Soucieuse de répondre à des interrogations de l'histoire devant les turbulences du XXe siècle, racismes d'hier et d'aujourd'hui, génocides et violences coloniales, mes premières recherches ont porté sur les relations entre biologie et histoire. Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, j'ai entrepris une étude de la contribution de la bio-anthropologie à la construction des identités africaines, mise en relation avec les conflits contemporains, en relation aussi avec le développement d'autres secteurs de la connaissance dans lesquels les sciences naturelles sont longuement intervenues : la préhistoire, l'histoire des langues et du peuplement . Le modèle généalogique de l'histoire des peuples s'est déployé jusqu'à nos jours sur le terrain de l'Afrique comme sur d'autres, mais rejoint en Afrique la conviction répandue selon laquelle les individus d'un même groupe social descendent d'un ancêtre commun. La pensée naturaliste de l'Occident, biologisant l'ethnie, peut ainsi trouver un écho dans certains conflits actuels . Suivant les pistes historiographiques tracées par Jean-Pierre Chrétien pour comprendre ce qu'est un Chamite , un Bantu, un Cafre, un Tutsi, un Mwezi , mon projet, repris ici, était de présenter un état de la question " ethnique " vue par la biologie, à un moment-charnière de l'histoire du continent africain, c'est-à-dire avant et après l'émancipation des colonies, tout en m'interrogeant sur ses prolongements scientifiques et politiques pour le temps présent.
Soucieuse de répondre à des interrogations de l'histoire devant les turbulences du XXe siècle, racismes d'hier et d'aujourd'hui, génocides et violences coloniales, mes premières recherches ont porté sur les relations entre biologie et histoire. Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, j'ai entrepris une étude de la contribution de la bio-anthropologie à la construction des identités africaines, mise en relation avec les conflits contemporains, en relation aussi avec le développement d'autres secteurs de la connaissance dans lesquels les sciences naturelles sont longuement intervenues : la préhistoire, l'histoire des langues et du peuplement . Le modèle généalogique de l'histoire des peuples s'est déployé jusqu'à nos jours sur le terrain de l'Afrique comme sur d'autres, mais rejoint en Afrique la conviction répandue selon laquelle les individus d'un même groupe social descendent d'un ancêtre commun. La pensée naturaliste de l'Occident, biologisant l'ethnie, peut ainsi trouver un écho dans certains conflits actuels . Suivant les pistes historiographiques tracées par Jean-Pierre Chrétien pour comprendre ce qu'est un Chamite , un Bantu, un Cafre, un Tutsi, un Mwezi , mon projet, repris ici, était de présenter un état de la question " ethnique " vue par la biologie, à un moment-charnière de l'histoire du continent africain, c'est-à-dire avant et après l'émancipation des colonies, tout en m'interrogeant sur ses prolongements scientifiques et politiques pour le temps présent.
Soucieuse de répondre à des interrogations de l'histoire devant les turbulences du XXe siècle, racismes d'hier et d'aujourd'hui, génocides et violences coloniales, mes premières recherches ont porté sur les relations entre biologie et histoire. Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, j'ai entrepris une étude de la contribution de la bio-anthropologie à la construction des identités africaines, mise en relation avec les conflits contemporains, en relation aussi avec le développement d'autres secteurs de la connaissance dans lesquels les sciences naturelles sont longuement intervenues : la préhistoire, l'histoire des langues et du peuplement . Le modèle généalogique de l'histoire des peuples s'est déployé jusqu'à nos jours sur le terrain de l'Afrique comme sur d'autres, mais rejoint en Afrique la conviction répandue selon laquelle les individus d'un même groupe social descendent d'un ancêtre commun. La pensée naturaliste de l'Occident, biologisant l'ethnie, peut ainsi trouver un écho dans certains conflits actuels . Suivant les pistes historiographiques tracées par Jean-Pierre Chrétien pour comprendre ce qu'est un Chamite , un Bantu, un Cafre, un Tutsi, un Mwezi , mon projet, repris ici, était de présenter un état de la question " ethnique " vue par la biologie, à un moment-charnière de l'histoire du continent africain, c'est-à-dire avant et après l'émancipation des colonies, tout en m'interrogeant sur ses prolongements scientifiques et politiques pour le temps présent.
Soucieuse de répondre à des interrogations de l'histoire devant les turbulences du XXe siècle, racismes d'hier et d'aujourd'hui, génocides et violences coloniales, mes premières recherches ont porté sur les relations entre biologie et histoire. Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, j'ai entrepris une étude de la contribution de la bio-anthropologie à la construction des identités africaines, mise en relation avec les conflits contemporains, en relation aussi avec le développement d'autres secteurs de la connaissance dans lesquels les sciences naturelles sont longuement intervenues : la préhistoire, l'histoire des langues et du peuplement . Le modèle généalogique de l'histoire des peuples s'est déployé jusqu'à nos jours sur le terrain de l'Afrique comme sur d'autres, mais rejoint en Afrique la conviction répandue selon laquelle les individus d'un même groupe social descendent d'un ancêtre commun. La pensée naturaliste de l'Occident, biologisant l'ethnie, peut ainsi trouver un écho dans certains conflits actuels . Suivant les pistes historiographiques tracées par Jean-Pierre Chrétien pour comprendre ce qu'est un Chamite , un Bantu, un Cafre, un Tutsi, un Mwezi , mon projet, repris ici, était de présenter un état de la question " ethnique " vue par la biologie, à un moment-charnière de l'histoire du continent africain, c'est-à-dire avant et après l'émancipation des colonies, tout en m'interrogeant sur ses prolongements scientifiques et politiques pour le temps présent.
