Le lobbying en France: invention et normalisation d'une pratique politique
In: La Fabrique du politique Vol. 1
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In: La Fabrique du politique Vol. 1
World Affairs Online
In: S, 1541
In: Espaces politiques
World Affairs Online
In: Repères 326
In: Revue française de science politique, Volume 67, Issue 6, p. III-III
ISSN: 1950-6686
In: Sciences humaines: SH, Volume Hors-série, Issue HS22, p. 68-70
International audience ; Depuis le milieu des années 1990, l'étude des groupes d'intérêt est redevenue un axe de recherche de la science politique française, indiquant de ce fait une transformation du rapport que les politistes entretiennent à nouveau avec ces objets. L'ambiance du champ politique décrite dans les années 1950 par M. Prélot («on ne parlait que de la pression sur les pouvoirs publics» 1) se retrouve même dans les années 2010 : le « lobbying » a simplement pris la place de la « pression » dans les discours et les analyses. Nous n'en sommes pas pour autant revenus à la possible publication d'un bilan annuel de la recherche 2. Les terrains laissés en friche sont nombreux, parmi lesquels le « local » fait partie des vides sidérants. Pour tenter de comprendre comment la recherche se tourne plus vers Bruxelles que vers une collectivité territoriale, il faut déjà commencer par savoir ce que sont les groupes d'intérêt. Ce sont en effet deux choses que l'on gagne à analyser séparément. D'un côté, c'est un cadre théorique forgé aux États-Unis qui invite à comprendre comment nombre d'organisations se concurrencent pour tenter de faire entrer dans le champ politique leurs idées, informations, conceptions ou valeurs. D'un autre côté, les groupes d'intérêt sont la réalité que l'on observe ainsi, ce continuum d'organisations au nom desquelles des individus, de plus en plus professionnalisés, parlent et ont comme activité d'interagir en continu avec les institutions. La face théorique des groupes d'intérêt amène à s'intéresser au « nomadisme » de cette conception issue des États-Unis 3 pour trouver dans l'appareil d'État français des pourfendeurs ou des adeptes : depuis les années 1950, elle n'a que très peu dépassé les portes de la capitale. L'objectif de ce chapitre est donc d'interroger cette frontière du « local » que la théorie des groupes d'intérêt ne fait que commencer à franchir. La deuxième face, pragmatique, des groupes d'intérêt suggère que le lobbying n'existe pas dans l'espace du pouvoir local car, faute d'acteurs, la thèse de l'influence sur le gouvernement local ne peut être testée. Ce serait congédier un peu facilement toutes les organisations présentes, tous les répertoires d'action que cette théorie invite à explorer. Ce serait également ne pas prêter attention à la pratique centrale que cette théorie étudie : la représentation des intérêts. Analyser les deux faces des groupes d'intérêt permet d'insister sur le fait que cet objet est inséparablement composé des façons de le voir et de le penser et des façons de faire et d'agir des acteurs en présence. D'un côté, les territoires sont investis depuis fort longtemps par des groupements de représentation et de mobilisation des intérêts. De l'autre, les chercheurs, les journalistes ou les militants ont, chacun pour de bonnes mais différentes raisons, rarement tenté de chausser les lunettes permettant de voir ainsi cette face de la réalité 4. Pour comprendre cette relative cécité, il convient de revenir sur certains pans de l'histoire intellectuelle des groupes d'intérêt, mais également sur la morphologie des professionnels de la représentation des intérêts. La conclusion de cette double lecture est que les logiques de formation aux métiers de la représentation des intérêts ont, plus encore que le fonctionnement des institutions, tenu à distance ces acteurs des 1 PRELOT M., Sociologie politique, Paris, Dalloz, 1973, p. 619. 2 Ce bilan est celui produit par MEYNAUD Jean, MEYRIAT Jean, « Les « groupes de pression » en Europe occidentale : état des travaux », Revue française de science politique, vol.9, n°1, 1959, p. 229-246. Il est important de noter que dans son oeuvre imposante sur la question J. Meynaud n'a pratiquement pas abordé les pouvoirs locaux. Dans les deux pages qu'il consacre à la question, il n'évoque que le préfet du fait d'un ouvrage traduit sur la question et mentionne que les actions entreprises sont des « leviers » sur les pouvoirs centraux (Les groupes de pression en France, Paris, Armand Colin, 1958, p. 221-222). 3 COURTY G., Les Groupes d'intérêt, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 2006 ; « Les modes conceptuelles de la science politique française. Du «groupe de pression» au «Lobby», in J. Rowell, A.-M. Saint-Gille (éds), La société civile organisée aux XIXe et XXe siècles : perspectives allemandes et françaises, Lyon, Septentrion, 2010, p. 31-44. 4 Les journalistes spécialistes des collectivités ont commencé à parler de retard en matière de lobbying dès le début des années 2000 (LHARDIT Laurent, ORSATELLI Laurent, « Lobbying : agir en stratège ! », La Lettre du cadre territorial, décembre 2000). La science politique a, avant cet ouvrage, été très peu attentive à cette problématique en dehors de PORTELLI H., « Les lobbies au niveau local », Pouvoirs, n°79, 1996 et POLLARD Julie, « Les groupes d'intérêt vus du local. Les promoteurs immobiliers dans le secteur du logement en France », Revue française de science politique, vol. 61, n°4, 2011, p. 681-705.
