L'objectif de cet article est d'étudier la réception des travaux de Lucien Sève sur la psychologie de la personnalité dans la RDA du début des années 1970. Il revient d'abord sur le contexte qui permet d'expliquer l'accueil favorable que ses thèses y ont rencontré. Il évoque ensuite les débats autour de la définition du concept de personnalité. Enfin, il présente les discussions portant sur le parallélisme entre concepts économiques et concepts psychologiques dans Marxisme et théorie de la personnalité .
Cet article entend montrer que l'intervention politique de Marx dans les organisations ouvrières de son temps n'est pas réductible à la simple constitution d'un rapport de forces dans lequel la théorie ne serait pas autre chose qu'un instrument de pouvoir. Bien au contraire, le recours au concept de travail pour penser l'activité partisane de Marx nous permet d'envisager les organisations ouvrières comme les lieux d'une véritable production théorique collective et non comme de simples caisses de résonance destinées à amplifier la diffusion d'un discours déjà préconstitué en amont.
Souvent considérée comme un point aveugle de son œuvre, la question du parti constitue pourtant une composante centrale de la pensée de Marx. En prenant en compte l'expérience militante qui fut la sienne tout au long de sa vie, cet article entreprend de montrer que Marx a développé non pas une mais deux théories du parti bien distinctes. La thèse décisive formulée à la fin des années 1840 dans le Manifeste du parti communiste – celle d'un parti communiste conçu comme fraction éclairée d'un parti ouvrier plus large – disparaît en effet de l'horizon stratégique de Marx au cours des années 1860, cédant la place à une réflexion centrée sur la construction du parti de classe, dans laquelle l'idée même d'une distinction fonctionnelle entre parti ouvrier et parti communiste perd son sens. Opposant alors de façon systématique le parti à la secte, Marx cherche à penser les conditions de possibilité d'une activité politique autonome de la classe ouvrière plutôt qu'une organisation fondée sur une doctrine pré-constituée.
À travers l'analyse de deux exemples, celui du débat sur l'abolition du droit d'héritage au sein du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs en 1869, et celui des directives adressées aux dirigeants de la social-démocratie allemande au sujet du ralliement d'individus issus de la classe dominante au mouvement prolétarien en 1879, cet article vise à rendre compte d'un type d'écriture propre à ce combat politique dans lequel Marx n'aura de cesse d'intervenir jusqu'à sa mort. Dans un cas comme dans l'autre, les interlocuteurs de Marx, qu'ils soient ou non des adversaires politiques, ne sont pas étrangers à un processus d'élaboration théorique que je désigne sous le nom de « travail de parti ».
Le « populisme de gauche » théorisé par Chantal Mouffe commence à faire son chemin. Il faudrait abandonner les vieux schémas rouillés de la gauche traditionnelle (défense des intérêts des salariés, organisations partidaires, etc.) pour faire place à des logiques politiques jugées plus efficaces et plus souples (opposition du « peuple » et de la « caste », plate-formes numériques, etc.). C'est sur un fond de critique du marxisme qui constituerait « un repoussoir » et de reprise hétérodoxe de certains concepts de Gramsci que Chantal Mouffe élabore sa théorie. L'auteur de l'article en présente de manière synthétique les grandes lignes ainsi que les critiques que l'on peut adresser à ce projet qui se revendique explicitement de l'anti-rationalisme et de l'anti-universalisme.
L'édition intégrale de Marx-Engels est un projet du siècle. L'universalité et le holisme de la pensée de Marx et d'Engels se reflètent dans MEGA 2 de différentes manières : par les principes éditoriaux d'exhaustivité, de reproduction fidèle du texte, de présentation du développement du texte et par le commentaire historico-critique complet. L'histoire de l'édition des œuvres de Marx et Engels et de leur réception, en particulier en RDA, reflète la tension entre la tâche de légitimation du mouvement socialiste et communiste et la connaissance scientifique de l'œuvre. Une édition peut être académique et exempte d'idéologie, mais une interprétation suivra toujours des motifs politiques.
Après le rapport du « Club de Rome », le débat écologique a acquis une très grande audience à l'Ouest. Les « limites de la croissance » étaient discutées publiquement dans de nombreux ouvrages à succès et faisaient l'objet de débats dans le champ politique, culturel, économique et social. Un mouvement environnemental s'est constitué qui, par la suite, a donné naissance aux partis verts. En RDA, en revanche, la croissance n'a pas fait l'objet de discussions à cette époque. Le parti-État qu'était le SED était focalisé sur l'idée d'une croissance extensive et d'une consommation financée par la dette. L'objectif était de dépasser l'Ouest sur le plan économique. La « crise écologique » était donc perçue comme une arme idéologique contre la croissance du socialisme réel. À la fin des années 1970, Rudolf Bahro, Wolfgang Harich et Robert Havemann, auteurs marxistes de RDA critiques à l'égard du système, ont élaboré des utopies écologiques orientées vers des alternatives éco-communistes. L'article présente ces utopies et leurs auteurs et esquisse les grandes lignes de la réception dont elles ont bénéficié à l'époque et aujourd'hui.
Dans cet entretien réalisé à l'occasion de la parution de l'édition française du premier volume de sa monumentale biographie de Marx encore en cours de rédaction, Michael Heinrich revient à la fois sur son propre parcours théorique et politique, et sur les enjeux spécifiques du projet auquel il se consacre depuis plusieurs années. Au cours de la discussion, il se positionne par rapport aux autres biographies de Marx existantes et met en avant les nouveaux apports de son travail, non seulement en ce qui concerne la période couverte par le premier volume (1818-1841), mais aussi en faisant des incursions dans les années qui suivent. Il souligne également l'importance qu'ont pu avoir ses échanges avec des chercheurs originaires du monde entier dans la transformation de son regard sur la vie et l'œuvre de Marx.
La production théorique marxiste de RDA sous ses différentes formes n'a pas véritablement bénéficié jusqu'ici du regain d'intérêt pour ce « pays disparu » que l'on a pu constater ces dernières années, tant dans le débat public que dans l'historiographie. En dépit de la fonction de légitimation qui était la sienne, le marxisme de RDA était pourtant un champ traversé par des contradictions et ne se réduisait pas à une idéologie ossifiée. Les outils bibliographiques dont nous disposons aujourd'hui concernant les acteurs et les institutions qui ont contribué à faire exister le marxisme de RDA nous permettent d'adopter une démarche plus nuancée. Il est notamment possible d'identifier, pardelà des approches indéniablement dogmatiques, un certain nombre d'innovations, dont l'un des exemples les plus notables est le courant de la Weltgeschichte .