Depuis une dizaine d'années, plusieurs théories sur les origines de l'homme moderne se sont fait jour. La version la plus répandue est celle de l'origine africaine, dite " Out of Africa " ou théorie de " l'Eve africaine ". Certes, il n'est pas nouveau qu'Adam et Eve, mais aussi Cham et Noé, prêtent leur figure à des théories sur le peuplement de l'Afrique ; ces mythes ont été très présents dans l'historiographie portant sur ce continent. Or, ils ont récemment connu des changements de signification qu'il n'est pas sans intérêt d'observer. Scientifique et idéologique, récurrent dans la vision afrocentriste de l'histoire, le thème de l'origine africaine est également exploité par le racisme anti-noir, notamment celui de l'extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis. Eve a deux visages mais c'est précisément le propre des mythes d'autoriser des sens multiples, quelquefois opposés. Ces deux conceptions se réfèrent aux mêmes travaux, ceux des anthropologues, des paléontologues et des généticiens qui, depuis des décennies, ont mis au jour et analysé les traces de notre préhistoire lointaine. Comment de telles divergences d'interprétation ont-elles été possibles ? Ces contradictions ne sont pas nouvelles. L'histoire des sciences illustre le fait que les idées sur les origines de l'homme, en plus d'être éminemment passionnelles parce que d'ordre ontologique, sont étroitement liées aux fabrications idéologiques. Dans un siècle voué aux affrontements des grands ensembles mondiaux, ces idées ont été politiques parce que ces affrontements se sont superposés à une conception raciale des rapports de domination.
Depuis une dizaine d'années, plusieurs théories sur les origines de l'homme moderne se sont fait jour. La version la plus répandue est celle de l'origine africaine, dite " Out of Africa " ou théorie de " l'Eve africaine ". Certes, il n'est pas nouveau qu'Adam et Eve, mais aussi Cham et Noé, prêtent leur figure à des théories sur le peuplement de l'Afrique ; ces mythes ont été très présents dans l'historiographie portant sur ce continent. Or, ils ont récemment connu des changements de signification qu'il n'est pas sans intérêt d'observer. Scientifique et idéologique, récurrent dans la vision afrocentriste de l'histoire, le thème de l'origine africaine est également exploité par le racisme anti-noir, notamment celui de l'extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis. Eve a deux visages mais c'est précisément le propre des mythes d'autoriser des sens multiples, quelquefois opposés. Ces deux conceptions se réfèrent aux mêmes travaux, ceux des anthropologues, des paléontologues et des généticiens qui, depuis des décennies, ont mis au jour et analysé les traces de notre préhistoire lointaine. Comment de telles divergences d'interprétation ont-elles été possibles ? Ces contradictions ne sont pas nouvelles. L'histoire des sciences illustre le fait que les idées sur les origines de l'homme, en plus d'être éminemment passionnelles parce que d'ordre ontologique, sont étroitement liées aux fabrications idéologiques. Dans un siècle voué aux affrontements des grands ensembles mondiaux, ces idées ont été politiques parce que ces affrontements se sont superposés à une conception raciale des rapports de domination.
Depuis une dizaine d'années, plusieurs théories sur les origines de l'homme moderne se sont fait jour. La version la plus répandue est celle de l'origine africaine, dite " Out of Africa " ou théorie de " l'Eve africaine ". Certes, il n'est pas nouveau qu'Adam et Eve, mais aussi Cham et Noé, prêtent leur figure à des théories sur le peuplement de l'Afrique ; ces mythes ont été très présents dans l'historiographie portant sur ce continent. Or, ils ont récemment connu des changements de signification qu'il n'est pas sans intérêt d'observer. Scientifique et idéologique, récurrent dans la vision afrocentriste de l'histoire, le thème de l'origine africaine est également exploité par le racisme anti-noir, notamment celui de l'extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis. Eve a deux visages mais c'est précisément le propre des mythes d'autoriser des sens multiples, quelquefois opposés. Ces deux conceptions se réfèrent aux mêmes travaux, ceux des anthropologues, des paléontologues et des généticiens qui, depuis des décennies, ont mis au jour et analysé les traces de notre préhistoire lointaine. Comment de telles divergences d'interprétation ont-elles été possibles ? Ces contradictions ne sont pas nouvelles. L'histoire des sciences illustre le fait que les idées sur les origines de l'homme, en plus d'être éminemment passionnelles parce que d'ordre ontologique, sont étroitement liées aux fabrications idéologiques. Dans un siècle voué aux affrontements des grands ensembles mondiaux, ces idées ont été politiques parce que ces affrontements se sont superposés à une conception raciale des rapports de domination.
Depuis une dizaine d'années, plusieurs théories sur les origines de l'homme moderne se sont fait jour. La version la plus répandue est celle de l'origine africaine, dite " Out of Africa " ou théorie de " l'Eve africaine ". Certes, il n'est pas nouveau qu'Adam et Eve, mais aussi Cham et Noé, prêtent leur figure à des théories sur le peuplement de l'Afrique ; ces mythes ont été très présents dans l'historiographie portant sur ce continent. Or, ils ont récemment connu des changements de signification qu'il n'est pas sans intérêt d'observer. Scientifique et idéologique, récurrent dans la vision afrocentriste de l'histoire, le thème de l'origine africaine est également exploité par le racisme anti-noir, notamment celui de l'extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis. Eve a deux visages mais c'est précisément le propre des mythes d'autoriser des sens multiples, quelquefois opposés. Ces deux conceptions se réfèrent aux mêmes travaux, ceux des anthropologues, des paléontologues et des généticiens qui, depuis des décennies, ont mis au jour et analysé les traces de notre préhistoire lointaine. Comment de telles divergences d'interprétation ont-elles été possibles ? Ces contradictions ne sont pas nouvelles. L'histoire des sciences illustre le fait que les idées sur les origines de l'homme, en plus d'être éminemment passionnelles parce que d'ordre ontologique, sont étroitement liées aux fabrications idéologiques. Dans un siècle voué aux affrontements des grands ensembles mondiaux, ces idées ont été politiques parce que ces affrontements se sont superposés à une conception raciale des rapports de domination.
27 pages. ; The Great Lakes region of East Africa has been traditionnaly considered as the meeting area for population of various origins, different in language, culture and economic characteristics. In the past those differences where said to be " racials ". This argument was used by genocide ideology in Rwanda in order to prove the Hutu's only right to live in this territory. In this work we study the scientific foundations for such distinctions between Hutu, Twa and Tutsi as they were established by biological anthropology (essentially based on blood groups) from 1950 to 1985. A detailed historiographic and epistemologic analysis is proposed which describe the close connexion between science, politics and ideology in this matter of research. ; La région d'Afrique orientale dite " des grands lacs " est traditionnellement envisagée comme le point de rencontre historique de populations d'origine géographique diverse, se distinguant par la langue et certains traits économiques et culturels. Par le passé on a considéré ces différences comme " raciales ". Ce thème de l'origine raciale a nourri l'idéologie génocidaire au Rwanda, servant d'argument à l'affirmation des droits exclusifs du " peuple hutu " sur le territoire. L'étude présentée ici examine les fondements scientifiques des catégories de l'anthropologie biologique (essentiellement les études de groupes sanguins) entre Hutu, Twa et Tutsi. Elle propose une critique historiographique des travaux publiés entre 1950 et 1985 et décrit les profondes relations entre science, politique et idéologie dans ce domaine de la recherche occidentale.
