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On envisage trop fréquemment le conflit syrien à partir des éléments de son histoire très récente. Un retour sur les étapes qui ont précédé l'émergence de l'État-nation syrien permet de mesurer le poids de l'histoire et la complexité du processus de la construction nationale. L'Antiquité, le Moyen-âge, la période omeyyade, celle de l'Empire ottoman, puis la décolonisation et la construction nationale sont autant de strates de l'histoire syrienne qui permettent de comprendre comment s'articulent les identités, les sentiments d'appartenance et la mobilisation des imaginaires constitutifs des différentes idéologies nationales à l'œuvre dans la période contemporaine et jusqu'à ce jour. Le nationalisme, l'islamisme, le panarabisme ont chacun idéalisé un pan du passé de la Syrie mais étaient voués à l'échec, chacun pour des raisons liées à leur propre structure. Ce retour sur quelques jalons de l'histoire syrienne contribue à expliquer l'inachèvement de la construction nationale jusqu'à la crise actuelle. Les fragmentations sociale, économique et politique plongent aujourd'hui la Syrie dans une situation de rupture violente et la mettent au défi de prendre acte de ce qui est mort et que puisse advenir ce qui n'est pas encore né.

Des « conseils locaux » ont été mis en place à partir de 2012 dans un grand nombre de villes des zones échappant au contrôle du régime. Ces conseils étaient soit élus, soit composés d'une proportion variable de notables, de personnalités locales, d'activistes, de fonctionnaires. Leur objectif était de pallier la disparition de l'État et de remettre sur pied les services publics d'éducation, de santé, de police et de justice. Ils ont été confrontés au double défi de l'absence de ressources, de la militarisation, qui dans bien des cas, a abouti à la mise à l'écart des structures civiles au profit des groupes armés, et de la fragmentation du territoire, qui a entravé tout effort de coordination. Si on peut voir dans ces expériences une esquisse de ce que pourrait être un futur pouvoir civil décentralisé, leur difficulté à résister à la violence laisse peu d'espoir.

Les Syriens font actuellement face à des interrogations sur leur identité, leur façon passée, présente et future de vivre ensemble, sur ce qui pourrait constituer une possibilité de « faire Syrie » ensemble. A la lumière des expériences qui se vivent actuellement dans certaines villes autogérées, des pistes se dégagent pour la construction d'une citoyenneté.