Question sur la question 3 (QSQ): de nouveaux équilibres institutionnels?; actes du colloque organisé le 14 juin 2013 à l'Université Toulouse 1 Capitole
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In: Revue française de droit constitutionnel, Band 123, Heft 3, S. 659-668
International audience ; Le sujet est original, et même, à la mode, comme certains ont pu l'affirmer 1 ; il est incontestablement un sujet d'étude qui n'est pas familier aux juristes. « La culture constitutionnelle du peuple » n'est pas un objet d'analyse saisi par ces derniers. Aussi ce sujet fournit-il aux juristes l'occasion de s'interroger sur la connaissance qu'ils sont susceptibles de produire sur un objet factuel qui constitue, par ailleurs, un sujet sociétal contemporain. Si l'on tente, dans un premier temps, de retenir quelques sens minimums pertinents du terme de culture, l'on peut s'interroger avec A.-M. Le Pourhiet pour savoir si le terme désigne un savoir, un habitus ou un comportement. Des sens communs mobilisables, il faut sans doute retenir la culture comme désignant des « connaissances dans un domaine particulier » ou comme un « ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » 2. De manière plus précise, L. M. Friedman identifie la « culture juridique » comme englobant « la connaissance, les attitudes et les modèles de comportement du public à l'égard du système juridique » 3. Lorsqu'elle porte sur la Constitution, l'étude de la culture présente un intérêt tout à fait déterminant dans la discipline du droit constitutionnel. Alors que la Constitution est une norme d'encadrement de l'exercice du pouvoir et donc un instrument juridique de limitation de celui-ci, la culture constitutionnelle participe de cette même lutte d'encadrement et de résistance face au pouvoir, comme cela a pu être souligné par M. Stéfanini. Plus la culture constitutionnelle est importante au sein du peuple et plus celui-ci est en mesure d'apprécier l'exercice du pouvoir et d'en identifier les abus ou les dérives éventuelles. Selon une lecture politico-sceptique, il peut être utile aux dominants que ne se développe pas une culture constitutionnelle ou que celle-ci demeure réservée à une élite. Dans les deux cas, l'absence de culture constitutionnelle profite au pouvoir. A cet égard, R. H. Mohamed a rappelé que la limitation de la culture constitutionnelle pouvait servir le pouvoir et, en particulier, une culture constitutionnelle ciblée. En tout état de cause, J. Vachey a pu constater que le peuple, en général, ne connait pas la Constitution ce qui constitue un obstacle au développement d'une culture constitutionnelle.
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International audience ; Commenter ici et aujourd'hui la conférence prononcée par Ernest Renan à la Sorbonne le 11 mars 1882, intitulée Qu'est-ce qu'une nation ?, pourrait apparaître quelque peu anachronique. Dans un monde globalisé, au sein duquel la figure de l'Etat est supposée se dissoudre, le concept de nation perdrait de son utilité à décrire le réel. Peut-être est-ce sous cet angle qu'il convient de commenter ce discours : que peut nous dire encore, dans son discours sur la nation, Ernest Renan, qui est susceptible de saisir nos sociétés contemporaines ? Face à la montée des nationalismes, au recul du libéralisme et au rejet de l'altérité dans nombre d'Etats occidentaux, la conception à la fois scientifique, humaniste et contingente de la nation a de quoi, aujourd'hui encore, faire sens dans la connaissance du réel. Le discours de la Sorbonne est prononcé en 1882 alors que Renan est au sommet de sa carrière. Il est, en effet, entré à l'académie française en 1878 et a produit une bibliographie plus que significative. Le discours sur la nation occupe une place importante dans son oeuvre, il est sans doute avec Prières sur l'Acropole, l'un des textes les plus connus de l'auteur, du moins pour les profanes. Renan dira lui-même de son discours, à l'occasion