27 pages. ; The Great Lakes region of East Africa has been traditionnaly considered as the meeting area for population of various origins, different in language, culture and economic characteristics. In the past those differences where said to be " racials ". This argument was used by genocide ideology in Rwanda in order to prove the Hutu's only right to live in this territory. In this work we study the scientific foundations for such distinctions between Hutu, Twa and Tutsi as they were established by biological anthropology (essentially based on blood groups) from 1950 to 1985. A detailed historiographic and epistemologic analysis is proposed which describe the close connexion between science, politics and ideology in this matter of research. ; La région d'Afrique orientale dite " des grands lacs " est traditionnellement envisagée comme le point de rencontre historique de populations d'origine géographique diverse, se distinguant par la langue et certains traits économiques et culturels. Par le passé on a considéré ces différences comme " raciales ". Ce thème de l'origine raciale a nourri l'idéologie génocidaire au Rwanda, servant d'argument à l'affirmation des droits exclusifs du " peuple hutu " sur le territoire. L'étude présentée ici examine les fondements scientifiques des catégories de l'anthropologie biologique (essentiellement les études de groupes sanguins) entre Hutu, Twa et Tutsi. Elle propose une critique historiographique des travaux publiés entre 1950 et 1985 et décrit les profondes relations entre science, politique et idéologie dans ce domaine de la recherche occidentale.
27 pages. ; The Great Lakes region of East Africa has been traditionnaly considered as the meeting area for population of various origins, different in language, culture and economic characteristics. In the past those differences where said to be " racials ". This argument was used by genocide ideology in Rwanda in order to prove the Hutu's only right to live in this territory. In this work we study the scientific foundations for such distinctions between Hutu, Twa and Tutsi as they were established by biological anthropology (essentially based on blood groups) from 1950 to 1985. A detailed historiographic and epistemologic analysis is proposed which describe the close connexion between science, politics and ideology in this matter of research. ; La région d'Afrique orientale dite " des grands lacs " est traditionnellement envisagée comme le point de rencontre historique de populations d'origine géographique diverse, se distinguant par la langue et certains traits économiques et culturels. Par le passé on a considéré ces différences comme " raciales ". Ce thème de l'origine raciale a nourri l'idéologie génocidaire au Rwanda, servant d'argument à l'affirmation des droits exclusifs du " peuple hutu " sur le territoire. L'étude présentée ici examine les fondements scientifiques des catégories de l'anthropologie biologique (essentiellement les études de groupes sanguins) entre Hutu, Twa et Tutsi. Elle propose une critique historiographique des travaux publiés entre 1950 et 1985 et décrit les profondes relations entre science, politique et idéologie dans ce domaine de la recherche occidentale.
27 pages. ; The Great Lakes region of East Africa has been traditionnaly considered as the meeting area for population of various origins, different in language, culture and economic characteristics. In the past those differences where said to be " racials ". This argument was used by genocide ideology in Rwanda in order to prove the Hutu's only right to live in this territory. In this work we study the scientific foundations for such distinctions between Hutu, Twa and Tutsi as they were established by biological anthropology (essentially based on blood groups) from 1950 to 1985. A detailed historiographic and epistemologic analysis is proposed which describe the close connexion between science, politics and ideology in this matter of research. ; La région d'Afrique orientale dite " des grands lacs " est traditionnellement envisagée comme le point de rencontre historique de populations d'origine géographique diverse, se distinguant par la langue et certains traits économiques et culturels. Par le passé on a considéré ces différences comme " raciales ". Ce thème de l'origine raciale a nourri l'idéologie génocidaire au Rwanda, servant d'argument à l'affirmation des droits exclusifs du " peuple hutu " sur le territoire. L'étude présentée ici examine les fondements scientifiques des catégories de l'anthropologie biologique (essentiellement les études de groupes sanguins) entre Hutu, Twa et Tutsi. Elle propose une critique historiographique des travaux publiés entre 1950 et 1985 et décrit les profondes relations entre science, politique et idéologie dans ce domaine de la recherche occidentale.
Le rapport de l'anthropologie biologique avec l'Afrique remonte aux origines des sciences de la nature au XVIIIe siècle, qui réaménagèrent le regard porté par l'Occident sur l'Afrique depuis le Moyen-Age. Des rapports de peur, de méfiance, de fascination, d'exploration et de domination ont marqué cette histoire qui a influencé les travaux d'objectif scientifique. Dans quelle mesure cette science, en retour, étant celle du pouvoir, a-t-elle orienté la perception que les Africains ont eu d'eux-mêmes, de leur identité, et leurs rapports sociaux et politiques ? Ces aspects des liens entre histoire et science, sont examinés au travers d'un ensemble de textes qui constituent des sources inhabituelles pour l'historien : articles de médecine, de biologie, de génétique, d'anthropologie physique. Ces textes sont analysés et confrontés avec, premièrement les événements contemporains de la production de ces articles, deuxièmement l'histoire ancienne des peuples concernés telle qu'elle est mieux connue aujourd'hui, troisièmement l'état des sciences en biologie, en anthropologie et en histoire au moment de la publication des textes. Ces différentes approches ont permis de discerner les aspects idéologiques ou politiques des travaux, d'en critiquer les données, les interprétations, les aspects théoriques et conceptuels, de suivre aussi le cheminement intellectuel, social, des auteurs quand cela a été possible. Dans sa relation à l'histoire du peuplement de l'Afrique, la génétique des populations implique des analyses sur trois champs différents : - histoire des sciences, - histoire du peuplement ancien de l'Afrique, - histoire contemporaine, par l'analyse des liens récents entre la recherche anthropologique et les événements de l'histoire africaine. La thèse se situe donc au carrefour de plusieurs disciplines et tente d'embrasser des situations allant du général (1ère et 2ème parties sur la situation de l'Afrique dans l'ensemble mondial) au particulier (3ème partie sur les situations régionales). Après une mise en perspective historique assez large (XVIIIe - 1950), elle se concentre sur une période restreinte (1945-1985), quarante années qui constituent la grande époque de la recherche sur la diversité biologique humaine à partir des systèmes sanguins). Deux grandes lignes de réflexion ont été suivies : - Une réflexion sur l'évolution de la production des sciences bio-anthropologiques dans le domaine du peuplement de l'Afrique, rapportée au contexte de l'évolution scientifique en général et au contexte politique international depuis la