Résumé À partir d'une étude ( inecolito Deboudt coord. puca-medd , 2005-2008) menée sur un site de la Côte d'Opale (Pas-de-Calais) doté de fortes aménités environnementales, une station balnéaire réputée – Le Touquet-Paris-Plage –, cet article propose une lecture des formes d'inégalités écologiques que développent l'attractivité croissante des sites littoraux et la montée concomitante des préoccupations écologiques. Il s'agit, à travers la manière dont les résidents de ces sites définissent et qualifient leur environnement naturel et urbain, à travers les usages qu'ils ont de ses aménités, et la légitimité qu'ils s'octroient et octroient aux autres usagers potentiels (résidents et touristes) à en bénéficier, de montrer comment l'écologisation des sociétés, au sens de Kalaora (2001), conduit à activer des logiques de ségrégation sociale légitimées par la nécessité de réguler l'accès aux sites naturels littoraux.
La construction des connaissances est une problématique centrale de l'exploitation et de la préservation des ressources marines. Dans le cadre de la définition et de la mise en ½uvre de la Politique commune de la pêche (PCP), l'évaluation scientifique des stocks halieutiques et de leur évolution fait l'objet de controverses entre pêcheurs et scientifiques, voire entre ces derniers, - biologistes et économistes des pêches. Les modèles qui fondent cette évaluation ainsi que les sources et techniques de collecte des données sont au c½ur des débats. Sans suffire à la remise en cause des modalités de l'expertise scientifique, les doutes émis sur la fiabilité des méthodes suscitent une réflexion de fond sur les incertitudes qui lui sont inhérentes et sur la contribution potentielle des pêcheurs à la construction des connaissances halieutiques. Depuis la réforme de la PCP en 2002, la Commission européenne (CE) reconnait certes la nécessaire participation des professionnels, mais en restreignant celle-ci à un objectif unique : rendre plus fiable et légitime l'expertise scientifique.
Le futur Parc national des calanques, aux portes d'une agglomération de près de deux millions d'habitants, est porteur de nombreux enjeux liés à la proximité de la ville. Ceux-ci sont mis en débat dans des arènes instituées par le GIP, et dans celles plus spontanées qu'animent des collectifs de résidents -- usagers locaux, dont les pratiques et la nécessaire implication sont reconnues par la nouvelle loi sur les parcs (2006). L'objectif de notre article est de montrer comment au nom de la protection de la nature sont finalement renforcées des formes plurielles d'inégalités environnementales. Ni la dimension périurbaine du parc national, ni sa mission d'accueil n'ont permis de faire valoir des préoccupations en termes d'égalité d'accès ou d'ouverture au public. L'occultation de cette périurbanité, voire son assimilation à ses seuls impacts négatifs sur le milieu naturel (sur ou mal-fréquentation, pollutions), ainsi que la délégitimation des usages du plus grand nombre (" non-traditionnels " et " moins méritants ") l'explique en grande partie. Afin de compléter notre réponse et de mieux mettre en exergue l'articulation entre ville et nature dans le projet de parc, nous focalisons ensuite sur l'exemple du quartier de la Cayolle, porte d'accès viaire de la calanque habitée de Sormiou (cabanons). Les interactions entre politique de préservation et stratégie de requalification urbaine y sont patentes. Mais l'évitement des questions qu'elles posent en termes d'inégalités n'a pas permis au parc en constitution d'être un catalyseur de développement social pour le quartier. / The future National park of creeks, near an urban area of about two million inhabitants, is cause for numerous stakes connected to the nearness of the city. These issues are discussed in both arenas established by the Public Interest Grouping , and in those more spontaneous leaded by action groups of residents - local users, which practices and their necessary implication are recognized by the new law on parks (on 2006). Our aim is to show how the ...