de la publication de celui-ci en 1887 dans les Discours et conférences : « Le morceau de ce volume auquel j'attache le plus d'importance, et sur lequel je me permets d'appeler l'attention du lecteur, est la conférence : Qu'est-ce qu'une nation ? J'en ai pesé chaque mot avec le plus grand soin : c'est ma profession de foi en ce qui touche les choses humaines, et, quand la civilisation moderne aura sombré par suite de l'équivoque funeste de ces mots : nation, nationalité, race, je désire qu'on se souvienne de ces vingt pages-là. Je les crois tout à fait correctes. On va aux guerres d'extermination, parce qu'on abandonne le principe salutaire de l'adhésion libre, parce qu'on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties le droit de s'annexer des provinces malgré elles. Des politiques transcendants se raillent de notre principe français, que, pour disposer des populations, il faut préalablement avoir leur avis. Laissons-les triompher à leur aise. C'est nous qui avons raison » (E. Renan, Discours et conférences, Calmann-Lévy, 1887, Préface, pp. II-III). La réception du discours est sans doute à la hauteur des prétentions de son auteur. La vision de Renan demeure d'ailleurs une référence dans la littérature scientifique au point que certains ont pu écrire que « le fameux « plébiscite de tous les jours » est en passe de devenir un leitmotiv de la théorie politique contemporaine » (P. Birnbaum, « Le retour d'Ernest Renan », Critique, 2005/6, n° 697-698, p. 518 et les citations de la note 1 à l'appui de cette affirmation). On retrouve
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International audience ; Le sujet est original, et même, à la mode, comme certains ont pu l'affirmer 1 ; il est incontestablement un sujet d'étude qui n'est pas familier aux juristes. « La culture constitutionnelle du peuple » n'est pas un objet d'analyse saisi par ces derniers. Aussi ce sujet fournit-il aux juristes l'occasion de s'interroger sur la connaissance qu'ils sont susceptibles de produire sur un objet factuel qui constitue, par ailleurs, un sujet sociétal contemporain. Si l'on tente, dans un premier temps, de retenir quelques sens minimums pertinents du terme de culture, l'on peut s'interroger avec A.-M. Le Pourhiet pour savoir si le terme désigne un savoir, un habitus ou un comportement. Des sens communs mobilisables, il faut sans doute retenir la culture comme désignant des « connaissances dans un domaine particulier » ou comme un « ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » 2. De manière plus précise, L. M. Friedman identifie la « culture juridique » comme englobant « la connaissance, les attitudes et les modèles de comportement du public à l'égard du système juridique » 3. Lorsqu'elle porte sur la Constitution, l'étude de la culture présente un intérêt tout à fait déterminant dans la discipline du droit constitutionnel. Alors que la Constitution est une norme d'encadrement de l'exercice du pouvoir et donc un instrument juridique de limitation de celui-ci, la culture constitutionnelle participe de cette même lutte d'encadrement et de résistance face au pouvoir, comme cela a pu être souligné par M. Stéfanini. Plus la culture constitutionnelle est importante au sein du peuple et plus celui-ci est en mesure d'apprécier l'exercice du pouvoir et d'en identifier les abus ou les dérives éventuelles. Selon une lecture politico-sceptique, il peut être utile aux dominants que ne se développe pas une culture constitutionnelle ou que celle-ci demeure réservée à une élite. Dans les deux cas, l'absence de culture constitutionnelle profite au pouvoir. A cet égard, R. H. Mohamed a rappelé que la limitation de la culture constitutionnelle pouvait servir le pouvoir et, en particulier, une culture constitutionnelle ciblée. En tout état de cause, J. Vachey a pu constater que le peuple, en général, ne connait pas la Constitution ce qui constitue un obstacle au développement d'une culture constitutionnelle.
