Cet article rend compte d'une enquête menée entre 2010 et 2014 auprès de maires mobilisés contre l'intégration forcée de leur commune à la gouvernance métropolitaine, au sein d'une aire urbaine du sud de la France. Il interroge les ressorts de leur mobilisation pour le maintien de l'autonomie communale, en mettant l'accent sur la dimension affective de leur engagement. Il s'agit plus précisément de comprendre l'attachement proclamé des maires à la commune, saisie en tant que lieu vécu autant qu'espace politique. L'article montre tout d'abord qu'une attention portée à la trajectoire personnelle des maires permet d'identifier des dispositions à s'indigner du sort de leur commune, et d'éclairer l'intensité avec laquelle certains d'entre eux s'investissent dans leur sauvegarde. Il montre ensuite que, si tous les élus ne sont pas dotés des mêmes capacités à s'émouvoir, tous ne sont pas non plus également équipés pour rendre crédible aux yeux des électeurs ce qu'ils disent aimer et ressentir. Leur prétention à incarner la destinée communale prend appui sur un certain nombre d'épreuves irréductibles à des opérations rhétoriques et, à ce titre, fortement discriminantes.
This paper reports on an inquiry held between 2010 and 2014 with mayors committed against the forced integration of their commune into metropolitan governance within an urban area in the south of France. It examines the motives for their mobilization to maintain communal autonomy focusing on the emotional dimension of their commitment. The point is to understand more clearly the proclaimed attachment of the mayors for their commune, seen both as an experienced place and a political space. The paper first shows that paying attention to the personal path of the mayors allows identifying their disposition to feel indignant about the situation of their commune, and shedding light on how much some of them get involved in its preservation. It then shows that, if not all the local representatives are equally capable to be moved, neither are they matching each other to make their electors believe in what they claim they love and feel. Their allegation to embody the communal destiny relies on a certain number of challenges that cannot be limited to rhetorical operations, and are therefore highly discriminatory. ; Cet article rend compte d'une enquête menée entre 2010 et 2014 auprès de maires mobilisés contre l'intégration forcée de leur commune à la gouvernance métropolitaine, au sein d'une aire urbaine du sud de la France. Il interroge les ressorts de leur mobilisation pour le maintien de l'autonomie communale, en mettant l'accent sur la dimension affective de leur engagement. Il s'agit plus précisément de comprendre l'attachement proclamé des maires à la commune, saisie en tant que lieu vécu autant qu'espace politique. L'article montre tout d'abord qu'une attention portée à la trajectoire personnelle des maires permet d'identifier des dispositions à s'indigner du sort de leur commune, et d'éclairer l'intensité avec laquelle certains d'entre eux s'investissent dans leur sauvegarde. Il montre ensuite que, si tous les élus ne sont pas dotés des mêmes capacités à s'émouvoir, tous ne sont pas non plus également équipés pour rendre crédible aux yeux des électeurs ce qu'ils disent aimer et ressentir. Leur prétention à incarner la destinée communale prend appui sur un certain nombre d'épreuves irréductibles à des opérations rhétoriques et, à ce titre, fortement discriminantes.
La loi française mapam , relative aux métropoles et adoptée en 2014, reconnaît juridiquement les métropoles. Cette réforme participe d'un flux d'initiatives diffuses, repérables sur d'autres scènes que le Parlement. Croisant les échelles d'analyses, cet article montre comment l'espace métropolitain de la région urbaine marseillaise se renforce en s'indexant aux dispositifs d'action publique et en agrégeant des élites engagées dans la prospective et la promotion économique du territoire. La convergence entre la volonté nationale et la stratégie des élites locales ne suffit pas à ancrer le projet métropolitain, contrarié par les réactions défensives des maires opposés à l'hégémonie de la ville-centre et inquiets des effets sélectifs des transferts de pouvoirs à des niveaux de gouvernance qui les marginalisent.
