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"Comment expliquer la survie des États de facto, ces États Invisibles, isolés et considérés comme des "trous noirs", des entités séparatistes qui échappent au contrôle des capitales, ayant tous les attributs étatiques mais dont l'indépendance n'est pas reconnue par la communauté internationale? Alors que la plupart des écrits se sont concentrés sur l'impasse diplomatique et les jeux de pouvoir géopolitique, l'auteure a mis à profit ses études de terrain en Abkhazie et en Transnistrie en mettant en lumière les processus internes de ces anomalies du système international. Au-delà des conjonctures géopolitiques, les autorités des États de facto s'attèlent à forger une capacité économique et institutionnelle ainsi qu'une identité collective. Au fil du temps, les politiques de légitimation de la cause séparatiste et de l'"État" institutionnalisent ces entités et les ancrent dans l'imaginaire collectif. Sans nier l'importance des facteurs géopolitiques, l'auteure insiste sur des explications exogènes et endogènes et sur l'importance de conférer un certain degré d'autonomie aux acteurs locaux. Elle remet ainsi en question un ensemble d'idées reçues. Premièrement, contrairement à l'approche juridique, l'État est empirique : il est politique et sociologique. Deuxièmement, la séparation territoriale n'est pas nécessairement une stratégie ou un objectif, mais une conséquence. Troisièmement, bien souvent, ces conflits territoriaux ne sont pas ethniques à l'origine, mais sont plutôt "ethnicisés" au cours d'une lutte pour le pouvoir. Cet ouvrage rompt donc avec l'image des États de facto comme de simples marionnettes d'un État-patron."--

AbstractHow do we account for the reinforcement of identity particularisms despite transnational integration? This paper addresses the question by comparing two ethnolinguistic groups, Silesians and Kashubs in Poland. It is argued that in order to obtain state protection and tools to develop and survive, ethnic entrepreneurs adjust to institutions and discourses. Census politics, state laws' elaboration, transnational institutions represent openings to which groups adjust by reframing identity claims. In doing so, they re‐imagine and reinforce their communities. Following Rogers Brubaker, group‐making is presented as an eventful process where ethnic elites invest identity categories with groupness by taking advantage of opportunity windows at hand. Further, tracing changing political opportunities, strategic adjustments and groups' boomerang effect bid, the paper embeds identity groups within the social movement literature.

Le partage du pouvoir sous diverses formes fédérales est insuffisant pour résoudre sans partition les conflits entourant les États de facto. Nous proposons de sortir de l'approche purement institutionnelle et de dégager à des niveaux différents des incitations qui permettraient de briser l'impasse. La comparaison des justifications des revendications indépendantistes en Transnistrie et en Abkhazie permet d'identifier de tels processus : séduction économique et réconciliation historique. L'article se base sur l'approche transformative, qui combine les processus politiques parallèles, complémentaires et adaptés, propices aux éventuels arrangements institutionnels. Il introduit également l'élément émotionnel/historique des hostilités, globalement négligé en science politique.

Abstract.The article explores the relationship between institutional constraints and nation-building. Non-recognized Rusyns in Ukraine and Silesians in Poland respond instrumentally to state definitions of "minority." Moreover, both groups adjust their strategies to European structures and discourses which provide new ways to frame their identity claims. Institutions determine the constraints and incentives of group action. Identity is not only constructed, but is reconstructed in a rational way. Contrary, however, to the rational choice instrumental perspective which would predict an assimilation process, state policies encourage the Rusyns and Silesians to re-imagine and reinforce their distinctiveness.Résumé.L'article examine le lien qui existe entre les contraintes institutionnelles et l'édification de la nation. Non reconnus, les Ruthènes en Ukraine et les Silésiens en Pologne réagissent instrumentalement aux définitions du terme «minorité» établies par ces États. De plus, les deux groupes adaptent leurs stratégies aux structures et aux discours de l'Europe, qui leur permet de formuler leurs revendications identitaires d'une nouvelle manière. Les institutions établissent les contraintes et les incitatifs à l'action collective. L'identité n'est pas seulement construite, elle est reconstruite de façon rationnelle. Contrairement, toutefois, à la perspective instrumentale du choix rationnel qui aurait prédit un processus d'assimilation, les politiques étatiques incitent les Ruthènes et les Silésiens à ré-imaginer et à renforcer leur identité distincte.