Résumé Les inégalités de mortalité entre les professions et catégories socioprofessionnelles françaises (PCS) sont importantes et en augmentation. Mais il existe aussi de larges inégalités de mortalité au sein des PCS selon la nature des carrières passées. Les transformations du marché du travail et des parcours professionnels dans les dernières décennies, notamment pour les femmes, modifient la composition des PCS et leur niveau moyen de mortalité. Cet article analyse l'évolution des inégalités de mortalité entre les PCS à travers l'étude des mobilités professionnelles et de la mortalité associée, en utilisant les données de l'Échantillon démographique permanent (EDP), un échantillon suivi et représentatif de la population française à différentes dates. L'étude de la mortalité en 1975 (EDP75) et en 1999 (EDP99), selon les PCS et les mobilités professionnelles passées, montre que la mortalité a baissé pour toutes les PCS mais de façon différente, aboutissant à un léger creusement des écarts pour les deux sexes. Au sein des PCS, les écarts selon les mobilités passées sont renforcés dans l'EDP99 pour les hommes et se généralisent pour les femmes. La modification de la composition des PCS et l'évolution de la surmortalité associée à certaines mobilités a contribué à cette augmentation des inégalités entre PCS. Interpréter l'évolution des inégalités de mortalité à la lumière des changements sociodémographiques s'avère donc particulièrement important.
Cette étude s'attache à mieux décrire et à comprendre le processus qui conduit les plus âgés à la perte d'autonomie et à l'entrée en dépendance. Basée sur les données de l'enquête «Handicaps, incapacités, dépendance», cette étude utilise différents indicateurs d'incapacité pour identifier plusieurs étapes de processus, pour estimer les risques de passer de l'une à l'autre et pour montrer le rôle de facteurs socio-démographiques qui sont susceptibles de modifier ces risques. La dépendance est mesurée par la déclaration de difficultés pour réaliser seul les activités de soin personnel; on identifie ensuite les situations de simples limitations fonctionnelles sans dépendance (problèmes de locomotion, de vue, d'orientation); on mesure enfin la bonne santé fonctionnelle par l'absence de limitations fonctionnelles et de difficultés dans les activité de soins personnels. On observe effectivement un processus sur deux ans allant de la bonne santé aux simples limitations fonctionnelles puis des limitations fonctionnelles à la dépendance. Peu de personnes passent directement de la bonne santé fonctionnelle à la dépendance en deux ans et, par ailleurs, une partie non négligeable des personnes interrogées sont parvenues en deux ans à retrouver une certaine autonomie pour les soins personnels, voire une meilleure santé fonctionnelle. Enfin on montre des disparités dans les risques de dégradation fonctionnelle ou dans les chances de récupération selon l'âge, le sexe et le niveau d'instruction.
L'espérance de vie sans incapacité (EVSI) est le nombre moyen d'années vécues sans incapacité au sein de l'espérance de vie (EV). Elle permet de mesurer la qualité des années vécues dans le contexte de l'allongement de l'EV. Il existe différents indicateurs d'incapacité qui décrivent un processus à double détente : d'abord les risques de connaître des limitations fonctionnelles (en termes de locomotion, mémoire, audition, vue, etc.) et ensuite les chances de « faire avec » de telles limitations et de rester indépendant dans les activités du quotidien. Ainsi l'analyse des déterminants et des évolutions des différents types d'EVSI sert à la compréhension des dynamiques de santé et des inégalités. Elle permet de comprendre leurs évolutions spécifiques au cours du temps selon les groupes de population ou selon les pays. Elle permet également d'élaborer des scénarios pour anticiper les besoins futurs. Cet article présente ces différents types d'EVSI ainsi que les évolutions et disparités observées en France et en Europe.
Depuis 2005 Eurostat calcule chaque année l'espérance de vie sans limitation d'activité sous le nom d'« années de vie en bonne santé ». Si l'espérance de vie à 65 ans s'est allongée d'un an dans l'Union européenne entre 2005 et 2010, le temps vécu en mauvaise santé perçue a diminué (de 0,5 à 1,1 an selon le sexe), et ce en dépit de l'augmentation des années de vie s'accompagnant de maladies chroniques (de 1,6 à 1,3 an selon le sexe), le temps vécu sans limitation d'activité restant inchangé. Ce paradoxe peut s'expliquer en partie par un repérage plus systématique et par une meilleure prise en charge des problèmes de santé, dont la fréquence a pu augmenter sans pour autant que les déclarations de limitations d'activité ou la perception négative de sa santé aient augmenté.
