J acques B inoche , L'Algérie et sa représentation parlementaire (1848-1962), Paris, L'Harmattan, 2018, 200 p., ISBN 978-2-343-15252-3
In: Revue d'histoire moderne et contemporaine, Band 68-2, Heft 2, S. 164-166
ISSN: 1776-3045
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In: Revue d'histoire moderne et contemporaine, Band 68-2, Heft 2, S. 164-166
ISSN: 1776-3045
En Algérie, l'année 1962 est à la fois la fin d'une guerre et la difficile transition vers la paix ; elle met fin à une colonisation française longue de 132 années, marquée par une combinaison rare de violence et d'acculturation ; elle voit aussi l'émergence d'un État algérien dont la tâche première consiste à assurer sa propre stabilité, et la survie de sa population, tout en redéfinissant ce que c'est que d'être Algérien.1962 comme événement est sans doute mieux perçu depuis l'extérieur. La date prend une importance mondiale tant elle symbolise, dans les pays du Sud, l'ensemble des indépendances des peuples colonisées. Par ailleurs, la guerre d'indépendance algérienne est devenue un modèle et une référence par sa nature et sa durée, par la force de ses symboles (le film Gamila al-Gazaïriyya de Youcef Chahine, « blockbuster » du tiers monde en 1957, ou les combattantes Djamila Bouhired ou Djamila Boupacha). La posture du Front de libération nationale (FLN) est désormais connue grâce à la verve de ses auteurs, dont fait partie Frantz Fanon, et par le soutien apporté aux autres mouvements de libération. En conséquence, l'indépendance de l'Algérie fait date bien au-delà des frontières du nouveau pays.En France, 1962 est connue d'abord par les expériences particulières, celles des pieds-noirs et des harkis. Sur un million (soit 10 % de la population totale), en 1962, 650 000 Français d'Algérie quittent le pays : parmi eux, la presque totalité de la communauté juive. Les récits de ce que l'on nomme déjà l'« exode », sont les mieux connus : ils ont été publiés, bien étudiés par une historiographie abondante et ont acquis, dans les médias et le monde de l'édition une place centrale. Commencent également à être mieux connues les expériences des « harkis », le terme générique pour désigner les anciens supplétifs de l'armée française dont certains quittent l'Algérie à partir de 1962 pour rejoindre la France. La question des conditions du départ de ces différents groupes mais aussi de leurs assimilations en France et enfin de la construction de leur mémoire collective continue de faire débat en France. Ces histoires différentes ont en commun d'être des versions tragiques de l'événement 1962.Mais paradoxalement, alors même que la colonisation touche à sa fin, c'est encore une fois l'histoire des anciens subalternes, de ceux qui avaient été soumis à la domination coloniale, qui tend à disparaître. On connaît en effet encore très mal l'expérience de la majorité des habitants du pays qui y demeurent en 1962. La plupart d'entre eux sont les anciens colonisés, « indigènes » ou « Français musulmans » selon la terminologie coloniale, dont la qualité d'Algériens était revendiquée depuis plusieurs décennies par le mouvement national. Mais demeurent aussi en Algérie d'anciens « Européens » pour lesquels se posent à la fois le choix et la possibilité de devenir Algériens, ainsi que d'anciens harkis dont le devenir dans le pays est rarement évoqué, au-delà des violences dont certains ont été victimes en 1962.Le premier objectif de ce livre est donc de restituer la façon dont l'année 1962 a été vécue par cette majorité « minorisée » par la connaissance que nous avions jusqu'ici de l'événement.L'année 1962 est scandée par trois moments : le cessez-le-feu signé à Évian et mis en œuvre le 19 mars ; l'Indépendance de juillet fêtée le 5 juillet ; enfin, la mise en place de l'État algérien avec la proclamation de la République le 25 septembre. Ces événements dessinent des séquences qui sont avant tout des périodes politiques : le pays connaît à partir du cessez-le-feu une période "transitoire", puis, à partir de l'Indépendance, une crise politique interne au FLN. Mais cette histoire politique, elle aussi bien connue, cache des expériences vécues.