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International audience ; Réduire le droit constitutionnel de Dominique Rousseau (DR) à une lecture jurisprudentielle du droit constitutionnel serait erroné. Le discours sur le droit constitutionnel de DR n'est pas un discours de droit constitutionnel jurisprudentiel classique, si l'on entend par là celui qui est né à Aix-en-Provence au début des années 90, et il n'est d'ailleurs pas majoritaire chez les constitutionnalistes français. L'affirmation peut paraître péremptoire, mais la singularité de DR dans le paysage doctrinal français est forte, encore aujourd'hui. Si l'objet de son travail, du moins celui qui nous intéresse ici, à savoir la justice constitutionnelle en France, n'a rien d'original, tel n'est pas le cas du regard ou, peut-être faudrait-il préférer le pluriel, des regards qu'il y porte. Cette contribution entend précisément mettre en évidence la singularité du discours de droit constitutionnel proposé par DR dans ses écrits de fond relatifs à la justice constitutionnelle. Le choix bibliographique 1 a consisté à ne retenir que les contributions de fond de DR, en excluant ainsi les notes et autres chroniques jurisprudentielles régulières, à la Revue de droit public en particulier, afin de mettre en évidence les principes généraux qui constituent le cadre d'analyse, la grille de lecture qu'il retient des décisions du Conseil constitutionnel et, plus largement, du droit constitutionnel. Une telle entreprise impose une part de reconstruction et de mise en cohérence de nombreux écrits, et donc, une part de trahison. Elle ne vise qu'à proposer une lecture de la spécificité de la pensée de DR, ayant pour ambition d'être la plus fidèle qui soit à celle-ci. Elle n'en révèle pas moins, en creux, une certaine vision des discours contemporains sur le droit constitutionnel. Apprécier la singularité impose de connaître le général. Chacune de ces deux lectures révèle celui qui les propose. 1 Voir en tout état de cause les éléments bibliographiques qui ont été étudiés à la fin de cette contribution. Qu'il nous soit permis ici de remercier, Habiba Abbassi, responsable administrative du Centre d'études et de recherches comparatives constitutionnelles et politiques (CERCOP, EA 2037, Université de Montpellier) pour son aide précieuse dans la réunion de certaines contributions difficilement accessibles. En dehors des références contenues dans les notes 2 et 3, toutes les références bibliographiques en note en bas de page sans indication de leur auteur sont de DR. Concernant le Manuel de Droit du contentieux constitutionnel, le choix a été fait de ne se référer qu'à la première édition de celui-ci (Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, Domat Droit public, 1 ère édition, 1990, 404 p., ci-après DCC, 1 ère édition) et de ne pas nous engager dans une lecture archéologique des différentes éditions de celui-ci.
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International audience ; Le sujet est original, et même, à la mode, comme certains ont pu l'affirmer 1 ; il est incontestablement un sujet d'étude qui n'est pas familier aux juristes. « La culture constitutionnelle du peuple » n'est pas un objet d'analyse saisi par ces derniers. Aussi ce sujet fournit-il aux juristes l'occasion de s'interroger sur la connaissance qu'ils sont susceptibles de produire sur un objet factuel qui constitue, par ailleurs, un sujet sociétal contemporain. Si l'on tente, dans un premier temps, de retenir quelques sens minimums pertinents du terme de culture, l'on peut s'interroger avec A.-M. Le Pourhiet pour savoir si le terme désigne un savoir, un habitus ou un comportement. Des sens communs mobilisables, il faut sans doute retenir la culture comme désignant des « connaissances dans un domaine particulier » ou comme un « ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » 2. De manière plus précise, L. M. Friedman identifie la « culture juridique » comme englobant « la connaissance, les attitudes et les modèles de comportement du public à l'égard du système juridique » 3. Lorsqu'elle porte sur la Constitution, l'étude de la culture présente un intérêt tout à fait déterminant dans la discipline du droit constitutionnel. Alors que la Constitution est une norme d'encadrement de l'exercice du pouvoir et donc un instrument juridique de limitation de celui-ci, la culture constitutionnelle participe de cette même lutte d'encadrement et de résistance face au pouvoir, comme cela a pu être souligné par M. Stéfanini. Plus la culture constitutionnelle est importante au sein du peuple et plus celui-ci est en mesure d'apprécier l'exercice du pouvoir et d'en identifier les abus ou les dérives éventuelles. Selon une lecture politico-sceptique, il peut être utile aux dominants que ne se développe pas une culture constitutionnelle ou que celle-ci demeure réservée à une élite. Dans ...