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International audience ; Ce chapitre n'a pas pour objet les nombreux débats qui se sont tenus autour de la représentation des intérêts. En se portant sur l'institutionnalisation de ceux qui l'exercent, il ne sera pas non plus question de retenir la seule face institutionnelle de la représentation des intérêts avec le CESE 1 au centre. Ces thèmes laissés de côté, le sujet est loin d'être clos. L'objet de cette contribution est de montrer comment un poste particulier de travail dans le champ politique, celui de représentant d'intérêts, a été reconnu et normalisé entre les années 1980 et 2015. Ce poste fera l'objet d'une double attention : une portée sur les logiques de recrutement de ceux qui l'occupent et une sur les effets de ce travail particulier. Avant ces deux parties, un point s'impose pour savoir où en la notion de représentants d'intérêts. On ne peut plus en effet faire l'économie d'un retour réflexif sur ce concept depuis qu'il est devenu la désignation officielle des individus devant s'enregistrer pour pouvoir exercer de l'influence (version européenne depuis le livre vert sur la transparence) ou pour pouvoir entrer dans les locaux parlementaires (version française depuis 2009). Les chercheurs ont en effet maintenant entre les mains un outil conceptuel chargé du sens que les institutions lui ont conféré 2. En passant par les institutions, ce concept a en effet fait l'objet d'une double transformation. Il est désormais focalisé sur ce que la langue politique ordinaire appelle des « lobbyistes », focale qu'il faut rouvrir sur les différentes façons de représenter des intérêts et non sur cette seule acception. Il est également assimilé à des personnes dont on prétend qu'il faut se méfier puisque ces réglementations sont l'objet de codes de bonnes conduites et d'une attention particulière de la part d'organisations pro-transparence qui en publient les avancées. Ne pas faire de morale politique est donc la seconde difficulté que pose cette nouvelle acception.
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International audience ; Depuis le milieu des années 1990, l'étude des groupes d'intérêt est redevenue un axe de recherche de la science politique française, indiquant de ce fait une transformation du rapport que les politistes entretiennent à nouveau avec ces objets. L'ambiance du champ politique décrite dans les années 1950 par M. Prélot («on ne parlait que de la pression sur les pouvoirs publics» 1) se retrouve même dans les années 2010 : le « lobbying » a simplement pris la place de la « pression » dans les discours et les analyses. Nous n'en sommes pas pour autant revenus à la possible publication d'un bilan annuel de la recherche 2. Les terrains laissés en friche sont nombreux, parmi lesquels le « local » fait partie des vides sidérants. Pour tenter de comprendre comment la recherche se tourne plus vers Bruxelles que vers une collectivité territoriale, il faut déjà commencer par savoir ce que sont les groupes d'intérêt. Ce sont en effet deux choses que l'on gagne à analyser séparément. D'un côté, c'est un cadre théorique forgé aux États-Unis qui invite à comprendre comment nombre d'organisations se concurrencent pour tenter de faire entrer dans le champ politique leurs idées, informations, conceptions ou valeurs. D'un autre côté, les groupes d'intérêt sont la réalité que l'on observe ainsi, ce continuum d'organisations au nom desquelles des individus, de plus en plus professionnalisés, parlent et ont comme activité d'interagir en continu avec les institutions. La face théorique des groupes d'intérêt amène à s'intéresser au « nomadisme » de cette conception issue des États-Unis 3 pour trouver dans l'appareil d'État français des pourfendeurs ou des adeptes : depuis les années 1950, elle n'a que très peu dépassé les portes de la capitale. L'objectif de ce chapitre est donc d'interroger cette frontière du « local » que la théorie des groupes d'intérêt ne fait que commencer à franchir. La deuxième face, pragmatique, des groupes d'intérêt suggère que le lobbying n'existe pas dans l'espace du pouvoir local car, ...