Avec la baisse des taux de mortalité qui touche en particulier les âges élevés depuis quelques décennies, de nombreuses recherches ont été développées afin d'étudier les problèmes de santé qui accompagnent le vieillissement des populations. C'est dans ce contexte que des travaux sur la mesure de l'incapacité, du handicap ou de la dépendance ont été conduits à partir des années quatre-vingt. Ces concepts expriment à différents niveaux les conséquences de maladies, de malformations ou d'accidents sur le fonctionnement des individus dans leur vie quotidienne. Cet article décrit d'abord les modèles, les concepts et les instruments de mesure qui ont été mis au point. Il présente ensuite une approche particulière de l'incapacité que les données de l'enquête Handicap-Incapacité-Dépendance (HID) ont permis d'appliquer à la population française. On met en évidence dans la population âgée, une relation étroite entre des problèmes strictement fonctionnels (sensoriels, physiques, cognitifs) et les difficultés à réaliser les activités élémentaires de la vie quotidienne. Il semble que les premiers soient prédictifs des secondes ; si cette propriété se confirme avec les données de la seconde vague de l'enquête HID, on pourra alors identifier des déterminants du passage des problèmes fonctionnels à la restriction d'activité et à la dépendance.
En 2015, la loi d'adaptation de la société au vieillissement marquait en France la volonté politique d'anticiper de manière globale les conséquences du vieillissement démographique. Elle formalisait les constats des recherches et débats publics internationaux qui, depuis longtemps, en soulignent l'ampleur et les multiples implications. Cette chronique fait le point sur ces questions en s'appuyant sur l'expérience de 40 pays caractérisés par une longévité élevée. En 2020, les personnes de 65 ans et plus y sont quatre fois plus nombreuses qu'en 1950 ; au Japon, pays le plus « vieux », leur proportion a bondi de 5 % à 28 % et leur espérance de vie a presque doublé. Une première partie présente les définitions et les mesures du vieillissement démographique, puis la diversité des dynamiques de ces 40 pays. La seconde partie décrit les enjeux multidimensionnels et imbriqués du phénomène en termes sanitaires (quelle limite à la longévité ? quelle évolution de l'espérance de vie en bonne santé ?), sociodémographiques (comment se modifient les configurations conjugales, familiales ?) et économiques, via la problématique des modèles de protection sociale (retraite, aide à l'autonomie, transferts intergénérationnels).
In 2015, the French law on the adaptation of society to ageing signaled the country's political will to prepare comprehensively for the consequences of population ageing. It formalized the findings of international research and public debates that have long emphasized its scope and multiple implications. This article reviews these issues by drawing on the experience of 40 high-longevity countries. In 2020, there were 4 times as many people aged 65 and older as there were in 1950; in Japan, the 'oldest' country, their proportion has jumped from 5% to 28%, and life expectancy has nearly doubled. The first part of this article lays out the definitions and measures of population ageing, then describes the diversity of the dynamics of these high-longevity countries. The second part examines the multidimensional and intertwined issues at stake, regarding health (What is the limit to longevity? How is life expectancy in good health changing?), demography (How are family and partnership configurations changing?), and the economy via the problematics of social protection models (retirement, assisted living, intergenerational transfers). ; En 2015, la loi d'adaptation de la société au vieillissement marquait en France la volonté politique d'anticiper de manière globale les conséquences du vieillissement démographique. Elle formalisait les constats des recherches et débats publics internationaux qui, depuis longtemps, en soulignent l'ampleur et les multiples implications. Cette chronique fait le point sur ces questions en s'appuyant sur l'expérience de 40 pays caractérisés par une longévité élevée. En 2020, les personnes de 65 ans et plus y sont quatre fois plus nombreuses qu'en 1950 ; au Japon, pays le plus « vieux », leur proportion a bondi de 5 % à 28 % et leur espérance de vie a presque doublé. Une première partie présente les définitions et les mesures du vieillissement démographique, puis la diversité des dynamiques de ces 40 pays. La seconde partie décrit les enjeux multidimensionnels et imbriqués du phénomène en ...
En 2003, en France, un homme âgé de 35 ans peut espérer vivre encore 43 ans, dont 28 indemnes de toute incapacité, une femme, 49 ans, dont 29 indemne d'incapacité. Les incapacités les plus sévères, impliquant éventuellement une situation de dépendance, n'occupent en moyenne que 3 années de vie pour les hommes et 5 années pour les femmes. Le nombre d'années vécues avec ou sans incapacité varie selon la catégorie professionnelle : en 2003, un homme cadre de 35 ans peut espérer vivre encore 47 ans dont 34 indemne de toute incapacité, un ouvrier, 41 ans dont 24 ans sans incapacité. Ces différences se renforcent avec l'avancée en âge : après 60 ans, les ouvriers et les ouvrières vivent en moyenne plus d'années avec que sans incapacité et endureront aussi plus d'incapacités sévères que les cadres. Au sein d'une vie déjà plus courte, les ouvriers passent donc à la fois moins de temps sans incapacité que les cadres, et vivent plus longtemps qu'eux avec des incapacités et des handicaps.