dernière guerre mondiale. Une analyse est conduite sur les auteurs et les grands thèmes de cette anthropologie. - Une réflexion comparative sur les travaux produits par les principales Puissances ayant exercé une influence durable sur la recherche en Afrique dans la période susdite : Puissances coloniales, Etats-Unis. La comparaison permet en outre de révéler l'internationalisation croissante de la recherche au cours de la période d'étude. Des liens entre science et histoire sont recherchés par une étude systématique du contexte dans lequel ces travaux ont été conduits : colonisation, décolonisation, guerre froide, construction des Etats, crises politiques internes. Ce travail est construit en trois parties dont les articulations sont à la fois thématiques et chronologiques. La première partie situe le sujet dans l'histoire depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit le plus souvent de appels brefs sur la situation de la biologie et de l'anthropologie, sur la connaissance des Occidentaux au sujet de l'Afrique subsaharienne et sur la naissance des théories transformistes. Le deuxième chapitre se concentre sur les aspects épistémologiques et idéologiques des travaux de Charles Darwin, leurs prolongements dans les différents domaines de l'érudition africaniste (linguistique, ethnologie, anthropologie physique) et de la politique internationale (impérialisme, nationalisme, colonisation, libéralisme et communisme). Le troisième volet de cette partie retrace l'émergence de la génétique des populations au carrefour des sciences de l'hérédité, des théories de l'évolution, de la mathématique statistique et de l'immunologie. La contribution personnelle de l'auteur est d'avoir fait de cette histoire déjà connue une lecture originale en adoptant le point de vue central de l'Afrique dans cette perception occidentale où s'entrecroisent les questions scientifiques, idéologiques, religieuses et politiques. Ainsi apparaît l'étonnante permanence des idées, des controverses, des représentations sur les origines de l'Homme et des "races", des interrogations sur la nature et la généalogie des Hommes. En Afrique, ces thèmes ont été alimentés par la présence de groupes de populations nettement différenciés aux yeux des Occidentaux, qui ont vu en eux les descendants des races originelles. Lieu de convergence de trois grands courants migratoires supposés, l'Afrique est devenu, dans l'imaginaire occidental, le miroir de cette triangulation raciale blanche, noire et asiatique. Dans la deuxième partie, est traité l'ensemble des publications qui forment les sources. Le premier chapitre (§2,1) est une description d'un premier ensemble constitué de toutes les publications parues de 1950 à 1985 faisant état de données originales sur la typologie sanguine de populations africaines. Il s'agit d'une étude formelle d'un fichier de références bibliographiques réalisée par des moyens informatiques. Au plan méthodologique, cet aspect de la recherche est le plus original. La bibliographie, un corpus de 898 références livrées en annexe, y est traitée comme des séries d'informations quantifiables, ce qui a permis une description des principales caractéristiques de la production scientifique sur le sujet : pays émetteurs, Etats africains concernés, marqueurs étudiés, nature et thèmes des supports de publications. Une analyse diachronique de ces éléments est présentée. Il s'y s'ajoute une documentation plus spécifiquement anthropo¬logique (§2,2), c'est-à-dire des textes qui se proposent d'interpréter la distribution des caractères sérologiques envisagés comme marqueurs. Est étudiée l'évolution du contexte scientifique, social et politique, dans lequel toutes ces publications ont pris place, très différent de celui qui précède la deuxième guerre mondiale (§2,2) : le concept de race est questionné, la recherche sur l'origine des ethnies africaines rejoint la problématique des origines de l'Homme. Aussi le troisième chapitre (§2,3) est consacré à cette question centrale de la place du peuplement de l'Afrique dans l'histoire mondiale du peuplement humain, thème majeur de l'anthropologie biologique sur toute la période considérée, mais où émerge en contrepoint, dès la fin des années cinquante, une anthroplogie de l'adaptation, faisant de l'Homme africain un acteur de son évolution sur sa terre. Il apparaît un regard différencié en fonction de l'origine des chercheurs (Britanniques, Sud-Africains), façonnés souvent par la perspective dans laquelle leur culture nationale les porte à effectuer les catégorisations des peuples en présence. Les évolutions sont appréciées en parallèle de celle, concomitante, des autres sciences (linguistique, archéologie, histoire) et de la participation croissante des intellectuels africains à la réflexion sur leur histoire et leur identité. La troisième partie présente l'étude de trois régions de l'Afrique choisies pour servir une démarche comparative : 1)-l'Afrique de l'Est sous influence belge (Rwanda, Burundi, est du Zaïre), où est présentée notamment une analyse des travaux d'anthropologie biologique sur les populations hutu et tutsi, l'évolution des conceptions de l'historiographie coloniale au sujet de l'origine de ces ethnies et la place de ces travaux dans les suites politiques tragiques de ces clivages ethniques. 2)-l'Afrique orientale britannique de la région des Grands Lacs (Ouganda, sud du Soudan, nord-ouest de la Tanzanie et ouest du Kenya), où est retracée l'évolution des travaux scientifiques en relation avec l'émergence difficile de certains jeunes Etats africains, le problème des populations du sud du Soudan, d'une part, la question des clivages entre peuples nilotiques ou soudaniques, et bantu, d'autre part. Il est décrit comment les résultats de la biologie ont invalidé les classifications classiques (hamites, nilotiques) et qu'apparaissent de nouvelles conceptions, régionales plutôt que linguistiques. Par ailleurs ces résultats, à l'issue de la période considérée, confirment une rencontre sans doute très ancienne entre des peuples africains issus de parties différentes de l'Afrique, leur entrecroisement progressif et très intime dans la région des Grands Lacs, confirmant les analyses les plus récentes dans les domaines de la linguistique historique et de l'archéologie des éco-systèmes. 