son prestige en adoptant d'importantes réformes. En 1930, ses collèges et ses instituts furent organisés selon trois chaires d'enseignement : la théologie islamique, la jurisprudence et la langue arabe. En 1961, une nou-velle réforme (la 5ème depuis sa création) et sa nationalisation pas Nasser, s'organise autour de trois aspects : Une réforme du contenu de l'enseignement qui rend les langues étrangères obligatoires, ainsi que l'arithmétique, l'algèbre, la géographie et de nouvelles disciplines comme l'architecture, le droit ; une réforme de l'organisation de l'enseignement avec une séparation en 3 niveaux d'études (primaire, secondaire et supérieur) et la créations de nouvelles facultés et insti-tuts (médecine, agronomie, commerce, polytechnique, etc.) ; ainsi qu'une réforme de la structure d' Al Azhar à travers la création d'un conseil d'administration, puis d'un conseil supérieur d' Al Azhar. (Luizard, 1995)
International audience ; C haque année, quelques centaines d'étudiants quittent l'Afrique de l'Ouest, dotés d'une petite bourse et d'un billet d'avion, ou voyagent parfois par leurs propres moyens en prenant la route, pour se rendre à la célèbre univer-sité d'Al Azhar au Caire. Cette université millénaire 1 , associée à une tradition de mobilité des élites musulmanes entre l'Afrique subsaharienne et le monde arabe, exerce une attraction presque mythique sur les lettrés musulmans africains. Venir étudier à Al Azhar, c'est également l'opportunité pour quelques milliers d'étudiants africains de migrer dans des conditions qui, au premier abord, semblent favorables. Pourtant, ces étudiants africains, comme nous allons le voir, rencontrent de plus en plus de difficultés à obtenir rapidement leur diplôme puis, s'ils rentrent, à trouver un emploi dans leur pays d'origine, en dehors de l'enseignement dans les instituts arabes, medersas et les écoles franco-arabes. Parallèlement aux imaginaires et aux désirs d'ailleurs de ces étudiants, l'université Al Azhar connaît ces dernières années une perte légitimité dans le monde académique et a ainsi modifiée sa politique de recrutement en regard notamment de la concurrence avec les universités islamiques des pays de la péninsule arabique où l'offre d'enseignement est plus restreinte et * Socio-anthropologue, chargée de recherche au LPED-IRD-AMU. 1. Al Azhar est une université musulmane égyptienne. Située au Caire, l'université fut fondée en 973 et se développa à proximité de la mosquée d'al-Azhar construite à la même époque par Jawhar, général en chef des troupes fatimides. Reconstruite au xiv e siècle, l'université d' Al Azhar joua un rôle de premier plan dans l'enseignement du Coran et de la pensée islamique, acquérant très tôt la réputation d'arbitre de la pensée musulmane. Spécialisée dans l'étude de la théologie et des sciences juridiques, elle fut concurrencée dès le milieu du xix e siècle par des formules modernes d'enseignement, mais sut au xx e siècle recouvrer son ...
Au cours des dix dernières années, la place des mourides à Marseille a nettement changé, en même temps que la place de Marseille dans l'organisation mouride. Démêlés judiciaires, nouvelles législations nationales en matière d'immigration et politiques municipales de mise en valeur du centre-ville ont obligé les commerçants africains à revoir leurs stratégies ; les formes d'activité économique ont dû être modifiées. La filière mouride s'est largement réorientée vers l'Italie et les Etats-Unis, tandis que nombre de migrants se recentrent sur Touba , ville sainte de la confrérie, afin de préparer un hypothétique retour.