International audience ; In France, like in other parts of the world, environmental-protection policies appear to have taken note of local resistance driven by the eviction of populations and restrictions on their use of certain areas. The amendment to the law on French national parks (2006 reform) as such recognized that local populations can help to protect natural environments, as well as their right to participate in defining the charter (or spatial plan) of new parks. This article analyses the creation and local acceptance of the Calanques National Park, a peri-urban park and the first of a new generation of parks in mainland France. Our approach is based on the analytical framework of environmental effort. Using a qualitative corpus of semi-structured interviews and direct observation, we explore three analytical axes. We begin by analyzing the consultation process conducted during the creation of the park. This points up inequalities in access to the public sphere and underscores that only a few, well-endowed user-organizations truly helped define the 'good use' of the Calanques that became a reference in the park's charter. Then we examine how such unequal user participation impacted the wording used in the charter and the distribution of environmental effort demanded of different users. Lastly, the first two observations lead us to question the acceptability of the effort required and its division among users, particularly since the consultation process has been strongly criticized. We question how fairly the effort required by the park's creation was distributed, particularly given the lack of information and limited legitimacy afforded to the consultation process. Finally, we look at the blaming that has taken place amongst different users of the park—a process compounded for many of those interviewed by their fear of being deprived (unjustifiably, they felt) of their freedom to access nature. ; En France, comme dans d'autres régions du monde, les politiques de mise en protection de la nature semblent ...
International audience ; In France, like in other parts of the world, environmental-protection policies appear to have taken note of local resistance driven by the eviction of populations and restrictions on their use of certain areas. The amendment to the law on French national parks (2006 reform) as such recognized that local populations can help to protect natural environments, as well as their right to participate in defining the charter (or spatial plan) of new parks. This article analyses the creation and local acceptance of the Calanques National Park, a peri-urban park and the first of a new generation of parks in mainland France. Our approach is based on the analytical framework of environmental effort. Using a qualitative corpus of semi-structured interviews and direct observation, we explore three analytical axes. We begin by analyzing the consultation process conducted during the creation of the park. This points up inequalities in access to the public sphere and underscores that only a few, well-endowed user-organizations truly helped define the 'good use' of the Calanques that became a reference in the park's charter. Then we examine how such unequal user participation impacted the wording used in the charter and the distribution of environmental effort demanded of different users. Lastly, the first two observations lead us to question the acceptability of the effort required and its division among users, particularly since the consultation process has been strongly criticized. We question how fairly the effort required by the park's creation was distributed, particularly given the lack of information and limited legitimacy afforded to the consultation process. Finally, we look at the blaming that has taken place amongst different users of the park—a process compounded for many of those interviewed by their fear of being deprived (unjustifiably, they felt) of their freedom to access nature. ; En France, comme dans d'autres régions du monde, les politiques de mise en protection de la nature semblent prendre acte des résistances locales suscités par l'éviction des populations et la restriction de leur droit d'usage. L'évolution de la loi relative aux parcs nationaux français (réforme de 2006) reconnaît ainsi le concours de ces populations à la préservation des milieux naturels et leur droit de participer à la définition de la charte du parc (soit le projet de territoire)). Cet article propose une analyse de la création et de l'acceptation locale du Parc national des calanques, premier parc péri-urbain et de nouvelle génération en France métropolitaine. La grille de lecture mobilisée est celle de l'effort environnemental. A partir d'un corpus qualitatif associant entretiens semi-directifs et observations directes, trois axes d'analyse sont développés. Tout d'abord, l'analyse de la concertation menée lors de la création du parc, montre les inégalités d'accès à l'espace public soulignant que seules quelques organisations d'usagers, bien dotés en ressources, ont véritablement contribué à définir le « bon usage » des calanques, faisant référence dans la formulation de la charte du parc. Puis, l'analyse porte sur les implications de cette inégale participation à la formulation de la charte du parc en termes de répartition de l'effort environnemental entre les différents usagers. Enfin, ces deux premiers constats amènent à interroger l'acceptabilité de l'effort demandé et de sa répartition, d'autant que le processus de concertation est fortement critiqué. L'équité de la répartition de l'effort demandé par la mise en place du parc est interrogée au regard du manque d'information ou du peu de légitimité prêtée au processus de concertation. Elle est également pesée à l'aune des responsabilités attribuées aux différents usages du parc, exacerbée pour nombre d'interviewés par la crainte d'être privés, sans raison admissible à leurs yeux, de leur liberté d'accès à la nature. Ainsi le parc vient-il consolider, plus qu'il ne combat, certaines formes d'inégalités environnementales.