Les élections municipales des 11 et 18 mars 2001 n'ont pas introduit de profonds changements politiques à Marseille : la majorité sortante est reconduite, et la gauche unie ne perd pas de nouveaux secteurs. Plusieurs phénomènes méritent cependant d'être soulignés, qui témoignent de l'épuisement d'un leadership hérité du defferrisme : diminution sensible des votants, mais aussi des inscrits, succès des listes alternatives, persistance de l'extrême- droite, en particulier dans les quartiers jeunes et populaires de la ville. De cette évolution, les partis de gauche sont les principaux perdants: engagée dès la fin des années 80, l'érosion de leurs bastions traditionnels marque ici une nouvelle étape. Plus généralement, c'est l'ensemble des élites politiques locales qui sont confrontées à la difficulté, sans précédent, à mobiliser les électeurs, les jeunes et les nouveaux arrivants. Des élus décalés, auxquels s'identifient mal les populations récentes, des réseaux vieillissants, des leaders qui peinent à renouveler leurs pratiques : tels sont les principaux traits qui singularisent aujourd'hui le gouvernement marseillais.
The municipal elections held on 11 & 18 Mar 2001 have not introduced deep political changes in Marseille: the outgoing majority has been reconfirmed & the united left has not lost other districts. Nevertheless, several phenomena are worth laying stress on, as they show the exhaustion of a leadership inherited from defferrisme: considerable decrease of voters as well as of citizens registered on the electoral list, success of alternative lists, persistence of extreme-right parties, particularly in the young & popular districts of the city. Left parties are the main losers of this evolution: started from the end of the 80s, the erosion of their traditional areas is now marking a new stage. More generally, the local political elites as a whole have to face the unprecedented difficulty of mobilizing the electors, the young people, & the newcomers. Elected representatives out of step, with whom the recent populations badly identify themselves, networks which become obsolete, leaders that find it difficult renewing their practices: such are the chief features that today characterize the government of Marseille. 2 Tables, 24 References. Adapted from the source document.
L'article s'intéresse aux occupations de lieux, qu'il s'efforce de réinscrire dans l'historicité idéologique des modes d'action contestataires, dans la variabilité des significations que leur attribuent les individus et les collectifs – eux-mêmes hétérogènes – qui s'y engagent, et surtout dans la matérialité des pratiques qui s'y déploient. Croisée à l'examen des trajectoires sociales des acteurs, l'attention ethnographique portée aux gestes accomplis dans le quotidien réinventé des lieux occupés permet de mettre à nu l'importance des mécanismes de déclassement social, d'expérience de la marge ou d'exposition à la violence dans la compréhension des processus d'entrée en occupation, particulièrement pour les acteurs sans passé militant. En permettant la reconversion d'une expérience intime de la souffrance et de l'injustice en ressource militante, l'engagement dans un régime d'action occupationnel, à la fois radical et familier, offre un espace de reconnaissance collective où s'explorent les voies d'une citoyenneté vécue comme accomplie, car indexée à un agir politique.
International audience ; The paper focuses on the various processes of occupation of places, endeavoring to etch them again into the ideological historicity of oppositional modes of action, into the variability of meanings assigned to them by individuals and citizen groups - heterogeneous themselves - who commit themselves, and primarily into the materiality of the practices engaged therein. Checked against the reviewing of the actors' social routes, the ethnographic attention brought to the gestures carried out within the recreated daily life of occupied places allows revealing the importance of the mechanisms of downward social mobility, margin experience or exposure to violence while comprehending the processes of engaging into an occupation act, particularly for actors who have had no past as activists. Allowing the reconversion of an intimate experience of suffering and injustice into a militating resource, commitment into a rhythm of occupational action, both radical and familiar, provides a place for collective recognition paving the way towards a citizenship experienced as an accomplishment, as it is indexed to effective political action. ; L'article s'intéresse aux occupations de lieux, qu'il s'efforce de réinscrire dans l'historicité idéologique des modes d'action contestataires, dans la variabilité des significations que leur attribuent les individus et les collectifs – eux-mêmes hétérogènes – qui s'y engagent, et surtout dans la matérialité des pratiques qui s'y déploient. Croisée à l'examen des trajectoires sociales des acteurs, l'attention ethnographique portée aux gestes accomplis dans le quotidien réinventé des lieux occupés permet de mettre à nu l'importance des mécanismes de déclassement social, d'expérience de la marge ou d'exposition à la violence dans la compréhension des processus d'entrée en occupation, particulièrement pour les acteurs sans passé militant. En permettant la reconversion d'une expérience intime de la souffrance et de l'injustice en ressource militante, l'engagement dans un régime d'action occupationnel, à la fois radical et familier, offre un espace de reconnaissance collective où s'explorent les voies d'une citoyenneté vécue comme accomplie, car indexée à un agir politique en actes.
