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Par l'appui sur une enquête ethnographique au long cours (2016-2019) à la cité des Bosquets de Clichy-sous-Bois et au quartier du Chemin-Bas d'Avignon à Nîmes, l'article propose un retour sur le réinvestissement de la tradition islamique parmi l'immigration postcoloniale et ouvrière – plus spécifiquement celle maghrébine. À l'encontre de la thèse de la rupture générationnelle, il vise à montrer que la réaffiliation à l'islam est tributaire d'une alliance sanctifiée religieusement entre les ouvriers immigrés – devenus les « anciens » de la communauté – et leurs enfants. Les uns ont ainsi œuvré à la construction des mosquées en cité, les autres investissent le « souci de soi » que fonde le redoublement des actes de l'adoration rituelle.

L'article propose une relecture la controverse insécablement politique et épistémologique qui prend forme dans le problème musulman en France. Il retrace deux de ses motifs constitutifs : l'un libéral qui correspond au paradigme de la lutte contre la radicalisation, l'autre conservateur apparaissant avec la thèse du séparatisme islamiste. En creux de la dispute autour du problème musulman, il s'agit ensuite de retrouver le motif manquant – celui que l'on affirme socialiste – en vue d'appréhender autrement, de façon tout à fait sociologique, la réaffiliation religieuse parmi les immigrés et leurs enfants. Ce motif refoulé dans notre conscience collective est fondé sur l'appréhension du social comme dimension sui generis , irréductible tant à son identification libérale à une classe d'éléments reliés par l'analogie de propriétés sociales qu'à la réaction conservatrice déliant la nation des solidarités pratiques qui ne cessent pourtant de la parcourir. Intrinsèquement sociologique et politique, le motif socialiste se découvre en filigrane de la refondation réflexive qui prend forme dans le réinvestissement de la tradition islamique parmi les immigrés et leurs enfants.

In his lectures of 1976 at the Collège de France, "Society must be
defended", Foucault reversed the famous Clausewitz's
aphorism1 and stated that "politics is the continuation of war by
other means". By doing so, he addressed a strong critique to the traditional
theory of the State1, which consisted in the refutation of the
ontological distinction between modern government and war.
Following on Foucault's remarks, this article aims to understand the form of
power that rises through modern Islamophobia in France, and specifically
via the struggle against what is called "radicalization".
Thus, the definition of "radicalization" is used by the State to re-establish
its symbolic borders and to define the internal enemy, allowing the continuation
of "the war by other means". Therefore, the struggle against "radicalization"
consists in at least two specific forms of power: the punishment, highlighted by
the contemporary upheavals in antiterrorist justice, and the disciplinary
apparatus designed to prevent "radicalization" through a psychopathological
approach. Hence, a variety of institutions are mobilized for the surveillance
and neutralization of Muslim populations, such as school, prison and social
welfare.
The article combines a short genealogy of the notion (within both academic and
political fields) and the results of a long-term fieldwork conducted in France
with relatives of those who went to jihad, as well as
observations of antiterrorist trials and interviews with social workers. In both
cases, the article aims to demonstrate that "radicalization" is the key notion
that allows the State to re-impose its sovereignty on its subjects and
territory.