La qualité de l'environnement est progressivement devenue un élément de discrimination au sein des populations et un bien qu'il convient de préserver à long terme dans l'intérêt de l'humanité. L'analyse de mouvements sociaux et courants scientifiques ainsi que plusieurs travaux relatifs aux inégalités environnementales révèlent que cette préservation au bénéfice des générations présentes et futures s'articule difficilement à la lutte contre les inégalités sociales et environnementales. Elle tend même à les renforcer. Afin de comprendre cette difficulté, les auteurs, en prolongeant la réflexion de Pierre Rosanvallon, s'interrogent sur les liens de solidarité où le sentiment d'égalité est ravivé. Ils montrent alors que face aux enjeux environnementaux, la « communauté de destin », élargie aux générations futures et passées, est remise en cause, car distincte de « communautés d'épreuve » plurielles et constituées de collectifs socialement et écologiquement structurés.
International audience ; Cet ouvrage contribue, à travers la notion d'effort environnemental, au débat sur les relations entre équité et efficacité des politiques publiques. Quel est l'effort environnemental demandé et quelle est sa répartition sociale ? Quels principes y président et quels sentiments de justice ou d'injustice sont générés ? En quoi les politiques environnementales qui requièrent cet effort contribuent-elles à créer, renforcer ou diminuer les inégalités sociales et environnementales existantes ? Il explore l'hypothèse, inspirée des controverses présentes dans la littérature, d'un effort environnemental plus élevé des populations les plus vulnérables socialement, indépendamment de leur plus faible impact sur l'environnement. Elle est mise à l'épreuve de deux politiques environnementales sectorielles : celle des parcs nationaux pour la biodiversité et celles des mesures agro- environnementales européennes et captages Grenelle pour l'eau. Les cas d'étude choisis dans des territoires de l'hexagone ou ultra-marin sont analysés depuis les points de vue post-colonial, d'écologie politique et de justice environnementale. Ils ont permis de cheminer vers une conceptualisation de la notion d'effort environnemental.
En œuvrant à la protection du massif des Calanques de Marseille dès la fin du xix e siècle, des associations excursionnistes ont aussi élaboré et prescrit son bon usage, alors hygiéniste et érudit. Ces acteurs et leurs valeurs n'ont plus le monopole de cette définition. Aujourd'hui « doux » et éclectique plutôt que « sain » et élitiste, le « bon usage » du site se serait‑il démocratisé ? Cette interrogation trouve une acuité particulière avec la création récente du Parc national des Calanques.
International audience ; Since 2008, our research has involved sociological monitoring of the political construction of the Calanques National Park, its social uses and the environmental controversy that has arisen. We have addressed these issues in the context of their interaction with urban policies. This article analyses the interactions between the Calanques National Park and the city of Marseille through the analytical framework of environmental effort. Environmental effort can be defined as the socially differentiated and potentially unequal contribution of social actors to public environmental protection policies. First, we show how the territorial make-up of Marseille has always involved a great deal of crossover between the city, the countryside and nature. Second, we examine the boundaries between the city and nature today, a result of convergence between a prevailing naturalist vision that dominated the creation of the Calanques National Park and the city's urbanism strategy. Third, we show how the environmental effort required of the population in some districts to protect the Calanques in the context of park policy is compounded by an additional urban environmental effort required of inhabitants to support the transformations imposed on their immediate environment.