3)-les pays de l'Afrique occidentale situés à l'intérieur de la boucle du Niger (Burkina Faso, Liberia, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria), où sont comparées les approches de l'anthropologie française, britannique et américaine, leur évolution avant et après les indépendances : centres d'intérêts et différences d'interprétation. Cette analyse permet de prendre du recul sur l'ensemble des travaux réalisés sur l'Afrique par les Puissances considérées et de retrouver le fil d'une réflexion amorcée dans les chapitres des premières et deuxième parties sur la façon différente dont les Puissances ont intériorisé l'idée d'évolution au XIXe siècle : la conception que se sont faite les Européens des devoirs et des droits du plus apte envers le moins apte, inscrite au coeur de l'idéologie coloniale, a également influé sur le mode d'administration des peuples colonisés. Du côté britannique l'anthropologie biologique a tendu à répondre aux besoins de compréhension et d'organisation hiérarchique de la société coloniale. Ceci est également valable pour les territoires sous influence belge en Afrique orientale. Du côté des Français en Afrique de l'Ouest, l'anthropologie n'a été que dans une moindre mesure chargée de répondre au même besoin. Du même coup l'anthropologie française n'a pas été ébranlée, comme l'ont été les conceptions des Britanniques, par l'avènement des Etats africains à la fin des années 1950. L'anthropologie biologique anglo-saxonne a reflété les changements politiques et, par conséquent, a évolué plus vite vers cette anthropologie de l'adaptation promise par les idées darwiniennes, mais paralysée pendant plus d'un siècle par le besoin de justifier l'entreprise coloniale. Les travaux des Américains en Afrique, très tôt orientés sur les questions adaptatives, suscitent des réflexions du même ordre, en raison de leur émergence à ce moment crucial de l'histoire de l'Afrique, à la veille des indépendances, en raison aussi de leur caractère marginal dans la production anthropologique américaine, restée très naturaliste. * * * Les aspects scientifiques ne sont pas négligés : les découvertes successives des systèmes sanguins, l'évolution des méthodes d'analyse et d'investigation, la réflexion épistémologique. La thèse montre l'importance extrême accordée par les chercheurs aux hémoglobines atypiques (notamment l'hémoglobine S responsable d'une maladie grave nommée drépanocytose), caractères qui ont semblé durant plusieurs décennies promettre des informations anthropologico-historiques de premier plan. Il a été montré que cette préoccupation devant les hémoglobines anormales a des raisons multiples dont certaines sont à rechercher dans les débuts de la génétique des populations, en ce qu'elle comportait de préoccupations eugénistes. En conclusion de la troisième partie, après avoir résumé les hypothèses récentes de la recherche bio-anthropologique sur la diversité humaine (théorie de l'Eve africaine, théorie polycentriste), il est procédé à une critique des principaux problèmes épistémologiques, méthodologiques et conceptuels des travaux actuels (légitimité des arborescences, horloges moléculaires, distances génétiques, coalescence, ambiguité du statut épistémologique des catégories ethniques, critique historique des données et des échantillons). Un bilan des acquis et des perspectives de ces recherches en matière d'histoire du peuplement, est présenté. Enfin, on s'interroge sur les possibilités de développement d'une génétique historique.
Le rapport de l'anthropologie biologique avec l'Afrique remonte aux origines des sciences de la nature au XVIIIe siècle, qui réaménagèrent le regard porté par l'Occident sur l'Afrique depuis le Moyen-Age. Des rapports de peur, de méfiance, de fascination, d'exploration et de domination ont marqué cette histoire qui a influencé les travaux d'objectif scientifique. Dans quelle mesure cette science, en retour, étant celle du pouvoir, a-t-elle orienté la perception que les Africains ont eu d'eux-mêmes, de leur identité, et leurs rapports sociaux et politiques ? Ces aspects des liens entre histoire et science, sont examinés au travers d'un ensemble de textes qui constituent des sources inhabituelles pour l'historien : articles de médecine, de biologie, de génétique, d'anthropologie physique. Ces textes sont analysés et confrontés avec, premièrement les événements contemporains de la production de ces articles, deuxièmement l'histoire ancienne des peuples concernés telle qu'elle est mieux connue aujourd'hui, troisièmement l'état des sciences en biologie, en anthropologie et en histoire au moment de la publication des textes. Ces différentes approches ont permis de discerner les aspects idéologiques ou politiques des travaux, d'en critiquer les données, les interprétations, les aspects théoriques et conceptuels, de suivre aussi le cheminement intellectuel, social, des auteurs quand cela a été possible. Dans sa relation à l'histoire du peuplement de l'Afrique, la génétique des populations implique des analyses sur trois champs différents : - histoire des sciences, - histoire du peuplement ancien de l'Afrique, - histoire contemporaine, par l'analyse des liens récents entre la recherche anthropologique et les événements de l'histoire africaine. La thèse se situe donc au carrefour de plusieurs disciplines et tente d'embrasser des situations allant du général (1ère et 2ème parties sur la situation de l'Afrique dans l'ensemble mondial) au particulier (3ème partie sur les situations régionales). Après une mise en perspective historique assez large (XVIIIe - 1950), elle se concentre sur une période restreinte (1945-1985), quarante années qui constituent la grande époque de la recherche sur la diversité biologique humaine à partir des systèmes sanguins). Deux grandes lignes de réflexion ont été suivies : - Une réflexion sur l'évolution de la production des sciences bio-anthropologiques dans le domaine du peuplement de l'Afrique, rapportée au contexte de l'évolution scientifique en général et au contexte politique international depuis la dernière guerre mondiale. Une analyse est conduite sur les auteurs et les grands thèmes de cette anthropologie. - Une réflexion comparative sur les travaux produits par les principales Puissances ayant exercé une influence durable sur la recherche en Afrique dans la période susdite : Puissances coloniales, Etats-Unis. La comparaison permet en outre de révéler l'internationalisation croissante de la recherche au cours de la période d'étude. Des liens entre science et histoire sont recherchés par une étude systématique du contexte dans lequel ces travaux ont été conduits : colonisation, décolonisation, guerre froide, construction des Etats, crises politiques internes. Ce travail est construit en trois parties dont les articulations sont à la fois thématiques et chronologiques. La première partie situe le sujet dans l'histoire depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit le plus souvent de appels brefs sur la situation de la biologie et de l'anthropologie, sur la connaissance des Occidentaux au sujet de l'Afrique subsaharienne et sur la naissance des théories transformistes. Le deuxième chapitre se concentre sur les aspects épistémologiques et idéologiques des travaux de Charles Darwin, leurs prolongements dans les différents domaines de l'érudition africaniste (linguistique, ethnologie, anthropologie physique) et de la politique internationale (impérialisme, nationalisme, colonisation, libéralisme et communisme). Le troisième volet de cette partie retrace l'émergence de la génétique des populations au carrefour des sciences de l'hérédité, des théories de l'évolution, de la mathématique statistique et de l'immunologie. La contribution personnelle de l'auteur est d'avoir fait de cette histoire déjà connue une lecture originale en adoptant le point de vue central de l'Afrique dans cette perception occidentale où s'entrecroisent les questions scientifiques, idéologiques, religieuses et politiques. Ainsi apparaît l'étonnante permanence des idées, des controverses, des représentations sur les origines de l'Homme et des "races", des interrogations sur la nature et la généalogie des Hommes. En Afrique, ces thèmes ont été alimentés par la présence de groupes de populations nettement différenciés aux yeux des Occidentaux, qui ont vu en eux les descendants des races originelles. Lieu de convergence de trois grands courants migratoires supposés, l'Afrique est devenu, dans l'imaginaire