À partir de la connaissance d'autres fins de guerres (notamment les guerres européennes, les guerres mondiales ou la guerre de Sécession), il s'agit dans ce livre d'explorer les expériences oubliées de cette étrange fin de guerre algérienne. En l'absence d'archives d'État qui permettraient, comme ce fut le cas pour l'Europe, d'embrasser ces expériences partagées, il faut les reconstituer par l'accumulation d'expériences individuelles : les témoignages, autobiographies, entretiens dans la presse, photographies ou film d'agence ou personnelles de même que des chansons ou poèmes, sont ici mobilisés pour proposer une histoire populaire de l'année 1962 en Algérie. J'emprunte en effet ici à l'histoire populaire défendue par Howard Zinn ou Michelle Zancarini-Fournel sa préoccupation de reconstituer des parcours des personnes de milieux modestes, en prêtant une attention particulière aux récits de femmes, et de s'éloigner d'une histoire politique ou diplomatique ; j'emprunte également aux Subaltern Studies de Partha Chaterjee ou Rajanit Guha la préoccupation d'écrire l'histoire de ceux qui sont soumis à la domination coloniale et donc l'effacement, au moment même où la colonisation touche à sa fin, ne cesse pas du jour au lendemain.L'ouvrage est organisé en quatre grandes questions correspondant aux quatre parties du livre. Chacune est traitée sous forme de chapitres courts, tous organisés autour d'histoires individuelles et des récits vivants qui brossent une histoire populaire.La première question est celle de savoir ce que 1962 fait à la violence. En effet, avant de permettre une accalmie, 1962 constitue d'abord, au contraire, un paroxysme de violence qui sidère les observateurs étrangers – le paradoxe n'est qu'apparent, puisqu'on retrouve le cas dans d'autres conflits. Le cessez-le-feu ouvre même une période violence renouvelée, avec le déchaînement de la violence de l'Organisation armée secrète (OAS), ainsi que certaines violences vengeresses de fin de guerre et des violences interalgériennes qui se prolongent. Ces violences sont liées pour les unes au désarroi à l'approche de la fin du monde colonial, et pour les autres à l'effervescence collective de l'approche de l'Indépendance. Sortir du caractère unique du cas algérien pour penser la comparaison avec d'autres sorties de guerre permet de les ré-explorer à nouveaux frais.La deuxième question est celle de savoir ce que 1962 fait aux corps, corps collectif et corps individuels. Durant la guerre d'indépendance, ce fut une préoccupation du FLN et – à partir de sa création en 1958 – du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) que de prendre en charge sa propre population. Or la violence de l'OAS, le chaos provoqué par le départ de nombreux fonctionnaires et cadres de grandes entreprises accélèrent l'auto-organisation des Algériens dès avant l'Indépendance, notamment dans les domaines du ravitaillement et des soins. Par ailleurs, la cessation des combats permet de retisser des liens rompus par la violence, de se chercher, de se retrouver, et de faire enfin l'expérience des deuils longtemps repoussés par la guerre. La question qui se pose donc ici est celle de savoir comment, à travers les événements de l'année 1962, l'on (re)fait société.Pour autant, en permettant de se retrouver, sortir de la guerre et de la clandestinité peut provoquer un choc à se voir après les séparations de la guerre, à découvrir des corps différemment marqués par les expériences de la guerre, ou à saisir que certains ne reviendront pas. En cela, quitter la guerre peut se révéler douloureux et le « retour à l'intime » est, pour certains, source de déceptions.La troisième question est celle de ce que 1962 fait à l'espace. Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 marque la victoire du FLN par l'obtention d'une souveraineté quasi-totale sur le territoire algérien, qui était sa revendication première depuis la proclamation du 1er novembre 1954. Le cessez-le-feu libère le territoire algérien : il ouvre les camps de concentration, les camps de détention et les prisons, et permet des circulations jusque-là impossibles. L'Algérie de ce point de vue est semblable à l'Europe de 1945 décrite par Modris Ekteins : c'est un pays-fourmilière où l'on se déplace en tous sens. Les quartiers ou localités changent d'identité, parfois brutalement, lorsqu'ils sont abandonnés par leurs habitants « européens » pour être rapidement repeuplés.Malgré l'ouverture, durant toute la période transitoire, le territoire demeure partagé entre armée française et ALN, et, dans les villes où l'OAS est puissante, les quartiers algériens sont en état de siège. Dans une moindre mesure, durant l'été, avec les conflits internes, le territoire nécessite d'être réunifié. Par ailleurs, le sol lui-même nécessite d'être "réparé" pour accueillir ceux qui, réfugiés ou regroupés, voudraient revenir chez eux, puisqu'il faut déminer ou reboiser.Enfin, la dernière partie explore ce que 1962 fait au temps : il s'agit de repenser la question souvent abordée dans le champ politique algérien de la rupture ou des continuités de l'Indépendance pour réfléchir aux expériences du temps vécu. Le partage du temps radical que réalise l'Indépendance est en effet le fruit d'un travail lancé dès 1962 d'invention du passé et visant à repousser la guerre dans le passé.Dans le même temps, l'Indépendance marque la réalisation d'une longue attente : elle réactive la mémoire d'événements anciens, du début de l'occupation française en 1830 aux dépossessions foncières de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. Elle a fait l'objet d'un intense travail d'imagination et a souvent été vue comme une réparation des torts de la colonisation. Cette imagination de l'Indépendance se poursuit et s'intensifie à mesure qu'approche la fin, et confère à la fin de guerre une dimension millénariste, accrue par le départ – inattendu en si grand nombre – des Français d'Algérie, qui ouvre des possibles inespérés de se reloger, de s'approprier des terres ou d'accéder à des opportunités sociales et professionnelles. Pays de rêves militants autant que de possibilités individuelles concrètes, l'Algérie de 1962 est le pays de l'avenir, même si ces attentes immenses entraînent avec elles la possibilité de grandes déceptions.
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En Algérie, l'année 1962 est à la fois la fin d'une guerre et la difficile transition vers la paix ; elle met fin à une colonisation française longue de 132 années, marquée par une combinaison rare de violence et d'acculturation ; elle voit aussi l'émergence d'un État algérien dont la tâche première consiste à assurer sa propre stabilité, et la survie de sa population, tout en redéfinissant ce que c'est que d'être Algérien.1962 comme événement est sans doute mieux perçu depuis l'extérieur. La date prend une importance mondiale tant elle symbolise, dans les pays du Sud, l'ensemble des indépendances des peuples colonisées. Par ailleurs, la guerre d'indépendance algérienne est devenue un modèle et une référence par sa nature et sa durée, par la force de ses symboles (le film Gamila al-Gazaïriyya de Youcef Chahine, « blockbuster » du tiers monde en 1957, ou les combattantes Djamila Bouhired ou Djamila Boupacha). La posture du Front de libération nationale (FLN) est désormais connue grâce à la verve de ses auteurs, dont fait partie Frantz Fanon, et par le soutien apporté aux autres mouvements de libération. En conséquence, l'indépendance de l'Algérie fait date bien au-delà des frontières du nouveau pays.En France, 1962 est connue d'abord par les expériences particulières, celles des pieds-noirs et des harkis. Sur un million (soit 10 % de la population totale), en 1962, 650 000 Français d'Algérie quittent le pays : parmi eux, la presque totalité de la communauté juive. Les récits de ce que l'on nomme déjà l'« exode », sont les mieux connus : ils ont été publiés, bien étudiés par une historiographie abondante et ont acquis, dans les médias et le monde de l'édition une place centrale. Commencent également à être mieux connues les expériences des « harkis », le terme générique pour désigner les anciens supplétifs de l'armée