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La théorie de l'apprentissage institutionnel et la régionalisation du cinquième plan, par Pierre Grémion
Est-il possible à partir de la mise en oeuvre de la régionalisation du Cinquième Plan, de vérifier empiriquement la théorie sociologique de la planification comme apprentissage institutionnel élaborée par Michel Crozier ? Le problème central est celui de la mesure des effets réels d'une action administrative fondée sur l'influence. L'observation des attitudes et des comportements des fonctionnaires, des élus locaux et des représentants socio-professionnels montre notamment que le modèle d'organisation bureaucratique n'est pas caractérisé par l'absence de relations entre les administrations publiques et leur environnement mais par une certaine structure de ces relations. L'une des dimensions de cette structure de relations est la relation de tutelle dont l'examen montre que la bureaucratie publique, loin être coupée de la société est en réalité un canal d'expression des intérêts corporatistes dans le système politique, intérêts qui ne peuvent pas s'exprimer par le canal représentatif. Il n'y a pas d'apprentissage institutionnel et un nouveau mode de pouvoir et de rationalité ne passe pas à travers la planification ; deux modes de pouvoir et de rationalité continuent à coexister.
[Revue française de science politique XXIII (2), avril 1973, pp. 305-320.]

Les études sociologiques sur l' Administration française se sont multipliées depuis quatre ans. Mais comme il est normal dans un premier temps d'investigation exploratoire, les fondements théoriques et méthodologiques de ces travaux demeuraient parfois incertains. Pour surmonter ces insuffisances l'auteur s'efforce de présenter ici un certain nombre d'outils conceptuels qui devraient permettre de dépasser le premier stade des descriptions monographiques.
C'est par une réflexion en terme de système que peut, selon l'auteur, s'opérer ce dépassement. C'est en examinant en quoi les régulations entre l'appareil bureaucratique de l'État et la société civile forment «système » que l'analyse sociologique peut définir son autonomie propre entre le Droit public et la Science politique. Cette analyse de système s'appuie sur la sociologie de l'organisation ; mais une sociologie de l'organisation intégrant les variables d' environnement.
Cet article est ainsi justiciable d'une double lecture. Il constitue une première théorie «middle range » du système politico-administratif local centré sur les phénomènes de pouvoir qui se développent dans les systèmes bureaucratiques centralisés autour de la transgression de l' universalisme de la règle Il voudrait aussi, à un second niveau, définir un modèle d'analyse des régulations sociales existant entre toute organisation et son environnement par la médiation de «réseaux de relais » péri-organisationnels indispensables à l'organisation pour l'incarnation de ses objectifs en terme d'action.

L'analyse du changement administratif se limite trop souvent à l'étude des réformes de structures qui aboutissent au terme d'une évolution du droit ou sous la pression des transformations de la société globale. Mais la liaison entre changement de structure et changement de pratique administrative ne saurait aller de soi. En prenant comme point de départ une réforme de structure, comme la réforme régionale de 1964 , l'auteur s'interroge sur les mécanismes de changement : la réforme opérée conduit-elle à un changement de pratique , ou n'y a-t-il qu'un transfert de pratique de la structure départementale à la structure régionale? C'est dans les relations que toute organisation administrative entretient avec son environnement que peut être recherché le mécanisme de résistance au changement de l'Administration territoriale. Le cas des institutions régionales est pris ici comme exemple pour analyser quelques-uns de ces mécanismes.

Les systèmes d'information dans l'administration publique, par Pierre Grémion et Haroun Jamous
Comment formuler les éléments d'une problématique sociopolitique des systèmes d'information dans l'administration publique ? A partir d'une préenquête portant sur les premières tentatives de mise en place de système d'information dans l'administration publique, l'examen critique de ces premières expériences permet d'isoler quatre thèmes d'analyse : 1. la dynamique organisationnelle d'implantation des systèmes d'information ; 2. la relation entre détention d'information et modification des relations de pouvoir ; 3. le rôle sociopolitique des experts ; 4. la liaison entre accumulation d'informations et finalités de l'action publique.
[Revue française de science politique XXIV (2), avril 1974, pp. 214-235.] INFORMATION SYSTEMS IN PUBLIC ADMINISTRATION PIERRE GR MION and HAROUN JAMOUS How can the components of socio-political problematic of information systems public administration be expressed On the basis of preliminary survey concerning initial attempts to establish an information system in public administration critical review of these initial experiments indicates four themes of analysis the organisational dynamics of setting up information systems the relationship between holding information and modifying power relations the socio-political role of experts the link between the accumulation of information and the object of government action Revue -fran aise de science politique XXIV 2) avril 1974 pp 214-235.

RéSUMé En suivant un fil chronologique, l'article donne des points de repère sur l'évolution des acteurs et savoirs des experts de la réforme de l'État en France. L'unité de lieu et de milieu des années 1980 autour de figures issues des élites administratives, des cercles universitaires et intellectuels français réunis dans des clubs de pensée a évolué dans les années 1990 vers à la fois une multiplicité d'acteurs privés – Think tanks et consultants internationaux – et une uniformité des méthodes de modernisation publique : le recours à l'importation d'outils de gestion et normes issues du privé. Cet angle d'appréhension chronologique ouvre plus largement sur une analyse de la transformation du monde des élites dirigeantes et des élites intellectuelles nationales. La réforme devenue synonyme d'importation des normes privées dans le secteur public dans les années 1990 a créé un véritable marché international de l'expertise, remettant en cause les ressources des élites traditionnelles françaises en mutation et recomposition aujourd'hui.