occidental, le miroir de cette triangulation raciale blanche, noire et asiatique. Dans la deuxième partie, est traité l'ensemble des publications qui forment les sources. Le premier chapitre (§2,1) est une description d'un premier ensemble constitué de toutes les publications parues de 1950 à 1985 faisant état de données originales sur la typologie sanguine de populations africaines. Il s'agit d'une étude formelle d'un fichier de références bibliographiques réalisée par des moyens informatiques. Au plan méthodologique, cet aspect de la recherche est le plus original. La bibliographie, un corpus de 898 références livrées en annexe, y est traitée comme des séries d'informations quantifiables, ce qui a permis une description des principales caractéristiques de la production scientifique sur le sujet : pays émetteurs, Etats africains concernés, marqueurs étudiés, nature et thèmes des supports de publications. Une analyse diachronique de ces éléments est présentée. Il s'y s'ajoute une documentation plus spécifiquement anthropo¬logique (§2,2), c'est-à-dire des textes qui se proposent d'interpréter la distribution des caractères sérologiques envisagés comme marqueurs. Est étudiée l'évolution du contexte scientifique, social et politique, dans lequel toutes ces publications ont pris place, très différent de celui qui précède la deuxième guerre mondiale (§2,2) : le concept de race est questionné, la recherche sur l'origine des ethnies africaines rejoint la problématique des origines de l'Homme. Aussi le troisième chapitre (§2,3) est consacré à cette question centrale de la place du peuplement de l'Afrique dans l'histoire mondiale du peuplement humain, thème majeur de l'anthropologie biologique sur toute la période considérée, mais où émerge en contrepoint, dès la fin des années cinquante, une anthroplogie de l'adaptation, faisant de l'Homme africain un acteur de son évolution sur sa terre. Il apparaît un regard différencié en fonction de l'origine des chercheurs (Britanniques, Sud-Africains), façonnés souvent par la perspective dans laquelle leur culture nationale les porte à effectuer les catégorisations des peuples en présence. Les évolutions sont appréciées en parallèle de celle, concomitante, des autres sciences (linguistique, archéologie, histoire) et de la participation croissante des intellectuels africains à la réflexion sur leur histoire et leur identité. La troisième partie présente l'étude de trois régions de l'Afrique choisies pour servir une démarche comparative : 1)-l'Afrique de l'Est sous influence belge (Rwanda, Burundi, est du Zaïre), où est présentée notamment une analyse des travaux d'anthropologie biologique sur les populations hutu et tutsi, l'évolution des conceptions de l'historiographie coloniale au sujet de l'origine de ces ethnies et la place de ces travaux dans les suites politiques tragiques de ces clivages ethniques. 2)-l'Afrique orientale britannique de la région des Grands Lacs (Ouganda, sud du Soudan, nord-ouest de la Tanzanie et ouest du Kenya), où est retracée l'évolution des travaux scientifiques en relation avec l'émergence difficile de certains jeunes Etats africains, le problème des populations du sud du Soudan, d'une part, la question des clivages entre peuples nilotiques ou soudaniques, et bantu, d'autre part. Il est décrit comment les résultats de la biologie ont invalidé les classifications classiques (hamites, nilotiques) et qu'apparaissent de nouvelles conceptions, régionales plutôt que linguistiques. Par ailleurs ces résultats, à l'issue de la période considérée, confirment une rencontre sans doute très ancienne entre des peuples africains issus de parties différentes de l'Afrique, leur entrecroisement progressif et très intime dans la région des Grands Lacs, confirmant les analyses les plus récentes dans les domaines de la linguistique historique et de l'archéologie des éco-systèmes. 3)-les pays de l'Afrique occidentale situés à l'intérieur de la boucle du Niger (Burkina Faso, Liberia, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria), où sont comparées les approches de l'anthropologie française, britannique et américaine, leur évolution avant et après les indépendances : centres d'intérêts et différences d'interprétation. Cette analyse permet de prendre du recul sur l'ensemble des travaux réalisés sur l'Afrique par les Puissances considérées et de retrouver le fil d'une réflexion amorcée dans les chapitres des premières et deuxième parties sur la façon différente dont les Puissances ont intériorisé l'idée d'évolution au XIXe siècle : la conception que se sont faite les Européens des devoirs et des droits du plus apte envers le moins apte, inscrite au coeur de l'idéologie coloniale, a également influé sur le mode d'administration des peuples colonisés. Du côté britannique l'anthropologie biologique a tendu à répondre aux besoins de compréhension et d'organisation hiérarchique de la société coloniale. Ceci est également valable pour les territoires sous influence belge en Afrique orientale. Du côté des Français en Afrique de l'Ouest, l'anthropologie n'a été que dans une moindre mesure chargée de répondre au même besoin. Du même coup l'anthropologie française n'a pas été ébranlée, comme l'ont été les conceptions des Britanniques, par l'avènement des Etats africains à la fin des années 1950. L'anthropologie biologique anglo-saxonne a reflété les changements politiques et, par conséquent, a évolué plus vite vers cette anthropologie de l'adaptation promise par les idées darwiniennes, mais paralysée pendant plus d'un siècle par le besoin de justifier l'entreprise coloniale. Les travaux des Américains en Afrique, très tôt orientés sur les questions adaptatives, suscitent des réflexions du même ordre, en raison de leur émergence à ce moment crucial de l'histoire de l'Afrique, à la veille des indépendances, en raison aussi de leur caractère marginal dans la production anthropologique américaine, restée très naturaliste. * * * Les aspects scientifiques ne sont pas négligés : les découvertes successives des systèmes sanguins, l'évolution des méthodes d'analyse et d'investigation, la réflexion épistémologique. La thèse montre l'importance extrême accordée par les chercheurs aux hémoglobines atypiques (notamment l'hémoglobine S responsable d'une maladie grave nommée drépanocytose), caractères qui ont semblé durant plusieurs décennies promettre des informations anthropologico-historiques de premier plan. Il a été montré que cette préoccupation devant les hémoglobines anormales a des raisons multiples dont certaines sont à rechercher dans les débuts de la génétique des populations, en ce qu'elle comportait de préoccupations eugénistes. En conclusion de la troisième partie, après avoir résumé les hypothèses récentes de la recherche bio-anthropologique sur la diversité humaine (théorie de l'Eve africaine, théorie polycentriste), il est procédé à une critique des principaux problèmes épistémologiques, méthodologiques et conceptuels des travaux actuels (légitimité des arborescences, horloges moléculaires, distances génétiques, coalescence, ambiguité du statut épistémologique des catégories ethniques, critique historique des données et des échantillons). Un bilan des acquis et des perspectives de ces recherches en matière d'histoire du peuplement, est présenté. Enfin, on s'interroge sur les possibilités de développement d'une génétique historique.