International audience ; The paper focuses on the various processes of occupation of places, endeavoring to etch them again into the ideological historicity of oppositional modes of action, into the variability of meanings assigned to them by individuals and citizen groups - heterogeneous themselves - who commit themselves, and primarily into the materiality of the practices engaged therein. Checked against the reviewing of the actors' social routes, the ethnographic attention brought to the gestures carried out within the recreated daily life of occupied places allows revealing the importance of the mechanisms of downward social mobility, margin experience or exposure to violence while comprehending the processes of engaging into an occupation act, particularly for actors who have had no past as activists. Allowing the reconversion of an intimate experience of suffering and injustice into a militating resource, commitment into a rhythm of occupational action, both radical and familiar, provides a place for collective recognition paving the way towards a citizenship experienced as an accomplishment, as it is indexed to effective political action. ; L'article s'intéresse aux occupations de lieux, qu'il s'efforce de réinscrire dans l'historicité idéologique des modes d'action contestataires, dans la variabilité des significations que leur attribuent les individus et les collectifs – eux-mêmes hétérogènes – qui s'y engagent, et surtout dans la matérialité des pratiques qui s'y déploient. Croisée à l'examen des trajectoires sociales des acteurs, l'attention ethnographique portée aux gestes accomplis dans le quotidien réinventé des lieux occupés permet de mettre à nu l'importance des mécanismes de déclassement social, d'expérience de la marge ou d'exposition à la violence dans la compréhension des processus d'entrée en occupation, particulièrement pour les acteurs sans passé militant. En permettant la reconversion d'une expérience intime de la souffrance et de l'injustice en ressource militante, l'engagement dans un ...
International audience ; Les travaux de science politique qui se sont intéressés aux pratiques de la représentation locale se sont essentiellement appuyés sur l'observation des élus locaux saisis dans l'exercice quotidien de leur activité. Ils se sont plutôt concentrés sur les formes routinisées du métier politique 1 et des contraintes de « rôle » 2 que les représentants sont tenus de jouer tout en en jouant. Suivant cette perspective, plusieurs « rôles » sont activés en fonction de la trajectoire des acteurs concernés et des pratiques objectivées dans des configurations de rapports sociaux 3. Les attitudes corporelles, la modulation des discours au gré des publics, la maîtrise des « coups » échangés au sein de l'espace de la compétition politique, mais aussi, plus largement, le bon usage du travail de « représentation » apparaissent autant comme des effets de position dans un espace sédimenté par les expériences passées de la politique que le produit de dispositions liées à l'histoire personnelle des élus. Bien qu'inscrite dans le fil des travaux rapidement évoqués plus haut, cette contribution vise à déplacer la focale, et donc en partie aussi les grilles d'analyse, des formes ordinaires de la politique vers ses manifestations exceptionnelles que sont les mobilisations d'élus. Suivant cette piste, la « représentation » n'est pas seulement vue comme un ensemble de rôles à jouer, mais aussi comme une ressource à géométrie variable que les détenteurs de mandats activent et, surtout, rendent visibles dans des circonstances et en vue d'objectifs qu'il s'agit précisément d'interroger. Sans constituer un objet de recherche totalement vierge, les mobilisations menées par des édiles municipaux demeurent relativement peu étudiées