Henri-Gabriel IBELS (1867-1936) : un promeneur engagé
Dans le cercle auto-proclamé des Nabis, Henri-Gabriel Ibels est sans aucun doute l'artiste le plus méconnu. Il est pourtant, avec Paul Sérusier, l'un des membres fondateurs de ce groupe symboliste, et participe dès 1891 à leurs côtés aux expositions collectives de la galerie du Barc de Bouteville. Il prend toutefois ses distances avec ce cercle pour se consacrer, ainsi qu'il l'admettra dans ses mémoires, aux « luttes politiques » de son temps. Ibels s'intéresse en effet, dès le début de sa carrière, aux questions sociales et à leurs réponses politiques, en particulier anarchistes. Au cours de la décennie 1890, il produit ainsi un nombre considérable d'imprimés (programmes de théâtre, dessins de presse, affiches…) dans lesquels est visible sa volonté de communiquer avec et pour le peuple. Tout en conservant une esthétique marquée par le symbolisme nabi, ses oeuvres laissent transparaître une radicalisation de l'engagement d'Ibels. Il convient dès lors d'étudier cette évolution de la position d'Ibels, comme artiste mais aussi, peut-être, comme intellectuel de son temps, en étudiant successivement trois moments distincts de son oeuvre et de sa biographie. Le premier, marqué par son attachement aux nabis, laisse toutefois entrevoir une empathie pour le peuple des travailleurs. Le second, au cours duquel il devient un collaborateur régulier de divers titres de presse anarchisants, rend compte de l'affirmation politique d'Ibels, tout en révélant son indépendance d'esprit. Celle-ci est finalement confirmée lors du troisième temps, l'Affaire Dreyfus, pour laquelle il s'engage de façon précoce et entière.