française dont certains quittent l'Algérie à partir de 1962 pour rejoindre la France. La question des conditions du départ de ces différents groupes mais aussi de leurs assimilations en France et enfin de la construction de leur mémoire collective continue de faire débat en France. Ces histoires différentes ont en commun d'être des versions tragiques de l'événement 1962.Mais paradoxalement, alors même que la colonisation touche à sa fin, c'est encore une fois l'histoire des anciens subalternes, de ceux qui avaient été soumis à la domination coloniale, qui tend à disparaître. On connaît en effet encore très mal l'expérience de la majorité des habitants du pays qui y demeurent en 1962. La plupart d'entre eux sont les anciens colonisés, « indigènes » ou « Français musulmans » selon la terminologie coloniale, dont la qualité d'Algériens était revendiquée depuis plusieurs décennies par le mouvement national. Mais demeurent aussi en Algérie d'anciens « Européens » pour lesquels se posent à la fois le choix et la possibilité de devenir Algériens, ainsi que d'anciens harkis dont le devenir dans le pays est rarement évoqué, au-delà des violences dont certains ont été victimes en 1962.Le premier objectif de ce livre est donc de restituer la façon dont l'année 1962 a été vécue par cette majorité « minorisée » par la connaissance que nous avions jusqu'ici de l'événement.L'année 1962 est scandée par trois moments : le cessez-le-feu signé à Évian et mis en œuvre le 19 mars ; l'Indépendance de juillet fêtée le 5 juillet ; enfin, la mise en place de l'État algérien avec la proclamation de la République le 25 septembre. Ces événements dessinent des séquences qui sont avant tout des périodes politiques : le pays connaît à partir du cessez-le-feu une période "transitoire", puis, à partir de l'Indépendance, une crise politique interne au FLN. Mais cette histoire politique, elle aussi bien connue, cache des expériences vécues.À partir de la connaissance d'autres fins de guerres (notamment les guerres européennes, les guerres mondiales ou la guerre de Sécession), il s'agit dans ce livre d'explorer les expériences oubliées de cette étrange fin de guerre algérienne. En l'absence d'archives d'État qui permettraient, comme ce fut le cas pour l'Europe, d'embrasser ces expériences partagées, il faut les reconstituer par l'accumulation d'expériences individuelles : les témoignages, autobiographies, entretiens dans la presse, photographies ou film d'agence ou personnelles de même que des chansons ou poèmes, sont ici mobilisés pour proposer une histoire populaire de l'année 1962 en Algérie. J'emprunte en effet ici à l'histoire populaire défendue par Howard Zinn ou Michelle Zancarini-Fournel sa préoccupation de reconstituer des parcours des personnes de milieux modestes, en prêtant une attention particulière aux récits de femmes, et de s'éloigner d'une histoire politique ou diplomatique ; j'emprunte également aux Subaltern Studies de Partha Chaterjee ou Rajanit Guha la préoccupation d'écrire l'histoire de ceux qui sont soumis à la domination coloniale et donc l'effacement, au moment même où la colonisation touche à sa fin, ne cesse pas du jour au lendemain.L'ouvrage est organisé en quatre grandes questions correspondant aux quatre parties du livre. Chacune est traitée sous forme de chapitres courts, tous organisés autour d'histoires individuelles et des récits vivants qui brossent une histoire populaire.La première question est celle de savoir ce que 1962 fait à la violence. En effet, avant de permettre une accalmie, 1962 constitue d'abord, au contraire, un paroxysme de violence qui sidère les observateurs étrangers – le paradoxe n'est qu'apparent, puisqu'on retrouve le cas dans d'autres conflits. Le cessez-le-feu ouvre même une période violence renouvelée, avec le déchaînement de la violence de l'Organisation armée secrète (OAS), ainsi que certaines violences vengeresses de fin de guerre et des violences interalgériennes qui se prolongent. Ces violences sont liées pour les unes au désarroi à l'approche de la fin du monde colonial, et pour les autres à l'effervescence