au regard d'autres pratiques d'élus. Certains travaux se sont plutôt centrés sur les formes feutrées et catégorielles de mobilisations menées par les associations d'élus 4. D'autres se sont penchés sur les conflits d'aménagements, principalement dans le domaine des infrastructures de transports 5. Ces conflits, à l'occasion desquels se nouent des alliances entre milieux professionnels, acteurs associatifs et représentants politiques, 1 GARRAUD P., Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains, Paris, L'Harmattan, 1989 ; FONTAINE J., LE BART C., Le métier d'élu local, Paris, L'Harmattan, 1994 ; POIRMEUR Y., MAZET P. (dir.), Le métier politique en représentations, Paris, L'Harmattan, 1999. 2 BRIQUET J.-L., « Communiquer en actes. Prescriptions de rôle et exercice quotidien du métier politique », Politix, 28, 1994, p. 16-26 ; HAEGEL F., Un maire à Paris. Mise en scène d'un nouveau rôle politique, Paris, Presses de la FNSP, 1994 ; LE BART C., Les maires : sociologie d'un rôle, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003 ; LEFEBVRE R., « La difficile notabilisation de Martine Aubry à Lille. Entre prescription de rôle et contraintes d'identité », Politix, 65, 2004, p. 119-145. 3 LAGROYE J., « Être du métier », Politix, 28, 1994, p. 5-15. 4 LE LIDEC P., « L'intercommunalité, une variable d'ajustement dans la réforme des collectivités territoriales ? Généalogie d'un projet, stratégie et arbitrages politiques », LE SAOUT R. (dir.), Réformer l'intercommunalité. Enjeux et controverses autour de la réforme des collectivités territoriales, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 21-45. 5 LOLIVE J., Les contestations du TGV Méditerranée. Projet, controverse et espace public, Paris, L'Harmattan, 1999.
International audience ; Les travaux de science politique qui se sont intéressés aux pratiques de la représentation locale se sont essentiellement appuyés sur l'observation des élus locaux saisis dans l'exercice quotidien de leur activité. Ils se sont plutôt concentrés sur les formes routinisées du métier politique 1 et des contraintes de « rôle » 2 que les représentants sont tenus de jouer tout en en jouant. Suivant cette perspective, plusieurs « rôles » sont activés en fonction de la trajectoire des acteurs concernés et des pratiques objectivées dans des configurations de rapports sociaux 3. Les attitudes corporelles, la modulation des discours au gré des publics, la maîtrise des « coups » échangés au sein de l'espace de la compétition politique, mais aussi, plus largement, le bon usage du travail de « représentation » apparaissent autant comme des effets de position dans un espace sédimenté par les expériences passées de la politique que le produit de dispositions liées à l'histoire personnelle des élus. Bien qu'inscrite dans le fil des travaux rapidement évoqués plus haut, cette contribution vise à déplacer la focale, et donc en partie aussi les grilles d'analyse, des formes ordinaires de la politique vers ses manifestations exceptionnelles que sont les mobilisations d'élus. Suivant cette piste, la « représentation » n'est pas seulement vue comme un ensemble de rôles à jouer, mais aussi comme une ressource à géométrie variable que les détenteurs de mandats activent et, surtout, rendent visibles dans des circonstances et en vue d'objectifs qu'il s'agit précisément d'interroger. Sans constituer un objet de recherche totalement vierge, les mobilisations menées par des édiles municipaux demeurent relativement peu étudiées au regard d'autres pratiques d'élus. Certains travaux se sont plutôt centrés sur les formes feutrées et catégorielles de mobilisations menées par les associations d'élus 4. D'autres se sont penchés sur les conflits d'aménagements, principalement dans le domaine des infrastructures de transports ...