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International audience ; Réduire le droit constitutionnel de Dominique Rousseau (DR) à une lecture jurisprudentielle du droit constitutionnel serait erroné. Le discours sur le droit constitutionnel de DR n'est pas un discours de droit constitutionnel jurisprudentiel classique, si l'on entend par là celui qui est né à Aix-en-Provence au début des années 90, et il n'est d'ailleurs pas majoritaire chez les constitutionnalistes français. L'affirmation peut paraître péremptoire, mais la singularité de DR dans le paysage doctrinal français est forte, encore aujourd'hui. Si l'objet de son travail, du moins celui qui nous intéresse ici, à savoir la justice constitutionnelle en France, n'a rien d'original, tel n'est pas le cas du regard ou, peut-être faudrait-il préférer le pluriel, des regards qu'il y porte. Cette contribution entend précisément mettre en évidence la singularité du discours de droit constitutionnel proposé par DR dans ses écrits de fond relatifs à la justice constitutionnelle. Le choix bibliographique 1 a consisté à ne retenir que les contributions de fond de DR, en excluant ainsi les notes et autres chroniques jurisprudentielles régulières, à la Revue de droit public en particulier, afin de mettre en évidence les principes généraux qui constituent le cadre d'analyse, la grille de lecture qu'il retient des décisions du Conseil constitutionnel et, plus largement, du droit constitutionnel. Une telle entreprise impose une part de reconstruction et de mise en cohérence de nombreux écrits, et donc, une part de trahison. Elle ne vise qu'à proposer une lecture de la spécificité de la pensée de DR, ayant pour ambition d'être la plus fidèle qui soit à celle-ci. Elle n'en révèle pas moins, en creux, une certaine vision des discours contemporains sur le droit constitutionnel. Apprécier la singularité impose de connaître le général. Chacune de ces deux lectures révèle celui qui les propose. 1 Voir en tout état de cause les éléments bibliographiques qui ont été étudiés à la fin de cette contribution. Qu'il nous soit permis ici de remercier, Habiba Abbassi, responsable administrative du Centre d'études et de recherches comparatives constitutionnelles et politiques (CERCOP, EA 2037, Université de Montpellier) pour son aide précieuse dans la réunion de certaines contributions difficilement accessibles. En dehors des références contenues dans les notes 2 et 3, toutes les références bibliographiques en note en bas de page sans indication de leur auteur sont de DR. Concernant le Manuel de Droit du contentieux constitutionnel, le choix a été fait de ne se référer qu'à la première édition de celui-ci (Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, Domat Droit public, 1 ère édition, 1990, 404 p., ci-après DCC, 1 ère édition) et de ne pas nous engager dans une lecture archéologique des différentes éditions de celui-ci.
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International audience ; Le sujet est original, et même, à la mode, comme certains ont pu l'affirmer 1 ; il est incontestablement un sujet d'étude qui n'est pas familier aux juristes. « La culture constitutionnelle du peuple » n'est pas un objet d'analyse saisi par ces derniers. Aussi ce sujet fournit-il aux juristes l'occasion de s'interroger sur la connaissance qu'ils sont susceptibles de produire sur un objet factuel qui constitue, par ailleurs, un sujet sociétal contemporain. Si l'on tente, dans un premier temps, de retenir quelques sens minimums pertinents du terme de culture, l'on peut s'interroger avec A.-M. Le Pourhiet pour savoir si le terme désigne un savoir, un habitus ou un comportement. Des sens communs mobilisables, il faut sans doute retenir la culture comme désignant des « connaissances dans un domaine particulier » ou comme un « ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » 2. De manière plus précise, L. M. Friedman identifie la « culture juridique » comme englobant « la connaissance, les attitudes et les modèles de comportement du public à l'égard du système juridique » 3. Lorsqu'elle porte sur la Constitution, l'étude de la culture présente un intérêt tout à fait déterminant dans la discipline du droit constitutionnel. Alors que la Constitution est une norme d'encadrement de l'exercice du pouvoir et donc un instrument juridique de limitation de celui-ci, la culture constitutionnelle participe de cette même lutte d'encadrement et de résistance face au pouvoir, comme cela a pu être souligné par M. Stéfanini. Plus la culture constitutionnelle est importante au sein du peuple et plus celui-ci est en mesure d'apprécier l'exercice du pouvoir et d'en identifier les abus ou les dérives éventuelles. Selon une lecture politico-sceptique, il peut être utile aux dominants que ne se développe pas une culture constitutionnelle ou que celle-ci demeure réservée à une élite. Dans les deux cas, l'absence de culture constitutionnelle profite au pouvoir. A cet égard, R. H. Mohamed a rappelé que la limitation de la culture constitutionnelle pouvait servir le pouvoir et, en particulier, une culture constitutionnelle ciblée. En tout état de cause, J. Vachey a pu constater que le peuple, en général, ne connait pas la Constitution ce qui constitue un obstacle au développement d'une culture constitutionnelle.