collective de l'approche de l'Indépendance. Sortir du caractère unique du cas algérien pour penser la comparaison avec d'autres sorties de guerre permet de les ré-explorer à nouveaux frais.La deuxième question est celle de savoir ce que 1962 fait aux corps, corps collectif et corps individuels. Durant la guerre d'indépendance, ce fut une préoccupation du FLN et – à partir de sa création en 1958 – du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) que de prendre en charge sa propre population. Or la violence de l'OAS, le chaos provoqué par le départ de nombreux fonctionnaires et cadres de grandes entreprises accélèrent l'auto-organisation des Algériens dès avant l'Indépendance, notamment dans les domaines du ravitaillement et des soins. Par ailleurs, la cessation des combats permet de retisser des liens rompus par la violence, de se chercher, de se retrouver, et de faire enfin l'expérience des deuils longtemps repoussés par la guerre. La question qui se pose donc ici est celle de savoir comment, à travers les événements de l'année 1962, l'on (re)fait société.Pour autant, en permettant de se retrouver, sortir de la guerre et de la clandestinité peut provoquer un choc à se voir après les séparations de la guerre, à découvrir des corps différemment marqués par les expériences de la guerre, ou à saisir que certains ne reviendront pas. En cela, quitter la guerre peut se révéler douloureux et le « retour à l'intime » est, pour certains, source de déceptions.La troisième question est celle de ce que 1962 fait à l'espace. Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 marque la victoire du FLN par l'obtention d'une souveraineté quasi-totale sur le territoire algérien, qui était sa revendication première depuis la proclamation du 1er novembre 1954. Le cessez-le-feu libère le territoire algérien : il ouvre les camps de concentration, les camps de détention et les prisons, et permet des circulations jusque-là impossibles. L'Algérie de ce point de vue est semblable à l'Europe de 1945 décrite par Modris Ekteins : c'est un pays-fourmilière où l'on se déplace en tous sens. Les quartiers ou localités changent d'identité, parfois brutalement, lorsqu'ils sont abandonnés par leurs habitants « européens » pour être rapidement repeuplés.Malgré l'ouverture, durant toute la période transitoire, le territoire demeure partagé entre armée française et ALN, et, dans les villes où l'OAS est puissante, les quartiers algériens sont en état de siège. Dans une moindre mesure, durant l'été, avec les conflits internes, le territoire nécessite d'être réunifié. Par ailleurs, le sol lui-même nécessite d'être "réparé" pour accueillir ceux qui, réfugiés ou regroupés, voudraient revenir chez eux, puisqu'il faut déminer ou reboiser.Enfin, la dernière partie explore ce que 1962 fait au temps : il s'agit de repenser la question souvent abordée dans le champ politique algérien de la rupture ou des continuités de l'Indépendance pour réfléchir aux expériences du temps vécu. Le partage du temps radical que réalise l'Indépendance est en effet le fruit d'un travail lancé dès 1962 d'invention du passé et visant à repousser la guerre dans le passé.Dans le même temps, l'Indépendance marque la réalisation d'une longue attente : elle réactive la mémoire d'événements anciens, du début de l'occupation française en 1830 aux dépossessions foncières de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. Elle a fait l'objet d'un intense travail d'imagination et a souvent été vue comme une réparation des torts de la colonisation. Cette imagination de l'Indépendance se poursuit et s'intensifie à mesure qu'approche la fin, et confère à la fin de guerre une dimension millénariste, accrue par le départ – inattendu en si grand nombre – des Français d'Algérie, qui ouvre des possibles inespérés de se reloger, de s'approprier des terres ou d'accéder à des opportunités sociales et professionnelles. Pays de rêves militants autant que de possibilités individuelles concrètes, l'Algérie de 1962 est le pays de l'avenir, même si ces attentes immenses entraînent avec elles la possibilité de grandes déceptions.
