Communauté, individualisme, communautarisme : hypothèses anthropologiques sur quelques paradoxes africains
In: Sociologie et sociétés, Band 39, Heft 2, S. 173-198
ISSN: 0038-030X
Paradoxalement, communauté, individualisme et communautarisme ne sont pas des réalités antinomiques. La communauté (au sens anthropologique du terme) se caractérise par un anti-individualisme totalitaire qui réprime et refoule un individualisme irréductible. Or, le despotisme et le clientélisme postcoloniaux ont renforcé la « sur-communautarisation » et le « blocage » des sociétés, les empêchant d'entrer dans la « banalité » et la modernité de la conflictualité démocratique. Dès lors, les crises (économiques, sociales, politiques) débouchent sur des conflits communautaristes qui se nourrissent de l'énergie « ressentimentale » produite par la socialité communautaire et qui en détournent la violence paranoïaque contre des coupables émissaires. Les « élites » au pouvoir et leurs commanditaires ou soutiens internationaux neutralisent à leur avantage (et à quel prix !) l'autre solution à la violence individualiste dévoyée en communautarismes : celle des luttes sociales et de l'individualisme démocratique. Mais on peut préférer ces formes régulées de conflictualité aux violences apocalyptiques du fanatisme...