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International audience ; Commenter ici et aujourd'hui la conférence prononcée par Ernest Renan à la Sorbonne le 11 mars 1882, intitulée Qu'est-ce qu'une nation ?, pourrait apparaître quelque peu anachronique. Dans un monde globalisé, au sein duquel la figure de l'Etat est supposée se dissoudre, le concept de nation perdrait de son utilité à décrire le réel. Peut-être est-ce sous cet angle qu'il convient de commenter ce discours : que peut nous dire encore, dans son discours sur la nation, Ernest Renan, qui est susceptible de saisir nos sociétés contemporaines ? Face à la montée des nationalismes, au recul du libéralisme et au rejet de l'altérité dans nombre d'Etats occidentaux, la conception à la fois scientifique, humaniste et contingente de la nation a de quoi, aujourd'hui encore, faire sens dans la connaissance du réel. Le discours de la Sorbonne est prononcé en 1882 alors que Renan est au sommet de sa carrière. Il est, en effet, entré à l'académie française en 1878 et a produit une bibliographie plus que significative. Le discours sur la nation occupe une place importante dans son oeuvre, il est sans doute avec Prières sur l'Acropole, l'un des textes les plus connus de l'auteur, du moins pour les profanes. Renan dira lui-même de son discours, à l'occasion de la publication de celui-ci en 1887 dans les Discours et conférences : « Le morceau de ce volume auquel j'attache le plus d'importance, et sur lequel je me permets d'appeler l'attention du lecteur, est la conférence : Qu'est-ce qu'une nation ? J'en ai pesé chaque mot avec le plus grand soin : c'est ma profession de foi en ce qui touche les choses humaines, et, quand la civilisation moderne aura sombré par suite de l'équivoque funeste de ces mots : nation, nationalité, race, je désire qu'on se souvienne de ces vingt pages-là. Je les crois tout à fait correctes. On va aux guerres d'extermination, parce qu'on abandonne le principe salutaire de l'adhésion libre, parce qu'on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties le droit de s'annexer des provinces malgré elles. Des politiques transcendants se raillent de notre principe français, que, pour disposer des populations, il faut préalablement avoir leur avis. Laissons-les triompher à leur aise. C'est nous qui avons raison » (E. Renan, Discours et conférences, Calmann-Lévy, 1887, Préface, pp. II-III). La réception du discours est sans doute à la hauteur des prétentions de son auteur. La vision de Renan demeure d'ailleurs une référence dans la littérature scientifique au point que certains ont pu écrire que « le fameux « plébiscite de tous les jours » est en passe de devenir un leitmotiv de la théorie politique contemporaine » (P. Birnbaum, « Le retour d'Ernest Renan », Critique, 2005/6, n° 697-698, p. 518 et les citations de la note 1 à l'appui de cette affirmation). On retrouve
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International audience ; Réduire le droit constitutionnel de Dominique Rousseau (DR) à une lecture jurisprudentielle du droit constitutionnel serait erroné. Le discours sur le droit constitutionnel de DR n'est pas un discours de droit constitutionnel jurisprudentiel classique, si l'on entend par là celui qui est né à Aix-en-Provence au début des années 90, et il n'est d'ailleurs pas majoritaire chez les constitutionnalistes français. L'affirmation peut paraître péremptoire, mais la singularité de DR dans le paysage doctrinal français est forte, encore aujourd'hui. Si l'objet de son travail, du moins celui qui nous intéresse ici, à savoir la justice constitutionnelle en France, n'a rien d'original, tel n'est pas le cas du regard ou, peut-être faudrait-il préférer le pluriel, des regards qu'il y porte. Cette contribution entend précisément mettre en évidence la singularité du discours de droit constitutionnel proposé par DR dans ses écrits de fond relatifs à la justice constitutionnelle. Le choix bibliographique 1 a consisté