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In: Le mouvement social, Band 269-270, Heft 4, S. 133-148
ISSN: 1961-8646
Le présent article s'intéresse à la place de la rédaction d'un blog (ou carnet de recherche) dans le travail des historiens, en partant du carnet Textures du temps , consacré à l'histoire de l'Algérie contemporaine et présent sur la plateforme Hypothèses depuis 2012. L'article caractérise l'écriture historienne permise par le blog et la compare aux écritures plus traditionnelles. Il décrit les circulations de textes entre différents supports (du blog aux revues ou aux médias) ainsi que les liens, en amont et en aval de la mise en ligne, entre réseaux sociaux et blog. Cette écriture renouvelle les relations entre historiens et témoins et ouvre une diffusion de la recherche sous des formes et vers des publics différents, contribuant à une histoire du temps présent dont l'ambition est d'être désormais mondiale.
In: The journal of North African studies, Band 22, Heft 2, S. 308-312
ISSN: 1743-9345
International audience ; This is the author's version of an article published in Algeria: Nation, Culture and Transnationalism, 1988-2015, edited by Patrick Crowley, Liverpool University Press, 2017. The book contains it's final version, and all citations should be made based on the book. Following the youth riots of October 1988, Algeria experienced the first serious democratic opening in the region, 20 years before the revolutions of Egypt and Tunisia. Political parties, such as the communist Parti de l'avant-garde socialiste (PAGS), which had been clandestine, entered the public domain. And many new parties were created, including the Islamist party Front Islamique du Salut (FIS) which won the first round of the legislative elections that were then suspended by the military coup in January 1992 thus ending the new found experience of democracy. This chapter tracks the multiple issues at stake in Algeria during this brief period (1988-1992): democratization, the collapse of communism, the emergence of Islamism, and the descent into a civil war in which the communists were amongst the first targets of assassinations. Examining the history of PAGS during this period allows us to understand the ongoing divide in Algeria between Islamists and secularists on
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International audience ; After the military coup that led colonel Houari Boumediene to power, the revolutionary enthusiasm in which youth and student had participated since the independence of 1962 seemed over. However, by the beginning of the 1970s, Boumediene had managed to regain the support of the more radical students to buttress his left leaning reforms, including the nationalization of oil and gas, and the agrarian revolution of 1971. Based on interviews and memoirs, this article aims to follow itineraries of former students activists of the Union nationale des étudiants algériens (UNEA) in order to better understand both the chronology and the paradoxes of the period. In doing so, it aims to shed light on the nature and timing of the "Algerian 1968". ; Après le coup d'état de 1965 qui mène au pouvoir le colonel Houari Boumediene en Algérie, l'élan révolutionnaire auxquels les jeunes – et notamment les étudiants – ont particulièrement participé depuis l'indépendance de 1962, semble coupé. Pourtant, au début des années 1970, Boumediene s'appuie sur la jeunesse pour mener des réformes de gauche, notamment la nationalisation des hydrocarbures et la réforme agraire de 1971. En reconstituant à partir d'entretien et de mémoires les parcours des militants de la remuante Union nationale des étudiants algériens (UNEA), cet article se propose d'explorer cette période pour en affiner la chronologie et en éclairer les paradoxes. Ce faisant, il contribue à comprendre à la fois la nature et la temporalité du « 1968 algérien ».
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In: The journal of North African studies, Band 20, Heft 3, S. 485-487
ISSN: 1743-9345
In: The journal of North African studies, Band 18, Heft 5, S. 703-724
ISSN: 1743-9345
In: The journal of North African studies, Band 18, Heft 4, S. 623-625
ISSN: 1743-9345
In: The journal of North African studies, Band 18, Heft 5, S. 703-724
ISSN: 1362-9387
World Affairs Online
International audience ; In recent years, two important books have focused on the violence of the French conquest and colonization of Algeria, beginning in 1830. Le Cour Grandmaison's Coloniser, Exterminer emphasizes the role colonies such as Algeria played in the development of military forms of violence later imported to Europe, while Brower gives a fine description of the violent means used by the French army to control the Algerian desert after the conquest. In doing so, both authors go beyond the well-known episodes of Algerian armed resistance--notably the armed resistance of Amir Abd-al-Qadir in the 1830s and '40s, and the War for Independence (1954-1962)--to re-emphasize the duration and intensity of violence in the resistance against French colonial occupation of Algeria. However, such discourse leaves little, if any, narrative space for uncovering the existence and discussing the role of other, nonviolent, forms of struggle developed by Algerians against the French colonial occupation.
