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Une défense de l'hypothèse de la centralité du travail doit faire face au risque d'une dérive qui serait celle de l'absolutisation du travail. On court ce risque à partir du moment où on découple l'hypothèse de la centralité du travail de la critique des formes prises actuellement par le travail, c'est-à-dire à partir du moment où on assimile la centralité du travail à la forme particulière que les sociétés capitalistes lui ont donnée. On absolutise alors la forme présente, c'est-à-dire capitaliste, prise par la centralité du travail et on risque d'être conduit à une métaphysique du travail d'où toute dimension critique a disparu. On peut contrer cette dérive toujours possible en ouvrant l'hypothèse de la centralité du travail sur l'horizon normatif d'une exigence de maîtrise démocratique exercée sur les conditions du travail par les travailleurs eux-mêmes, et en donnant à cet horizon normatif un ancrage réaliste dans la division sociale du travail comprise comme l'élément d'une coopération sociale formatrice d'une éthicité démocratique.

Les trois dernières décennies ont été l'époque du grand recul du social : aussi bien dans la réalité, avec la remise en question systématique des conditions du fonctionnement des institutions du social, que dans la théorie avec (à droite) la construction de l'individu concurrentiel et (à gauche) le retour du commun. Les uns accusent le social (comme discours et comme institutions) de démobiliser les individus, les autres lui reprochent d'avoir substitué la simple gestion des « problèmes sociaux » à la « bonne » conflictualité politique et d'avoir ainsi occulté les formes de privatisation des communs qui étaient à l'œuvre. Cet article entreprend de dissiper les malentendus autour du social, sur la base du rappel de ce que le privateur des mondes communs n'est pas le social, mais le capital, et qu'il faut donc savoir ne pas se tromper d'adversaire.