In: Lien social et politiques: revue internationale et interdisciplinaire de sciences humaines consacrée aux thèmes du lien social, de la sociabilité, des problèmes sociaux et des politiques publiques, Issue 78, p. 151-170
À partir d'une enquête menée dans une commune populaire de la banlieue parisienne, cet article porte sur le travail des agents intermédiaires, municipaux et associatifs, responsables des politiques locales de « santé publique ». Ni professionnels de santé, ni travailleurs sociaux, ces agents – majoritairement des femmes, « cheffes de projet » ou « chargées de mission » – se situent entre les élites administratives et les agents subalternes. Il s'agit d'étudier la façon dont elles définissent et investissent cette catégorie qu'est la santé publique, qui fait objet de luttes, dans un contexte marqué par les réformes de l'État social et la « territorialisation » de l'action publique. En analysant leurs positions et dispositions, on montre comment ces agents aux missions floues et aux compétences hybrides, sont confrontés à des conditions d'emploi et de travail précaires et instables qui jouent sur leur manière de faire de la « santé publique » à l'échelle locale. La mise en cohérence de leurs pratiques, notamment par les chiffres, permet à ces salariées à cheval entre espaces municipal et associatif de créer de l'unité et de faire face à l'incertitude des financements. Tout en les critiquant, elles s'approprient les logiques de gestion venues des sommets de l'État – celles du « nouveau » management public et de la politique de la ville – pour pouvoir maintenir leurs activités, en cohérence avec leur engagement en faveur de la « santé communautaire » et de la « participation des habitants ».
L'ouvrage de Christian Chevandier sur le « postier, militant et écrivain » Georges Valero (1937-1990) apporte un double éclairage sur les liens entre ouvriers et intellectuels. À un premier niveau, le matériau construit par l'historien au sujet de la trajectoire de cet employé resté toute sa vie entre deux mondes, documente les modalités d'échange entre les mondes ouvriers et intellectuels à propos de la génération des trentenaires en 1968. À un deuxième niveau, c'est en prenant en compte le parcours de Christian Chevandier lui-même (ancien établi) et sa relation au « biographé », que l'on peut aborder les rapports entre intellectuels engagés et ouvriers militants. Cet ouvrage (re)pose alors la question des logiques de clôture sociale qui mènent à la reproduction.
Résumé En prenant appui sur une enquête de terrain consacrée à la catégorie de « cinéma social » en France dans les années 1990-2000 et en mobilisant des cas de films mettant en scène des mobilisations collectives, cet article se propose d'étudier à quelles conditions et comment le cinéma peut être un matériau d'enquête pour le chercheur en sciences sociales. À l'image d'autres matériaux plus traditionnels et malgré les proximités de regards entre les espaces artistique et scientifique, les films, qu'ils soient documentaires ou de fiction, ne constituent pas des documents bruts donnant accès au « réel » : pour pouvoir les constituer en source, le chercheur doit les prendre comme objet d'analyse en croisant analyse interne et externe, en mettant en relation leurs conditions de production et de réception. Au-delà de cette proposition méthodologique, le cinéma pris comme objet (plus que comme source) peut être le lieu de mobilisations collectives et ouvrir des terrains de recherche heuristiques pour aborder sous un angle nouveau l'action collective et les savoir-faire militants. De leur production à leur réception, les « films sociaux » sont en effet l'objet de multiples appropriations qui peuvent aller dans le sens d'une politisation.
Based on a field survey dealing with the "social cinema" category in France in the years 1990-2000 and by mobilizing some cases of films featuring mobilizations, this article proposes to study under what conditions and how films can be a material for researchers in social sciences. Like other more traditional materials and despite the proximity of view between the artistic and the scientific fields, films (whether documentary or fiction films) are not providing direct access to the "real". In order to constitute them in sources, the researcher has to combine internal and external analysis, to link their conditions of production and of reception. Beyond this methodological proposal, cinema taken as an object (and not only as a source) can be the place of mobilizations and can open an heuristic field of researches to work on collective action and to study activists' know-how in a new perspective. Indeed "social films" from production to reception are the subject of multiple appropriations which can correspond to a process of politicization. Adapted from the source document.
Résumé En partant de la catégorie floue et mal définie de « cinéma social », nous abordons la question des liens entre art et politique à l'aune de la mise en scène cinématographique des classes populaires en France dans les années 1990-2000. En alliant analyse interne et externe des films, il s'agit ici d'étudier l'« engagement par les uvres ». Cet article prend plus particulièrement pour objet les scénarios de ces films et les manières dont ils ont été écrits. L'écriture n'est, au cinéma, que la première étape de la réalisation d'un film : la mise en récit précède et anticipe la mise en images et en sons (le tournage). Elle ne concerne pas seulement le sujet du film : elle est déterminante pour l'esthétique cinématographique adoptée. L'étude des scénarios d'un corpus de films étiquetés « sociaux » permet d'observer qu'ils participent à une vision globalement pessimiste du « populaire ». Cette vision, celle d'un monde en déclin, s'explique par le fait que les « auteurs » de scénarios ont pour point commun de faire appel non à des membres des classes populaires mais à des personnes qui ont pour caractéristique d'être dans une position d'« encadrant » de ces dernières. Pour autant, ces scénarios et les manières dont ils ont été écrits sont loin d'être homogènes en cela, le « cinéma social » ne constitue pas un genre cinématographique. Deux modes d'écriture qui correspondent à deux pôles schématiques sont alors analysés : le recours à la fable (à partir du cas des films de Robert Guédiguian) et le recours à un fort « effet de réel » (à partir du cas du premier long métrage de Laurent Cantet). Différentes, ces formes de politisation des uvres se comprennent au regard des trajectoires et des ressources dont disposent les réalisateurs pour écrire leurs scénarios, ainsi qu'au regard des « règles de l'art ».
Starting from the vague and ill-defined category of "social cinema", we address the question of links between art and politics in terms of cinematic staging of the popular classes in France in the years 1990-2000. By combining internal and external analysis of the films, this is to study "commitment by the works". This article takes more particularly to the scenarios of these films and the ways in which they were written. Writing is, the movies, the first step in making a film: the setting of the story precedes and anticipates putting in images and sounds (the shooting). It is not just about the film's subject: it is crucial to the film aesthetic adopted. The scenario study of a corpus of films labeled "social" can observe that they participate in an overall pessimistic vision of "People". This vision of a world in decline, is due to the fact that the "author of" scenarios have in common not to appeal to members of the working classes but to people who have the characteristic of be in a position "framing" of the latter. However, these scenarios and the ways in which they were written are far from homogeneous in -- this, "social cinema" is not a genre. Two modes of writing -- two poles corresponding to -- schematic are analyzed: the use of the fable (from the case of films by Robert Guediguian) and using a strong "reality effect" (from if the first feature film by Laurent Cantet). Different forms of politicization of these works are understood in terms of trajectories and resources available to developers to write their scripts, as well as under the "state of the art". Adapted from the source document.