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International audience ; The contemporary history of Algeria is divided between the complex history of the colonial period –and especially of the war of independence– and the period of an independent Algeria which does not exist as a field of research for historians. In a country which opened itself up to the experience of democracy over 20 years ago, recent history remains a taboo, despite a growing social demand on the part of the younger generations. Based on concrete experience, this article explores the working conditions of historians of the present. In particular, it analyses the issues which are at stake in the interaction between historians and witnesses, each marked –and in different ways– by events: the October 1988 riots, the years of democratization from 1988-1992, and especially, the civil war of the 1990s. ; L'histoire contemporaine de l'Algérie se divise entre une histoire dense de la période coloniale (et, surtout, de la guerre d'indépendance) et une période de l'Algérie indépendante qui n'existe pas comme champ de recherche pour les historiens. Dans un pays qui a connu une ouverture démocratique de courte durée il y a plus de vingt ans, l'histoire récente demeure entièrement verrouillée, malgré une demande sociale de plus en plus forte de la part des générations les plus jeunes. À partir d'une expérience concrète, cet article explore les conditions du travail des historiens du temps présent. Il analyse en particulier ce qui se joue dans l'interaction entre l'historien(ne) et les témoins, marqués les uns les autres – et à des titres différents – par des événements : émeutes d'octobre 1988, démocratisation des années 1988-1992, et surtout la guerre civile des années 1990.
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International audience ; This article explores the constraints of contemporary history writing about Algeria. It analyzes the historiographical blocks and blind spots to show the centrality of the question of unity/plurality within Algerianness. Borrowing from anthropologist Françoise Héritier, it uses the notion of entre-soi to elaborate a new chronological framework, a continual sequence of war between 1945 and 2002. It also examines the impact of the rapid succession of these episodes of political violence on individual memories, and how moments of paroxysmal violence are reactivated during interviews, and considers the emotional cost for historians when they become the last recipient of narratives of forms of violence intended to terrorize. Historian Soria Karadach teaches at Ben Aknoun University in Algiers and writes for several scholarly journals in the country and abroad. Her research deals with the violence and killings that followed Algerian independence day, in July 1962. To " rehabilitate an officer and correct history, " this driven woman needs all the help she can get.
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International audience ; Dans les événements de mai 1958, on analyse naturellement les événements algérois dans la continuité de la politique française: pendant quelques jours, l'avenir de la République française se joue en effet à Alger. Toutefois, les folles journées de mai ont une autre dimension, plus spécifiquement coloniale : elles sont marquantes parce qu'elles voient pour la première fois la participation à des manifestations en faveur du maintien de l'Algérie française de la population « musulmane » d'Algérie. C'est par ce terme, en effet, que – selon cette construction juridique qui divise la population algérienne entre population coloniale et colonisée – on désigne cette dernière. La participation des colonisés aux manifestations de mai 1958 demeure historiographiquement problématique : à partir de 1962, l'indépendance s'imposa comme l'horizon inéluctable de l'histoire coloniale de l'Algérie, et il s'agissait en conséquence de montrer comment les événements y avaient conduit. Dès lors, cet épisode de mai 1958 fut, au mieux, considéré comme inintéressant faute de faire avancer l'histoire, au pire, comme embarrassant, allant à contre-courant de l'histoire. Il convient néanmoins d'y revenir pour comprendre comment l'événement fut construit, mis en scène, et sa signification utilisée et diffuser pour poser la question des conditions de l'expression d'une opinion publique de la population colonisée.
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