Le rapport de l'anthropologie biologique avec l'Afrique remonte aux origines des sciences de la nature au XVIIIe siècle, qui réaménagèrent le regard porté par l'Occident sur l'Afrique depuis le Moyen-Age. Des rapports de peur, de méfiance, de fascination, d'exploration et de domination ont marqué cette histoire qui a influencé les travaux d'objectif scientifique. Dans quelle mesure cette science, en retour, étant celle du pouvoir, a-t-elle orienté la perception que les Africains ont eu d'eux-mêmes, de leur identité, et leurs rapports sociaux et politiques ? Ces aspects des liens entre histoire et science, sont examinés au travers d'un ensemble de textes qui constituent des sources inhabituelles pour l'historien : articles de médecine, de biologie, de génétique, d'anthropologie physique. Ces textes sont analysés et confrontés avec, premièrement les événements contemporains de la production de ces articles, deuxièmement l'histoire ancienne des peuples concernés telle qu'elle est mieux connue aujourd'hui, troisièmement l'état des sciences en biologie, en anthropologie et en histoire au moment de la publication des textes. Ces différentes approches ont permis de discerner les aspects idéologiques ou politiques des travaux, d'en critiquer les données, les interprétations, les aspects théoriques et conceptuels, de suivre aussi le cheminement intellectuel, social, des auteurs quand cela a été possible. Dans sa relation à l'histoire du peuplement de l'Afrique, la génétique des populations implique des analyses sur trois champs différents : - histoire des sciences, - histoire du peuplement ancien de l'Afrique, - histoire contemporaine, par l'analyse des liens récents entre la recherche anthropologique et les événements de l'histoire africaine. La thèse se situe donc au carrefour de plusieurs disciplines et tente d'embrasser des situations allant du général (1ère et 2ème parties sur la situation de l'Afrique dans l'ensemble mondial) au particulier (3ème partie sur les situations régionales). Après une mise en perspective historique assez large (XVIIIe - 1950), elle se concentre sur une période restreinte (1945-1985), quarante années qui constituent la grande époque de la recherche sur la diversité biologique humaine à partir des systèmes sanguins). Deux grandes lignes de réflexion ont été suivies : - Une réflexion sur l'évolution de la production des sciences bio-anthropologiques dans le domaine du peuplement de l'Afrique, rapportée au contexte de l'évolution scientifique en général et au contexte politique international depuis la dernière guerre mondiale. Une analyse est conduite sur les auteurs et les grands thèmes de cette anthropologie. - Une réflexion comparative sur les travaux produits par les principales Puissances ayant exercé une influence durable sur la recherche en Afrique dans la période susdite : Puissances coloniales, Etats-Unis. La comparaison permet en outre de révéler l'internationalisation croissante de la recherche au cours de la période d'étude. Des liens entre science et histoire sont recherchés par une étude systématique du contexte dans lequel ces travaux ont été conduits : colonisation, décolonisation, guerre froide, construction des Etats, crises politiques internes. Ce travail est construit en trois parties dont les articulations sont à la fois thématiques et chronologiques. La première partie situe le sujet dans l'histoire depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit le plus souvent de appels brefs sur la situation de la biologie et de l'anthropologie, sur la connaissance des Occidentaux au sujet de l'Afrique subsaharienne et sur la naissance des théories transformistes. Le deuxième chapitre se concentre sur les aspects épistémologiques et idéologiques des travaux de Charles Darwin, leurs prolongements dans les différents domaines de l'érudition africaniste (linguistique, ethnologie, anthropologie physique) et de la politique internationale (impérialisme, nationalisme, colonisation, libéralisme et communisme). Le troisième volet de cette partie retrace l'émergence de la génétique des populations au carrefour des sciences de l'hérédité, des théories de l'évolution, de la mathématique statistique et de l'immunologie. La contribution personnelle de l'auteur est d'avoir fait de cette histoire déjà connue une lecture originale en adoptant le point de vue central de l'Afrique dans cette perception occidentale où s'entrecroisent les questions scientifiques, idéologiques, religieuses et politiques. Ainsi apparaît l'étonnante permanence des idées, des controverses, des représentations sur les origines de l'Homme et des "races", des interrogations sur la nature et la généalogie des Hommes. En Afrique, ces thèmes ont été alimentés par la présence de groupes de populations nettement différenciés aux yeux des Occidentaux, qui ont vu en eux les descendants des races originelles. Lieu de convergence de trois grands courants migratoires supposés, l'Afrique est devenu, dans l'imaginaire occidental, le miroir de cette triangulation raciale blanche, noire et asiatique. Dans la deuxième partie, est traité l'ensemble des publications qui forment les sources. Le premier chapitre (§2,1) est une description d'un premier ensemble constitué de toutes les publications parues de 1950 à 1985 faisant état de données originales sur la typologie sanguine de populations africaines. Il s'agit d'une étude formelle d'un fichier de références bibliographiques réalisée par des moyens informatiques. Au plan méthodologique, cet aspect de la recherche est le plus original. La bibliographie, un corpus de 898 références livrées en annexe, y est traitée comme des séries d'informations quantifiables, ce qui a permis une description des principales caractéristiques de la production scientifique sur le sujet : pays émetteurs, Etats africains concernés, marqueurs étudiés, nature et thèmes des supports de publications. Une analyse diachronique de ces éléments est présentée. Il s'y s'ajoute une documentation plus spécifiquement anthropo¬logique (§2,2), c'est-à-dire des textes qui se proposent d'interpréter la distribution des caractères sérologiques envisagés comme marqueurs. Est étudiée l'évolution du