à ne retenir que les contributions de fond de DR, en excluant ainsi les notes et autres chroniques jurisprudentielles régulières, à la Revue de droit public en particulier, afin de mettre en évidence les principes généraux qui constituent le cadre d'analyse, la grille de lecture qu'il retient des décisions du Conseil constitutionnel et, plus largement, du droit constitutionnel. Une telle entreprise impose une part de reconstruction et de mise en cohérence de nombreux écrits, et donc, une part de trahison. Elle ne vise qu'à proposer une lecture de la spécificité de la pensée de DR, ayant pour ambition d'être la plus fidèle qui soit à celle-ci. Elle n'en révèle pas moins, en creux, une certaine vision des discours contemporains sur le droit constitutionnel. Apprécier la singularité impose de connaître le général. Chacune de ces deux lectures révèle celui qui les propose. 1 Voir en tout état de cause les éléments bibliographiques qui ont été étudiés à la fin de cette contribution. Qu'il nous soit permis ici de remercier, Habiba Abbassi, responsable administrative du Centre d'études et de recherches comparatives constitutionnelles et politiques (CERCOP, EA 2037, Université de Montpellier) pour son aide précieuse dans la réunion de certaines contributions difficilement accessibles. En dehors des références contenues dans les notes 2 et 3, toutes les références bibliographiques en note en bas de page sans indication de leur auteur sont de DR. Concernant le Manuel de Droit du contentieux constitutionnel, le choix a été fait de ne se référer qu'à la première édition de celui-ci (Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, Domat Droit public, 1 ère édition, 1990, 404 p., ci-après DCC, 1 ère édition) et de ne pas nous engager dans une lecture archéologique des différentes éditions de celui-ci.
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International audience ; Commenter ici et aujourd'hui la conférence prononcée par Ernest Renan à la Sorbonne le 11 mars 1882, intitulée Qu'est-ce qu'une nation ?, pourrait apparaître quelque peu anachronique. Dans un monde globalisé, au sein duquel la figure de l'Etat est supposée se dissoudre, le concept de nation perdrait de son utilité à décrire le réel. Peut-être est-ce sous cet angle qu'il convient de commenter ce discours : que peut nous dire encore, dans son discours sur la nation, Ernest Renan, qui est susceptible de saisir nos sociétés contemporaines ? Face à la montée des nationalismes, au recul du libéralisme et au rejet de l'altérité dans nombre d'Etats occidentaux, la conception à la fois scientifique, humaniste et contingente de la nation a de quoi, aujourd'hui encore, faire sens dans la connaissance du réel. Le discours de la Sorbonne est prononcé en 1882 alors que Renan est au sommet de sa carrière. Il est, en effet, entré à l'académie française en 1878 et a produit une bibliographie plus que significative. Le discours sur la nation occupe une place importante dans son oeuvre, il est sans doute avec Prières sur l'Acropole, l'un des textes les plus connus de l'auteur, du moins pour les profanes. Renan dira lui-même de son discours, à l'occasion de la publication de celui-ci en 1887 dans les Discours et conférences : « Le morceau de ce volume auquel j'attache le plus d'importance, et sur lequel je me permets d'appeler l'attention du lecteur, est la conférence : Qu'est-ce qu'une nation ? J'en ai pesé chaque mot avec le plus grand soin : c'est ma profession de foi en ce qui touche les choses humaines, et, quand la civilisation moderne aura sombré par suite de l'équivoque funeste de ces mots : nation, nationalité, race, je désire qu'on se souvienne de ces vingt pages-là. Je les crois tout à fait correctes. On va aux guerres d'extermination, parce qu'on abandonne le principe salutaire de l'adhésion libre, parce qu'on accorde aux nations, comme on accordait autrefois aux dynasties le droit de s'annexer des provinces malgré elles. Des politiques transcendants se