International audience ; Une Afrique méditerranéenne au croisement des récits religieux et des migrations contemporaines Avec le renforcement des frontières de l'Europe depuis une quinzaine d'années, en dépit de réelles politiques migratoires impulsées par les États du Sud mis à part la toute nouvelle politique de régularisation menée par le Maroc depuis 2013 et réitérée en 2016, les migrants venus d'Afrique subsaharienne s'installent de manière plus pérenne dans les pays d'Afrique méditerranéenne. De nombreuses instances religieuses ou d'origine confessionnelle s'y organisent afin d'y faciliter l'accueil, la formation, l'accompagnement social et spirituel des migrants venus d'Afrique subsaharienne. Cette scène religieuse en plein effervescence s'appuie sur un fait incontournable: de manière générale, durant la migration, la foi et les pratiques religieuses s'ancrent, se renforcent, ou trouvent parfois de nouvelles directions. "Dieu devient un compagnon de voyage" dirons certains. Mais paradoxalement ce temps-là est aussi celui où on s'éloigne des parents, des aînés, où l'on fait de nouvelles expériences religieuses. C'est donc un temps de négociation entre une religion héritée, transmise et une religion expérimentée dans la mobilité. Un temps parfois de butinage. S'agissant de donner un sens à son expérience migratoire face au défaut de reconnaissance juridique, aux discriminations vécues au quotidien, aux difficultés économiques rencontrées dans les pays d'accueil ou de passage, l'acceptation passe souvent par les communautés religieuses qui deviennent des communautés de destin. Dans les pays d'Afrique méditerranéenne, les églises catholiques et protestantes, désertées ou peu fréquentées depuis la fin de l'époque coloniale, se retrouvent ainsi redynamisées et les acteurs religieux s'investissent à leur manière auprès de la société civile sur la question de l'aide et de l'accueil des migrants. Mes recherches au Maroc s'inscrivent dans une anthropologie religieuse du mouvement, construite au fil des années et des terrains (Bava, 2018). J'ai pu ainsi analyser « les productions religieuses » 1 issues des migrations, impulsées tant par les migrants que par les acteurs religieux et les institutions religieuses chrétiennes et musulmanes entre l'Afrique de l'Ouest et la Méditerranée (S.BAVA, 2010, 2011, 2014). Au Maroc, au sein d'un marché du 1 Par "productions religieuses" nous entendons les constructions religieuses autour du fait religieux nées davantage des dynamiques migratoires que de la transnationalisation des mouvements religieux. Cela englobe aussi bien les aménagements des espaces de culte (formels ou informels), la naissance de vocations religieuses en migration, la croissance d'un marché religieux et caritatif institutionnel, l'arrivée de nouveaux acteurs religieux, le développement de formations religieuses négociées, les adaptations théologiques, la circulation des leaders religieux, l'attachement à des objets religieux de la mobilité, ainsi que les interactions avec les autres religions et les États des pays de passage ou d'ancrage (S.BAVA, K. BOISSEVAIN, 2014).
International audience ; Une Afrique méditerranéenne au croisement des récits religieux et des migrations contemporaines Avec le renforcement des frontières de l'Europe depuis une quinzaine d'années, en dépit de réelles politiques migratoires impulsées par les États du Sud mis à part la toute nouvelle politique de régularisation menée par le Maroc depuis 2013 et réitérée en 2016, les migrants venus d'Afrique subsaharienne s'installent de manière plus pérenne dans les pays d'Afrique méditerranéenne. De nombreuses instances religieuses ou d'origine confessionnelle s'y organisent afin d'y faciliter l'accueil, la formation, l'accompagnement social et spirituel des migrants venus d'Afrique subsaharienne. Cette scène religieuse en plein effervescence s'appuie sur un fait incontournable: de manière générale, durant la migration, la foi et les pratiques religieuses s'ancrent, se renforcent, ou trouvent parfois de nouvelles directions. "Dieu devient un compagnon de voyage" dirons certains. Mais paradoxalement ce temps-là est aussi celui où on s'éloigne des parents, des aînés, où l'on fait de nouvelles expériences religieuses. C'est donc un temps de négociation entre une religion héritée, transmise et une religion expérimentée dans la mobilité. Un temps parfois de butinage. S'agissant de donner un sens à son expérience migratoire face au défaut de reconnaissance juridique, aux discriminations vécues au quotidien, aux difficultés économiques rencontrées dans les pays d'accueil ou de passage, l'acceptation passe souvent par les communautés religieuses qui deviennent des communautés de destin. Dans les pays d'Afrique méditerranéenne, les églises catholiques et protestantes, désertées ou peu fréquentées depuis la fin de l'époque coloniale, se retrouvent ainsi redynamisées et les acteurs religieux s'investissent à leur manière auprès de la société civile sur la question de l'aide et de l'accueil des migrants. Mes recherches au Maroc s'inscrivent dans une anthropologie religieuse du mouvement, construite au fil des années et ...
Résumé Les conditions socio-économiques des étudiants azharis originaires d'Afrique de l'Ouest sont devenues très difficiles. Beaucoup d'entre eux sont dans l'obligation de servir d'intermédiaires à des entrepreneurs économiques mieux installés. En postulant que les réseaux d'enseignements religieux sont à l'origine de vocations économiques particulières et de réseaux commerciaux entre pays arabes, Afrique et Asie, cet article s'intéresse aux différents espaces sociaux que les élèves migrants articulent au sein de cette gigantesque métropole, et pose la question de savoir dans quelle mesure l'identité religieuse constitue un facteur structurant dans la création de certaines filières commerciales.