contexte scientifique, social et politique, dans lequel toutes ces publications ont pris place, très différent de celui qui précède la deuxième guerre mondiale (§2,2) : le concept de race est questionné, la recherche sur l'origine des ethnies africaines rejoint la problématique des origines de l'Homme. Aussi le troisième chapitre (§2,3) est consacré à cette question centrale de la place du peuplement de l'Afrique dans l'histoire mondiale du peuplement humain, thème majeur de l'anthropologie biologique sur toute la période considérée, mais où émerge en contrepoint, dès la fin des années cinquante, une anthroplogie de l'adaptation, faisant de l'Homme africain un acteur de son évolution sur sa terre. Il apparaît un regard différencié en fonction de l'origine des chercheurs (Britanniques, Sud-Africains), façonnés souvent par la perspective dans laquelle leur culture nationale les porte à effectuer les catégorisations des peuples en présence. Les évolutions sont appréciées en parallèle de celle, concomitante, des autres sciences (linguistique, archéologie, histoire) et de la participation croissante des intellectuels africains à la réflexion sur leur histoire et leur identité. La troisième partie présente l'étude de trois régions de l'Afrique choisies pour servir une démarche comparative : 1)-l'Afrique de l'Est sous influence belge (Rwanda, Burundi, est du Zaïre), où est présentée notamment une analyse des travaux d'anthropologie biologique sur les populations hutu et tutsi, l'évolution des conceptions de l'historiographie coloniale au sujet de l'origine de ces ethnies et la place de ces travaux dans les suites politiques tragiques de ces clivages ethniques. 2)-l'Afrique orientale britannique de la région des Grands Lacs (Ouganda, sud du Soudan, nord-ouest de la Tanzanie et ouest du Kenya), où est retracée l'évolution des travaux scientifiques en relation avec l'émergence difficile de certains jeunes Etats africains, le problème des populations du sud du Soudan, d'une part, la question des clivages entre peuples nilotiques ou soudaniques, et bantu, d'autre part. Il est décrit comment les résultats de la biologie ont invalidé les classifications classiques (hamites, nilotiques) et qu'apparaissent de nouvelles conceptions, régionales plutôt que linguistiques. Par ailleurs ces résultats, à l'issue de la période considérée, confirment une rencontre sans doute très ancienne entre des peuples africains issus de parties différentes de l'Afrique, leur entrecroisement progressif et très intime dans la région des Grands Lacs, confirmant les analyses les plus récentes dans les domaines de la linguistique historique et de l'archéologie des éco-systèmes. 3)-les pays de l'Afrique occidentale situés à l'intérieur de la boucle du Niger (Burkina Faso, Liberia, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria), où sont comparées les approches de l'anthropologie française, britannique et américaine, leur évolution avant et après les indépendances : centres d'intérêts et différences d'interprétation. Cette analyse permet de prendre du recul sur l'ensemble des travaux réalisés sur l'Afrique par les Puissances considérées et de retrouver le fil d'une réflexion amorcée dans les chapitres des premières et deuxième parties sur la façon différente dont les Puissances ont intériorisé l'idée d'évolution au XIXe siècle : la conception que se sont faite les Européens des devoirs et des droits du plus apte envers le moins apte, inscrite au coeur de l'idéologie coloniale, a également influé sur le mode d'administration des peuples colonisés. Du côté britannique l'anthropologie biologique a tendu à répondre aux besoins de compréhension et d'organisation hiérarchique de la société coloniale. Ceci est également valable pour les territoires sous influence belge en Afrique orientale. Du côté des Français en Afrique de l'Ouest, l'anthropologie n'a été que dans une moindre mesure chargée de répondre au même besoin. Du même coup l'anthropologie française n'a pas été ébranlée, comme l'ont été les conceptions des Britanniques, par l'avènement des Etats africains à la fin des années 1950. L'anthropologie biologique anglo-saxonne a reflété les changements politiques et, par conséquent, a évolué plus vite vers cette anthropologie de l'adaptation promise par les idées darwiniennes, mais paralysée pendant plus d'un siècle par le besoin de justifier l'entreprise coloniale. Les travaux des Américains en Afrique, très tôt orientés sur les questions adaptatives, suscitent des réflexions du même ordre, en raison de leur émergence à ce moment crucial de l'histoire de l'Afrique, à la veille des indépendances, en raison aussi de leur caractère marginal dans la production anthropologique américaine, restée très naturaliste. * * * Les aspects scientifiques ne sont pas négligés : les découvertes successives des systèmes sanguins, l'évolution des méthodes d'analyse et d'investigation, la réflexion épistémologique. La thèse montre l'importance extrême accordée par les chercheurs aux hémoglobines atypiques (notamment l'hémoglobine S responsable d'une maladie grave nommée drépanocytose), caractères qui ont semblé durant plusieurs décennies promettre des informations anthropologico-historiques de premier plan. Il a été montré que cette préoccupation devant les hémoglobines anormales a des raisons multiples dont certaines sont à rechercher dans les débuts de la génétique des populations, en ce qu'elle comportait de préoccupations eugénistes. En conclusion de la troisième partie, après avoir résumé les hypothèses récentes de la recherche bio-anthropologique sur la diversité humaine (théorie de l'Eve africaine, théorie polycentriste), il est procédé à une critique des principaux problèmes épistémologiques, méthodologiques et conceptuels des travaux actuels (légitimité des arborescences, horloges moléculaires, distances génétiques, coalescence, ambiguité du statut épistémologique des catégories ethniques, critique historique des données et des échantillons). Un bilan des acquis et des perspectives de ces recherches en matière d'histoire du peuplement, est présenté. Enfin, on s'interroge sur les possibilités de développement d'une génétique historique.