raillent de notre principe français, que, pour disposer des populations, il faut préalablement avoir leur avis. Laissons-les triompher à leur aise. C'est nous qui avons raison » (E. Renan, Discours et conférences, Calmann-Lévy, 1887, Préface, pp. II-III). La réception du discours est sans doute à la hauteur des prétentions de son auteur. La vision de Renan demeure d'ailleurs une référence dans la littérature scientifique au point que certains ont pu écrire que « le fameux « plébiscite de tous les jours » est en passe de devenir un leitmotiv de la théorie politique contemporaine » (P. Birnbaum, « Le retour d'Ernest Renan », Critique, 2005/6, n° 697-698, p. 518 et les citations de la note 1 à l'appui de cette affirmation). On retrouve
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In: Revue française de droit constitutionnel, Band 120, Heft 4, S. 949-966
International audience ; Le droit en dehors de l'État et les rapports entre ordres normatifs chez Hans Kelsen « The idea of the state as a superman or as a superhuman organization is the hypostatization of this personification. Sovereignty in the sense of supreme authority can be nothing else but the quality of the legal order » H. Kelsen, "Sovereignty and international law", 48 Geo. L. J., 627, 1959-1960, p. 628. « Kelsen, Hart et Ross, quelques-uns des meilleurs interprètes de la pensée juridique encore dominante aujourd'hui dans le sens commun des juristes, ont écrit l'essentiel de leurs oeuvres aux alentours du milieu du vingtième siècle, à un moment où, en dépit des catastrophes politiques et des bouleversements théoriques qu'annonçaient les sciences fondamentales, prévalait encore une vision du monde caractérisée par l'ordre et la stabilité. Ordre politique centré sur l'Etat, puissance suprême dans l'ordre interne, figure souveraine dans les relations internationales ; ordre juridique fondé sur la norme, commandement impératif et unilatéral, s'imposant sous la menace de la contrainte. C'était l'« ordre westphalien » qui assurait l'égale souveraineté à l'extérieur, tandis que, à l'intérieur, prévalait le Rechtsstaat fondé sur une rigoureuse séparation des pouvoirs et un système de distribution strict et hiérarchisé des habilitations et des compétences » 1. Construite dans un contexte qui, aujourd'hui, n'est plus, la pensée juridique supposée dominante de l'ancien monde devrait être abandonnée et laisser la place à un nouveau mode de pensée. C'est moins la pensée en elle-même qui est discutée, que le contexte dans lequel elle s'est développée. Il s'agit moins de connaître cette pensée classique et d'en proposer une lecture critique, que de la remettre en cause-seulement-parce que le contexte dans lequel elle s'est développée a changé ; or, s'il est incontestable que le contexte a changé, il n'est pas certain que la pensée n'en soit pas, pour autant, toujours valable. Mieux, une théorie du droit, telle que celle développée par Hans Kelsen, si elle est une bonne théorie du droit, doit être capable de décrire son objet et la manière dont il s'organise quels que soient les contextes d'application. Telle est, en l'occurrence, l'ambition de cette contribution que d'éprouver la théorie de Kelsen, relative à l'Etat et aux rapports entre les ordres juridiques 2 , au contexte actuel de la globalisation. Ce nouveau contexte, entendu en général comme désignant les « interconnexions croissantes entre les choses qui 1 F. Ost, M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Publications des Facultés universitaires Saint Louis, 2002, p. 11. 2 Nous utiliserons de manière synonymique les expressions d'ordre normatif ou juridique et de système normatif ou juridique pour désigner un ensemble de normes appartenant à un ensemble présentant une unité autour d'une même norme fondamentale à laquelle toutes les normes du système ou de l'ordre peuvent être, plus ou moins directement rattachées sous l'angle de leur validité.
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