Vers une diplomatie des peuples ? L'opinion publique et les crises franco-anglaises des années 1840
Un premier système médiatique s'organise à partir des années 1830, en Europe occidentale, autour de la presse écrite. La politique étrangère y tient une place primordiale. L'opinion, nouvelle actrice des relations internationales, revendique la publicité de la diplomatie et s'érige en instance de jugement. Cette opinion se fait entendre, sous différentes formes sociales, pour réclamer une politique étrangère morale, face à un État libéral qui se cantonne à la sphère de ses intérêts. Cette exigence d'une politique bonne et, partant, universelle, favorise l'émergence d'une opinion publique internationale, partageant des valeurs. Naturellement, cette OPI demeure à la mesure de l'étroit espace public européen. Le propos de cet article est de montrer que, contre le sentiment et les discours des décideurs, l'affirmation de l'opinion publique dans les affaires internationales a produit des effets principalement iréniques. La meilleure connaissance réciproque a permis d'apprivoiser la culture médiatique adverse serait-ce dans l'affrontement verbal. En défendent la paix entre nations civilisées d'égale dignité, contre le bellicisme d'État, les opinions publiques françaises et anglaises ont même participé à l'invention de la notion d'arbitrage : le tribunal informel de l'opinion a préfiguré, en somme, la judiciarisation de la société internationale. L'opinion publique a également revendiqué une démocratisation de chaque État, et de leurs relations, au bénéfice de la paix. L'appel à une diplomatie des peuples, affilié aux projets de paix hérités de Kant, dépassait-il la notion d'opinion en proclamant le refus des peuples d'être opposés entre eux, posture consubstantielle au refus d'être privé, pour chacun d'entre eux, de la maîtrise des questions de politique étrangère.