L'évolution de la prise en charge des décès périnataux en milieu hospitalier depuis les années 1990 a eu pour effet de redéfinir les dispositifs d'accompagnement à l'égard des parturientes confrontées à une fausse couche tardive, une IMG ou une mort fœtale à partir de 15 SA. Ces femmes ont en commun d'avoir accouché, de pouvoir déclarer un « enfant sans vie » à l'état civil, le prénommer et organiser ses obsèques. Ces dispositifs médicaux et administratifs sont fréquemment présentés comme des supports au deuil périnatal. Or, il s'avère qu'ils génèrent de nouvelles normes pouvant amener la femme qui accouche et son éventuel partenaire à se présenter comme « parent » d'un « enfant décédé ». Cet article, fondé sur une étude par entretiens, montre qu'outre la nécessité de se positionner face à une série de choix qui préexistent à la situation en question, une partie de ces femmes s'inscrivent dans une démarche parentale. Dès lors, ce n'est plus simplement en termes de deuil que s'élaborent ces trajectoires, mais en termes d'entrée en parentalité. L'étude de la manière de se nommer et de nommer le fœtus (né vivant mais non viable) ou le mort-né est significative des déplacements actuels, d'où des ajustements et incompréhensions, notamment quand il s'agit d'intégrer cet « enfant » à la famille élargie.
Depuis le milieu des années 1990, les enfants sans vie peuvent être enregistrés à l'état civil. Laissée à l'appréciation de leurs « parents », cette déclaration participe à l'émergence d'un processus de reconnaissance et d'individualisation. Malgré tout, il est incomplet dans le sens où l'acquisition de la personnalité juridique est impossible. Cette déclaration resterait donc orientée vers l'accompagnement du processus de deuil. Néanmoins, l'acte de prénommer ces « enfants sans vie » dépasse la stricte sphère familiale pour s'inscrire dans un registre institutionnel, l'état civil reconnaissant officiellement le projet parental. Au-delà des dénominations que les « parents » peuvent donner à cet « enfant », nous verrons que les prénoms relevés dans les registres d'état civil sont globalement conformes au stock usuellement utilisé pour les enfants nés vivants. Ainsi, la prénomination revient à réduire la liminarité de ces enfants sans vie.
Résumé Depuis une vingtaine d'années, on observe un processus de reconnaissance sociale du deuil périnatal. Si la souffrance des parents bénéficie d'un accompagnement, qu'en est-il du devenir du corps ? N'étant pas nés, ces fœtus n'accèdent pas au statut de « personne », ce qui a des conséquences notables sur la prise en charge des corps. Au-delà d'un ensemble normatif assez cohérent dû à une transformation des valeurs et des pratiques, cet article montre qu'une diversité de réponses est perceptible sur le terrain. Même si la norme solennise la sépulture, reste que ces corps ne sont pas élevés systématiquement au rang de cadavres, ce qui reviendrait à les considérer comme des corps humains morts. Le plus grand nombre est assimilé à des pièces anatomiques, suscitant des questions éthiques relatives à leurs « conditionnement, conservation, transport et élimination ».
Résumé Quels peuvent être les effets d'un passage en médiation pour les médiés ? À l'heure où la médiation familiale est institutionnalisée, son évaluation devient un enjeu important. À partir d'une enquête réalisée auprès de 500 médiés, nous avons essayé d'évaluer les effets de la médiation (niveau de conflictualité, évolution des relations, perception de la médiation, etc.). Un effet de changement du mode de communication émerge dans environ un tiers des cas, avec pour conséquence une réelle dynamique de changement dans la gestion de la conflictualité chez les médiés. Pour le reste, les médiés demeurent dans une relation instrumentale à la médiation.
The COVID-19 pandemic has brought about an unprecedented global crisis. To limit the spread of the virus and the associated excess mortality, states and governing bodies have produced a series of regulations and recommendations from a health perspective. The funerary aspects of these directives have reconfigured not only the ways in which the process of dying can be accompanied, but also the management of dead bodies, impacting on the dying, their relatives and professionals in the sector. Since March 2020, the entire process of separation and farewell has been affected, giving rise to public debates about funeral restrictions and the implications for mourning. We carried out a study in France and Switzerland to measure the effects of this crisis, and in particular to explore whether it has involved a shift from a funerary approach to a strictly mortuary one. Have the practices that would normally be observed in non-pandemic times been irrevocably altered? Does this extend to all deaths? Has there been a switch to an exclusively technical handling? Are burial practices still respected? The results of the present study pertain to the 'first wave' of spring 2020 and focus on the practices of professionals working in the funeral sector.
« Un homme n'aurait pas idée d'écrire un livre sur la situation singulière qu'occupent dans l'humanité les mâles », affirmait en 1949 la philosophe française Simone de Beauvoir. Les profondes mutations qui ont affecté le genre et la sexualité ces dernières décennies ont pourtant fait mentir l'auteure du Deuxième sexe : le masculin est désormais objet de multiples débats, réflexions et recherches. Rassemblés dans une perspective de décloisonnement disciplinaire, des historiens, sociologues, philosophes, anthropologues et spécialistes de la littérature ou du cinéma mettent ici en évidence le caractère pluriel des expériences et idéologies de la virilité. Ils montrent également que la construction du masculin ne s'opère jamais en vase clos, mais bien en étroite corrélation avec celle du féminin. Ce sont donc au final les deux « sexes » qui sont au cœur de ce volume qui, en dénaturalisant les catégories sociales, éclaire le caractère contingent, quotidiennement ré-inventé de ce qui apparaît évident : être une femme ou un homme.