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International audience ; Ce chapitre n'a pas pour objet les nombreux débats qui se sont tenus autour de la représentation des intérêts. En se portant sur l'institutionnalisation de ceux qui l'exercent, il ne sera pas non plus question de retenir la seule face institutionnelle de la représentation des intérêts avec le CESE 1 au centre. Ces thèmes laissés de côté, le sujet est loin d'être clos. L'objet de cette contribution est de montrer comment un poste particulier de travail dans le champ politique, celui de représentant d'intérêts, a été reconnu et normalisé entre les années 1980 et 2015. Ce poste fera l'objet d'une double attention : une portée sur les logiques de recrutement de ceux qui l'occupent et une sur les effets de ce travail particulier. Avant ces deux parties, un point s'impose pour savoir où en la notion de représentants d'intérêts. On ne peut plus en effet faire l'économie d'un retour réflexif sur ce concept depuis qu'il est devenu la désignation officielle des individus devant s'enregistrer pour pouvoir exercer de l'influence (version européenne depuis le livre vert sur la transparence) ou pour pouvoir entrer dans les locaux parlementaires (version française depuis 2009). Les chercheurs ont en effet maintenant entre les mains un outil conceptuel chargé du sens que les institutions lui ont conféré 2. En passant par les institutions, ce concept a en effet fait l'objet d'une double transformation. Il est désormais focalisé sur ce que la langue politique ordinaire appelle des « lobbyistes », focale qu'il faut rouvrir sur les différentes façons de représenter des intérêts et non sur cette seule acception. Il est également assimilé à des personnes dont on prétend qu'il faut se méfier puisque ces réglementations sont l'objet de codes de bonnes conduites et d'une attention particulière de la part d'organisations pro-transparence qui en publient les avancées. Ne pas faire de morale politique est donc la seconde difficulté que pose cette nouvelle acception.
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Ce chapitre sur l'approche sectorielle des groupes d'intérêt souligne que tous les milieux d'affaires ne cadrent pas avec la prime qui leur serait octroyée par le système politique européen. Certains secteurs n'ont pas à leur disposition toutes les pièces du répertoire d'action collective et tous, du fait de leur histoire et des compétences politiques disponibles, ne sont pas légitimes ou actifs dans les mêmes arènes institutionnelles. Cette conclusion ne minore en rien l'efficacité des représentants dominants de ce secteur. Réguler le transport sur route ne peut faire l'économie des groupements transnationaux. Cette " donne " qui court tout au long du XXe siècle produit encore des effets au XXIe.
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Ce chapitre sur l'approche sectorielle des groupes d'intérêt souligne que tous les milieux d'affaires ne cadrent pas avec la prime qui leur serait octroyée par le système politique européen. Certains secteurs n'ont pas à leur disposition toutes les pièces du répertoire d'action collective et tous, du fait de leur histoire et des compétences politiques disponibles, ne sont pas légitimes ou actifs dans les mêmes arènes institutionnelles. Cette conclusion ne minore en rien l'efficacité des représentants dominants de ce secteur. Réguler le transport sur route ne peut faire l'économie des groupements transnationaux. Cette " donne " qui court tout au long du XXe siècle produit encore des effets au XXIe.
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Ce Chapitre a pour objectif de présenter ce qu'est la critique néo-pluraliste en insistant sur ces deux apports méconnus : comment et par qui la loi est produite. Il sera également question de préciser que le pluralisme, introduit en France à la fin des années 1950, est également utilisé pour penser l'Union européenne même si le débat n'a ni la même intensité ni la même publicité qu'aux Etats-Unis. En somme, le pluralisme est toujours le mode de pensée ordinaire de la vie politique dont la critique n'a pas réussi à faire réviser certains postulats
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Ce Chapitre a pour objectif de présenter ce qu'est la critique néo-pluraliste en insistant sur ces deux apports méconnus : comment et par qui la loi est produite. Il sera également question de préciser que le pluralisme, introduit en France à la fin des années 1950, est également utilisé pour penser l'Union européenne même si le débat n'a ni la même intensité ni la même publicité qu'aux Etats-Unis. En somme, le pluralisme est toujours le mode de pensée ordinaire de la vie politique dont la critique n'a pas réussi à faire réviser certains postulats
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